Année A : les saints innocents (litan00s.19)
Mt 2, 13-18 : avons-nous un comportement christianophobe ?
Face à Jésus, nous adoptons des attitudes très différentes. Les mages voient une lumière. Hérode, puissant et brutal, ne voit dans l’enfant qu’un danger, qu’une menace pour son pouvoir. Il fera tout son possible pour l’éliminer. En effet, à partir d’un pouvoir oppressif, on ne peut que « crucifier » ceux qui apportent la libération. C’était vrai hier. Aujourd’hui, il y a le martyre aux gants blancs, celui subi par les personnes qui sont laissées de côté, les marginalisés […] signe que nous allons sur la voie qui mène à Jésus (Pape François 8 décembre 2019).
Nous célébrons la réponse chrétienne à l’évangélisation, l’incarnation suprême de l’Évangile. À cause de mon nom (Mt 10,22). Les martyrs, y compris ceux de notre époque, sont des hommes et des femmes de paix. Les martyrs n’imitent pas Jésus, ils sont Jésus. Depuis l’origine des siècles, le Christ vit sa Passion en tous les siens. En Abel, il a été tué par son frère ; en Isaac, il a été sacrifié ; dans les apôtres, il a été persécuté sur terre et sur mer ; en tous ses bienheureux martyrs, il a été crucifié et tué. C’est lui qui porte pour nous et en nous le poids du monde. C’est lui qui dans les martyrs supporte le mépris, et c’est lui que ce monde hait en eux.
La logique de l’Évangile est inverse de celle du monde : Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave. Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude.
Que ce soit Étienne, que ce soit les saints innocents, que ce soit ces chrétiens coptes marchant vers la mort, que ce soit ces 47 jeunes séminaristes tués en 1997, tous nous offrent à contempler leur héritage le plus précieux : l’évangile de l’amour et de la miséricorde. Ce sont des constructeurs de paix et de bonnes nouvelles. Vous pouvez nous tuer, disait saint Justin, mais nous nuire, jamais. Ces témoignages jusqu’au sang, rendus au Christ, sont un patrimoine commun aux catholiques, aux orthodoxes, aux anglicans et aux protestants. Selon un rapport de l’ONU, on assiste […] à une augmentation constante du niveau de persécution contre les chrétiens dans le monde[1], de l’accroissement des «j’aime»
Devant la multiplication des gestes de violence contre la foi en Jésus, la réponse chrétienne est celle de l’attitude de Jésus. Devant ses opposants, Jésus est entré en dialogue. Il a promu la fraternité, l’écoute, l’accueil, l’ouverture sur un autre type d’humain, des humains solidaires, partageant entre eux un grand projet d’une terre sans guerre, sans animosité que Jésus appelle son royaume.
Jésus n’a pas répondu à ses opposants par les armes, mais par le dialogue, l’arme unique digne de l’être humain et capable de garantir une paix durable.[2] Comme outil promotionnel de son royaume, Jésus favorise une culture de dialogue comme chemin, la collaboration comme conduite et la connaissance réciproque comme méthode et critère.[3]
Dans les Actes des apôtres, la persécution fait partie de la vie des disciples et est génératrice de l’évangélisation[4]. À travers eux, la vérité a le dernier mot. La folie de Dieu est plus sage que les hommes et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes (1 Co 1, 25). Les martyrs sont des évangélisateurs, des réveilleurs de foi, des mégaphones (pape François) qui font retentir la voix de Jésus. Leur foi parle. Leur sang reste une semence d’évangile, ressuscite Jésus dans les cœurs. L’évangile grandit quand la croix s’élève. Annoncer l’Évangile, vivre l’Évangile, aimer jusqu’au martyre comme Kayla Mueller, jeune travailleuse humanitaire américaine, assassinée en 2015 par les djihadistes pour avoir refusé d’abjurer sa foi chrétienne, c'est rendre compte de notre espérance (cf. 1 Pi 3, 15).
Les vrais faibles, ce sont ceux qui martyrisent les autres. Ils sont des peureux qui se cachent derrière une force apparente […] Ils ont besoin de faire le grand, le fort pour se sentir une personne[5]. Ne rangeons pas cette fête du martyr des saints innocents dans un passé lointain. Ce récit surgit aujourd’hui encore quand le pouvoir en place se sent menacé par des voix fragiles qui réclament plus de dignité, de justice salariale, de respect. Il atteste que le chrétien ne vit pas d’un esprit de peur, mais d’un esprit de force, d’amour et de compassion (2 Tm 1, 14). À votre contemplation ces mots de Paul : nous sommes devenus un spectacle au monde, aux anges et aux hommes. Quelle que soit la longueur de la nuit, le jour finira par se lever (proverbe marocain). AMEN.
Autre réflexion sur le même passage :
https://www.diocesevalleyfield.org/fr/a-lire-pour-vivre/2007-mtt-2-13-18-saints-innocents
[1]https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/01/16/97-des-chretiens-tues-en-2018-l-ont-ete-sur-le-continent-africain_5409656_3212.html
[2]http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2019/november/documents/papa-francesco_20191125_autorita-tokyo.html
[3]https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2019-02/pape-francois-abou-dhabi-signature-declaration.html
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