Année A : samedi de l’octave de Pâques (litap00s.20)
Mc 16, 9-15 ; Ac 4, 13-21 : un désir émergeant de vivre
Tout au long de cette octave, nous avons écouté des récits de différentes apparitions de Jésus. En écoutant ces récits, les auteurs confirment que la résurrection de Jésus est plus que celle d’un seul homme. C’est aussi celle de chacun de nous. Pour les voyants du vivant, la vie n’est plus comme avant, attestent les sources chrétiennes.
Ces récits présentent un modèle de réussite de toutes les résurrections minimes et humbles, grandes ou petites qui se vivent chaque jour autour de nous. En nous. Jésus ne se montre pas pour prouver qu’il a vaincu la mort. Il se montre pour attester que la mort ne tue pas la vie.
N’écoutons pas ces récits comme événement du passé. Il y a résurrection chaque fois qu’une perte entraine un gain, un manque un plus être, un vide une plénitude, un départ un retour joyeux, une demande modeste une réponse généreuse, la dépression une vie jaillissante. Saint Jean affirme cela quand il écrit que nous sommes passés de la mort à la vie puisque nous aimons nos frères. Qui n’aime pas demeure dans la mort (1 Jn 3, 14).
La lumière de Pâques, c’est dans le regard des grandes ou petites résurrections qu’il faut l’observer. C’est lorsque la vie de tous les jours l’emporte sur un regard de mort, c’est quand l’on ne se résigne pas à brasser du noir. C’est dans le quotidien avec ses heurts et ses malheurs, ses petites joies et ses innommables déceptions que la lumière de Pâques brille, réchauffe et ravive des vies. Pâques ne sera jamais un événement terminé dans nos vies. Il s’accomplit à chaque instant de la vie. Pâques, c’est aujourd’hui dans ma vie.
Un psychanalyste a dit cela avec des mots non évangéliques, mais percutants : cette personne neuve et jaillissante, venue du plus profond d’une absence, c’est l’image de notre désir émergeant de vivre[1]. Le vivant, c’est chacun de nous qui éprouvons un désir émergeant de vivre. Ne dit-on pas que nous sommes des êtres de désir ?
Ce désir émergeant de faire vivre, Jésus l’a manifesté dans toutes les relations qu’il avait avec ses contemporains, spécialement les plus éprouvés, les plus délaissés, abandonnés, les proscrits. Chacune de ses guérisons suscitait ce désir de vivre. Le publicain Zachée sortit d’une vie malheureuse, toute tournée vers lui-même. La foi de la Cananéenne lui permit de s’insérer à nouveau dans la société qui l’avait répudié. La femme courbée cessa de vivre qu’en regardant les réalités d’en bas. La belle-mère de Pierre se leva et se remit en état de service. Jésus s’approcha d’elle, la prit par la main et la fit se lever. Aux disciples qui le reconnaissent, à la foule aussi qui le reconnaît, disent des sources chrétiennes, Jésus les réveille.
Pour les chrétiens, croire au Christ ressuscité, c’est s’engager à être le Christ, à être ce vivant qui donne vie, qui fait jaillir la vie. Le geste de Pierre relevant l’infirme à la Belle Porte (Ac 3,6) n’est aucunement une forme de publicité pour promouvoir le vivant. C’est celui d’un croyant qui ne craint pas de manifester sa foi avec courage dans un environnement hostile.
Confesser Pâques, c’est affirmer que le désir de vivre n’est pas tuable. Qu’il renaît chaque jour de ses cendres, que la mort n’est qu’une croix qui ouvre sur une vie vécue en profondeur, dans ses profondeurs. Jésus a témoigné avec une profondeur inatteignable ce qu’est ce désir de vivre en humain : c’est franchir la mort pour vivre. Ca va bien aller. C’est l’autre mot qui dit Pâques.
À votre contemplation ces mots du moine Guerric qui fait dire à Jésus : j’ai dormi et je me suis levé. Toi qui dors, toi aussi, lève-toi, réveille-toi d’entre les morts, et le Christ t’illumineras. AMEN.
Autres réflexions sur le même passage :
[1] Prégent Yves, psychanalyste dans l’expérience dépressive DDD, cité par Musset Jacques dans être chrétien dans la modernité, Golias, 2012, p 142.
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