Année B : samedi de la 5e semaine du temps ordinaire (litbo05s.21)
Mc 8, 1-10 ; Gn 3, 9-24 : éclats d’humanité.
Jésus s’adresse à une foule de chercheurs de sens. Il s’adresse non pas seulement à des croyants. Il adresse la même parole à tous les chercheurs de sens. À l’humanité. Jésus déteste les frontières. Jésus ne se définit pas comme un protecteur de la religion de son temps. Il est détesté par les chefs religieux. Il n’a pas une mentalité protectionnisme, de division. Il se présente comme un accompagnateur de sens. Il accompagne les gens à voir clair dans leur vie. À trouver un sens à leur vie.
En nourrissant tout le monde, Jésus atteste qu’il est normal pour un croyant ou un non-croyant de s’entraider. Il ouvre un nouveau chapitre d’un vivre ensemble. En nourrissant tant de monde, en leur offrant un «grand diner» festif au milieu d’une terre aride, Jésus se montre très humain. Celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors (cf. Jn 6, 37). Sa seule préoccupation, très humaine, est de ne pas renvoyer les gens le ventre vide. Lui attribuer toute autre intention comme celle de les «convertir» à son royaume est grossièrement erronée.
En étant humain jusque dans ses entrailles, il opère un déplacement presque inimaginable pour l’époque en nourrissant hors des temples autant les Juifs que les païens. Ce geste est rapporté par les évangélistes parce qu’il a marqué les mémoires comme un geste d’ouverture à tout le monde. Le message est clair : Jésus se fait solidaire, se montre ami de toute sorte de gens. Il ne considère pas les êtres humains comme des déchets (cf. Fratelli tutti, no 19).
Ce geste n’est pas une parenthèse dans la vie de Jésus. Il n’est pas un quelque chose de plus à ajouter aux initiatives spectaculaires de ce poète de la compassion. Il n’est pas celui d’un Jésus «sympa» qui cherche à se faire aimer. Jésus ne donne pas du bonbon à la foule pour la récompenser d’être venue vers lui. Ce geste est au cœur de son existence et il précise quelle est la personne de Jésus, quel genre de vie il mène, comment il regarde et considère les autres. Jésus est nourriture.
Il faut dépasser «l’institution» qu’annonce ce geste si sensationnel dans le désert pour atteindre le fond du cœur de Jésus. À travers ce geste très humain de ne pas laisser une foule affamée retourner chez elle à jeun nous découvrons le divin Jésus. L’humain authentique qu’est Jésus montre le divin Jésus. Ce geste procède de sa rencontre avec le Père et nous conduit au Père. Jésus montre toute la compassion d’un Dieu qui voit la misère de son peuple et qui lui offre la manne dans le désert et le pain multiplié sur la montagne.
En posant ce geste à une foule en recherche de sens, Jésus indique subtilement un chemin qui fait du sens : reproduire le même geste de compassion en offrant le peu que nous avons. Jésus dit à la foule chercheuse de sens : voici le chemin, prends-le (cf. Is 30, 21). Voilà bien le sens profond de ce pain multiplié. Allez en Galilée, allez dehors reproduire le même geste. Allez, comme l’écrit un poète, débuter le voyage vers le pays de l’autre.
Ce geste remet en question notre rapport comme chrétiens avec les gens du dehors. Où est notre Galilée ? Qui nourrissons-nous ? Cette question taraude autant les pasteurs, les intervenants pastoraux que tous les croyants. Ce n’est plus dans nos églises vides, entre nous, c’est dans nos Galilée que se reproduit le partage de ce pain.
Pour savoir si nous reproduisons dans nos Galilée ce geste de ne pas garder pour soi le peu que nous avons, si nous partageons la même compassion de Jésus, demandons-nous si tout se réduit à nous [et] que seuls comptent nos intérêts individuels (Fratelli tutti, no 19)? L’intimité la plus délicieuse avec ce pain que nous recevrons tantôt postule la solidarité la plus industrieuse avec les affamés que nous côtoyons. Ce pain n’est pas un bonbon de jouissance individuelle. Il n’est pas un a parte de notre vie mystique. Il nous invite à quelque chose de plus, à continuer le message de Jésus en distribuant le peu que nous avons.
Ce pain partagé dans le désert trace un chemin pour constituer un «nous», qui habite la maison commune (Fratelli tutti, no 14). Ce geste est un si puissant signe pour construire une humanité neuve et fraternelle que les premiers chrétiens s’empressent de mettre tout en commun (cf. Ac 2, 44).
À votre contemplation : n’oublions pas ce geste de l’enfant dont parle saint Jean (6, 9) qui offrit généreusement le petit peu de pain qui a nourri tant de monde. C’est le manque de petits gestes de solidarité comme celui de cet enfant qui détruit ce grand rêve d’une terre fraternelle et qui s’inscrit au cœur du cœur de la famille humaine (Fratelli tutti, no 26). AMEN.
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