Année A : samedi de la 1ère semaine du carême (litac01s.20)
Mt 5, 43-48 ; Dt 26, 16-19 : humain peu ordinaire
Jésus l’a annoncé. Il l’a proclamé : le royaume est arrivé. Mais il faut le définir. Il implique une manière radicalement différente de vivre avec l’autre. Le pardon est son trésor, se réconcilier en est la règle d’or. Le peuple avait une loi pour régir sa relation avec les autres. C’était celle du Lévitique. Dans ce moi je vous dis Jésus récuse une manière de lire la loi qui tolère la violence faite à autrui. Il rehausse le seuil de l’interdit. Il est interdit d’insulter, de laisser la violence engendrer la violence, de mal aimer. Vivre cela, c’est n’être pas loin du royaume de Dieu (Mc 12,34).
Jésus définit les critères de l’arrivé du royaume dont il a fait le centre de sa vie. Alors que les paraboles rendent visibles au peuple ordinaire l’arrivé de ce royaume, Jésus aux législateurs et décideurs, configure autrement la loi. Désormais, priorité est à l’amour sans condition, illimité, capable d’aimer jusqu’à l’adversaire. Priorité est dans le cœur et non dans des comportements extérieurement légaux. Jésus ne remplace pas la loi, il est le plus juif d’entre les juifs (Daniel Marguerat p.166). Il exhorte à vivre de la manière dont Dieu se comporte à notre endroit.
Jésus ne dit qu’une chose : fais ton possible pour aimer tout le monde. Toutes ses prises de paroles, tous ses gestes de guérison, même à l’endroit de personnes se tenant loin des synagogues, ne confirment que cela. Il ouvre un processus de changement d’altitude qui nous amène à la perfection (He 11,40).
Aimer vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Et si c’était le mot que nous avons le plus besoin d’entendre en ce moment où nous ne savons pas quoi faire concrètement pour éliminer toutes ces barricades qui se dressent entre nous.
Quelqu’un a dit que les problèmes qui ne peuvent être résolus que par la violence doivent être posés à nouveau (F. Hacker). Et c’est précisément en cela que l’Évangile de Jésus a beaucoup à apporter aujourd’hui, non pas pour offrir des solutions techniques aux conflits, mais pour nous montrer dans quelle attitude nous devons les aborder.
Il y a une conviction profonde chez Jésus. Le mal ne peut être vaincu à base de haine et de violence. Le mal n’est vaincu que par le bien. Martin Luther King disait que le défaut ultime de la violence est qu’elle génère une spirale descendante qui détruit tout. Au lieu de diminuer le mal, elle ne fait que l’augmenter.
Nous sommes au commencement d’un long processus d’un passage à devenir humain. Deviens ce que tu es, comme nous y invite saint Augustin. À notre naissance, nous sommes tous des humains. Jésus nous appelle à aller plus loin, à devenir humains. Ne dit-on pas de quelqu’un qu’il est inhumain ? Il ne s’agit pas de devenir quelqu’un d’autre, mais d’être tout autre. D’être humain peu ordinaire (Ac 28, 2). De devenir soi-même.
Chacun de nous est humain peu ordinaire quand il regarde avec le cœur, contemple par le cœur ses ennemis, même l’Église avec tout ce qui ne fonctionne pas (Pape François, Noël 2019) comme des perles précieuses de grand prix que personne au monde ne saurait perdre (Is 49,16). Nous ne contemplons pas l’autre. Quand nous ne contemplons pas l’image de la beauté qui perce à travers des comportements inhumains nous tombons dans ce mouvement de n’adorer que son moi (Pape 01/06/20).
Jésus propose une vie grandiose, faite de grandes choses qui sont de petites choses de rien du tout, tel un sourire, un regard, une main tendue. En présence d’une consœur qui lui est antipathique, la petite Thérèse s’empresse de lui sourire, de l’aider. Ces petites choses dégagent l’odeur de ce parfum de grand prix qu’une femme, la Madeleine représentant le genre humain, a versée sur les pieds de Jésus. Ces petites choses nous rendent vainqueurs (Rm 8, 37), et non triomphants, parce que rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu (Rm 8, 31).
À votre contemplation : Maxime le Confesseur écrit : la charité parfaite n’admet entre tous les hommes aucune distinction […]; elle aime les bons à titre d’amis, et les méchants à titre d’ennemis, pour leur faire du bien, les supporter, endurer patiemment tout ce qu’on reçoit de leur part. Ne nous laissons pas dominer par les blessures, les torts subis, les afflictions de la vie. Amen.
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