Année B : mercredi de la 6e semaine de Pâques (litbp06me.21)
Jn 16, 12-15 ; Ac 17, 15.22 – 18, 1 un départ dérangeant,
Nous célébrons la fête d’un départ : Jésus se sépare visiblement de ses disciples et de ce monde. Étonnant : les disciples retournent à Jérusalem tout joyeux (cf. Lc 24, 52). Habituellement, un départ engendre de la tristesse. Ici, il ouvre à la joie, celle de recevoir l’Esprit de Jésus que personne ne peut se donner et qui est gratitude, reconnaissance de Dieu de nous voir promouvoir son projet de fraternité universelle, beaucoup plus demandant que la solidarité.
Les disciples sont tout joyeux d’être attirés par Jésus, d’être innocentés par Dieu. Tout joyeux, de se savoir choyés par l’amour de Jésus qui est premier (cf. 1 Jn 4, 10). Tout joyeux de revêtir l’Esprit de Dieu qui brise en nous tous les miroirs de notre moi, selon la belle expression du pape François[1], et qui évite que notre parole ne soit d’une insignifiance qui tue. Nous parlons souvent pour parler. Pour ne rien dire.
Lorsque l’Esprit de Dieu n’est pas reconnu comme agissant en nous, nos paroles, nos actions même les plus fidèles à l’évangile deviennent de beaux discours de sagesse qui peuvent servir d’écran pour nous glorifier. Sans sa présence, tous les plans de mobilisation pastorale visant à devenir Église en mission[2], risquent d’être pur trompe-l’œil. En nous quittant, Jésus nous demande de nous laisser envahir par son Esprit pour éviter de nous enfermer dans un enchevêtrement de procédures (Cf. EG # 49). Pour éviter d’être des chrétiens déjà morts.
La joie nous préserve de cette pathologie qui consiste à se considérer gardiens de l’évangile ; à se donner une licence de légitimité sur les autres ; de se faire appeler maître en privilégiant des espaces de pouvoir plutôt qu’en initiant des processus (cf. EG # 222). Un chrétien non joyeux manque d’attraction. Une Église qui s’appuie sur une bonne organisation, mais sans joie, est déjà morte. Sans avenir.
Ce qui se dégage de la lecture de l’évangile, ce matin, est plutôt troublant. Jésus ne part pas pour nous laisser toute la place. Il part en nous assurant qu’il ne nous laissera pas tranquille, que nous ne pourrons pas agir à notre guise. Il s’engage à nous poursuivre, nous pourchasser de son Esprit, pour nous éviter quatre pièges ou maladies que le pape François ne cesse de rappeler : l’autopromotion de soi en recherchant une couleur plutôt qu’une autre ; la recherche du pouvoir que cache un certain cléricalisme ; la mise au rancart du peuple qu’il appelle l’élitisme ; le fonctionnalisme qui mise plus sur l’organisation que sur l’assurance de son Esprit.
En annonçant à quelqu’un qu’il a une tumeur cancéreuse, le médecin lui indique un chemin pour l’éradiquer. Ce chemin ne sera pas de tout repos. En quittant les siens, Jésus offre un chemin pour éradiquer ces pathologies qui apparaissaient avec l’âge. Une foi qui vieillit est une foi qui s’encrasse dans des manières de faire plutôt que de vivre dans un mouvement permanent, toujours déstabilisant, insécurisant.
Les propos du Pape Benoit alors qu’il était cardinal sont dérangeants pour qui s’y arrête : on n’est pas chrétien parce qu’on est engagé dans des structures organisationnelles, mais parce qu’on témoigne d’une manière de vivre qui sort de l’ordinaire (Épitre à Diognète). Cette manière de voir les choses est celle de Jésus qui n’a pas passé sa vie à faire des discours. Il a plutôt rejoint les gens là où ils étaient, tels qu'ils étaient. Pour annoncer l’Évangile, Paul s’est inséré, immergé dans la vie réelle des gens. Il n’y a aucun endroit où l’Esprit ne peut pas souffler. Cassons tous les miroirs de notre moi et nous serons des chrétiens capables de réchauffer les cœurs par attraction.
L’Esprit promis est un véritable scalpel pour nous guérir de ces pathologies qui enlèvent l’élément premier de toute vie évangélique qu’est l’attraction. La foi se répand par attraction, disait le pape Benoît XVI. Sommes-nous des chrétiens attrayants ?
L’Ascension nous fait comprendre qu’une seule chose est nécessaire : agir comme si tout dépend de nous, sachant qu'en réalité, tout dépend de Dieu (saint Ignace de Loyola). AMEN.
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