Année C : samedi de la 4e semaine de Pâques (litcp04s.19) 18 mai
Jn 14, 7-14 : qui m’accordera la grâce d’être faible ?
Ce matin, en écoutant ce récit de saint Jean, nous n’assistons pas à une pièce de théâtre. Nous ne sommes pas de simples spectateurs étonnés par cette demande de Philippe (montre-nous le Père) qui semble être un copié-collé d’une demande qui lui avait été faite par les Grecs : nous voulons voir Jésus (Jn 12, 21). Jésus avait exulté de joie en entendant cette demande venant d’un milieu païen.
Ce matin, si nous n’entendons pas ce récit en spectateurs, nous comprenons que Jésus n’est pas heureux de la demande de Philippe. Il est même blessé, exaspéré. Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe! [...] Tu ne crois donc pas. Si vous ne me croyez pas, croyez au moins à cause des œuvres que je fais. La demande de Philippe révèle le désir profond de chacun de nous de rencontrer Dieu. Philippe ne se rend pas compte que le Dieu qu’il cherche à voir est près de lui. On peut être assis aux côtés du Seigneur, le regarder, le contempler sans le reconnaître pour autant.
Jean ne rapporte pas la réaction des apôtres devant l’impatience de Jésus à voir leur cœur lent (cf. Lc 24, 25) à croire. L’évangéliste observe seulement que Jésus passe du singulier au pluriel pour bien souligner que ce cœur lent est celui de tous les apôtres et non seulement celui de Philipe. Jésus, qui nous connaît, plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes (saint Augustin) profite plutôt de la lenteur de ses apôtres à croire, de leur échec à croire, pour les évangéliser, leur partager avec plus de clarté son intimité avec Père. Il utilise nos failles pour nous faire connaître l’intense relation qui l’unit au Père.
Pour évangéliser ses apôtres, Jésus ne leur cache pas ce qui est difficile à croire. Écoutez : le Père et moi, nous sommes un (Jn 10,30), ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement (Jn 5,19), je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé (Jn 5,30), celui qui m’a vu a vu le Père (Jn 14,9). Pour Jésus, l'évangélisation c’est annoncer, éveiller, réchauffer les cœurs à la beauté de sa relation avec le Père. Il les appelle à entrer dans cette beauté comme chemin pour, à leur tour, évangéliser le monde.
Parce que les apôtres n’ont rien compris de qui il est, Jésus leur dit tout, même ce qui est humainement impensable. Je suis dans le Père et le Père est en moi. Qui m’a vu a vu le Père. Pédagogue, Jésus dit à des incroyants que sont les apôtres que le meilleur chemin pour entrer dans son mystère, c’est de voir ce qu’il fait, ses œuvres. Plus encore, ses œuvres nous disent qui est le Père. Ils attestent un débordement de grande compassion du Père à notre endroit. Plus nous sommes dans le doute, plus le Père s’empresse de nous montrer que nous pouvons toujours entrer dans son intimité. Il profite de nos indigences pour entrer en nous. Pour se faire connaître.
Il est beau d’entendre, et c’est la clé pour comprendre la réponse de Jésus à Philippe, que nos doutes, nos incroyances obligent Dieu à montrer qui il est, que le Père ne dort pas, ne se laisse pas dérouter par nos doutes, nos questionnements. Il est un veilleur quand nous sommes devant l’épreuve du doute, l’épreuve de la foi. Il sait descendre jusque dans les profondeurs de nos enfers, de nos turbulences. La réponse de Jésus est belle parce qu’il sait comprendre notre aveuglement et parce qu’il ne ferme pas les yeux sur nos doutes.
Dans la lecture tantôt, Paul et Barnabé ont préféré faire entendre la parole de Dieu à des païens plutôt qu’à des croyants fermés sur eux-mêmes. C’est à vous d’abord […] mais nous nous tournons vers les nations païennes.
La question de Philippe n’est pas une question de foi. Elle démontre une recherche du chemin pour entrer dans l’intimité du Père. Désormais et pour toujours, nos échecs favorisent une entrée dans l’intimité du Père. Désormais et pour toujours, et je cite la petite Thérèse, il faut nous supporter tel que nous sommes, avec nos imperfections (manuscrit C). Désormais et pour toujours, la puissance de Dieu vient nous combler. Qui m’accordera, se demande saint Bernard, non seulement d’être faible, mais de perdre tout ce qui fait ma force […] pour être restauré par la puissance du Seigneur.
Notre intimité avec Jésus commence quand nous cessons de nous tourmenter par nos failles, de ne plus nous décourager par nos nuits. Nos chères imperfections (François de Sales), nos doutes sont un chemin pour entrer dans l’intimité du Père. Amen.
Ajouter un commentaire