Année A : samedi après l’Épiphanie 11 janvier (LITAN01.20)
Jn 3, 22-30 ; 1 Jn 5, 14-21 : croire, c’est décroître
Le mode de vie de Jean-Baptiste invite à la radicalité vers le bas et à une joyeuse simplicité. Il faut que je décroisse. Émerveillement dans l’humilité de Jean-Baptiste et crainte de devoir le suivre. Jean-Baptiste est le précurseur de la décroissance chrétienne. Pour ceux qui l’entendent avec des oreilles d’aujourd’hui, ces mots résonnent comme des «mots-obus », pour reprendre l’expression de Paul Ariès. Ils cachent pourtant une richesse abyssale, insondable. L’appel à la décroissance fait exploser l’idéologie de «l’égolatrie» (pape François) qui pousse à exploiter son prochain (la terre aussi) et à le(s) traiter comme un pur objet (Laudatio si, no 123).
La décroissance est la carte de l’identité chrétienne. Nous sommes appelés à décroître. Croire, c’est décroître. Jean-Baptiste n’a pas vécu comme un échec le départ de ses disciples vers Jésus. Ce fut son chemin de béatitude. Bienheureux, ceux qui renoncent à leur propre bien-être[1]. Évitons l’ambigüité d’être pratiquant sans prendre ce chemin de foi évangélique, d’être chrétien sans le devenir. Ajoutons qu’être en mode décroissance de son moi ne signifie pas être insignifiant ni disparaître non plus.
Nous sommes dans le temps de la décroissance et nous contemplons un Dieu qui s’est fait petit comme une graine de moutarde (cf. 13, 18), que seuls des bergers, des pauvres, ont reconnue. Cette graine interpelle chacun d’entre nous à dire à son moi : il y a quelqu’un de plus grand que toi. Tu n’as pas toutes les réponses. Il y a quelqu’un qui les a, même si tu ne veux pas l’admettre. Selon les mots de l’Ecclésiaste, cette personne est identifiée à l’abeille (qui est) petite, mais ce qu’elle produit est ce qu’il y a de doux (Si 11,3). Nous en avons besoin pour mettre au monde un vrai humain. Ce chemin est le seul qui puisse rendre nos vies conformes à celle de Jésus.
Et devenir humain débouche sur une écologie intégrale (cf. Laudatio si). Notre supériorité est de pouvoir nous abaisser, de reconnaître notre lien avec tout ce qui respire[2]. Aujourd’hui on préfère se hausser en écrasant les autres. L’une des maladies dont parlait le pape à la Curie en 2013 porte sur le narcissisme qui regarde passionnément sa propre image. La culture hiérarchique prône la domination plutôt qu’à entrer dans ce mode évangélique de décroissance, riche en dénuement […] qui attire la bienveillance de Dieu (Si 11, 12).
Avouons-le, nous sommes nombreux à ne pas être nombreux (Béla Tarr)[3] à prendre ce chemin de la spiritualité de la décroissance que Noël nous fait contempler. Cet appel évangélique à décomposer notre moi pour devenir capable d’être ravi à la voix de l’Époux (Jn 3, 29) est un véritable défi pour les croyants.
Jean-Baptiste aurait pu être un obstacle, un empêcheur puissant pour détourner ses disciples de Jésus. Mais il avait un cœur tellement ouvert aux immenses horizons du désert dont la moindre lumière éblouit[4] qu’il fut ébloui par Jésus. Il s’est effacé, mais pas à peu près. Il a reconnu en Jésus un plus grand que l’homme. Je ne suis pas le Christ (Jn 1, 20).
L’appel évangélique à la décroissance nous bouscule. Il nous pousse à redécouvrir, à revaloriser, à défendre ce chemin comme incontournable pour annoncer Jésus. En effet, il s’agit aujourd’hui de repartir à la conquête de la richesse de ce chemin. Si la petitesse nous répugne, optons pour la grandeur de la décroissance. Ce qui est premier, c’est la décroissance, dirait Marie.
Que se réalise pour nous ce qu’écrivait l’apôtre Jean dans la lecture : nous avons cette assurance que si nous demandons quelque chose selon sa volonté […], si nous savons qu’il nous écoute […] nous savons que nous possédons ce que nous lui avons demandé. AMEN.
Autre réflexion sur ce passage :
[1] http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2016/documents/papa-francesco_20161101_omelia-svezia-malmo.html
[2] Hadjadj, Fabrice, Dernières nouvelles de l'homme (et de la femme aussi) : chroniques d'une disparition annoncée, Éd. Tallendier, oct. 2017, cité dans Aleteia, spiritualité, 3 novembre 2017
[4] Un chartreux, dans Vie spirituelle, 1960, p. 648-651
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