Année C : samedi de la 5e semaine ordinaire (litc05s.19) 16 février.
Mc 8, 1-10 : une foule entêtée.
Sommes-nous émerveillés que Dieu se donne en nourriture ? Si nous ne le sommes pas, c’est que nous ne sommes plus dans le domaine de la foi, mais dans celui de l’habitude, de la routine. Nous émerveiller de tendre la main comme une petite mendiante parce que vous êtes bon, ô, mon Dieu, dit Thérèse de Lisieux. Nous émerveiller de nous savoir nourris par Dieu, voilà qui change toute une vie. Pour Jésus, nourrir est un acte de gros bon sens, un acte de justice. C’est la charité en acte. Jésus ne nous aime pas en théorie parce que ça parait bien. Aimer en théorie est une déviation de l’amour. Son geste de gros bon sens s’adresse à une foule nombreuse.
Ne perdons pas le cap de l’émerveillement d’un Jésus soucieux de nourrir toute la foule. Soucieux de nous maintenir dans une terre, un jardin d’Éden, où abondent fruits et mets protéinés. Réveillons l’étonnement de voir Jésus nourrir toute une foule sans se demander qui est digne d’être nourri. Sans se demander qui peut communier. La seule priorité de Jésus : nourrir ceux qui le cherchent sans questionner ou demander s’ils sont dignes ou pas de communier.
Jésus ne se sent pas bien quand quelqu’un ou une foule est dans le besoin. Sa priorité : que personne dans la foule, bonne ou mauvaise, chrétienne engagée ou athée, ne défaille en chemin. Jésus n’appelle pas tout le monde à le suivre, mais il nourrit tout le monde, même les incroyants, même ses opposants qui s’infiltrent dans la foule pour le prendre en défaut. Pour lui, il n’y a ni païens ni juifs (Ga 3, 28), seulement des humains à nourrir, à accompagner. Voilà la beauté de son geste.
Nous l’oublions, mais la foule, faite de bons et de mauvais, de croyants et d’incrédules, est dans l’évangile la première destinataire des gestes de Jésus. Ce matin, Marc nous présente une foule tellement entêtée à vouloir voir Jésus, tellement entêtée à le chercher qu’elle le devance sur l’autre rive. Cette foule ressemble à nos assemblées de nos fêtes de Noël, de Pâques ou encore des célébrations de mariage, de décès. Voyons-nous en elles un entêtement à ne pas lâcher Jésus [1]?
Dans l’évangile, Jésus fait un bon accueil à la foule qui le cherche et le suit. Il se préoccupe autant de la foule que de ses disciples. C’est à la foule, frappée par son enseignement (cf. Mt 5), qu’il adresse l’intégralité de son sermon sur la montagne. Jésus choisit des disciples pour qu’ils répondent aux besoins de la foule et non seulement à des petits groupes qu’on appelle pratiquants. Souvent, nous l’oublions.
Comme l’exprime l’exhortation du pape François, La joie de l’évangile, Jésus s’adresse de manière inclusive aux chrétiens, aux fidèles chrétiens, à chaque chrétien (no 3), aux fidèles qui conservent une foi catholique intense et sincère en l’exprimant de diverses manières bien qu’ils ne participent pas fréquemment au culte (no 14).
Jésus s’appuie sur un seul critère pour nourrir la foule : qu’elle s’entête à le chercher. Il s’adresse au cœur des gens, refuse de tout réduire à leur pratique et privilégie la piété populaire (l’expression est dans La joie de l’évangile) que manifeste la foule. Jésus ne demande pas à la foule de le suivre. Il s’adresse à elle sans aucune idée de les convertir, sans prosélytisme. Il la nourrit sans arrière-pensée. Son geste est une pure gratuité. Par son geste, Jésus évangélise les personnes. Point à la ligne.
Ce geste du pain multiplié surgit de la délicatesse et de la compassion de Jésus. Si un frère ou une sœur […] manquent de leur nourriture quotidienne, et que l’un d’entre vous leur dit : allez en paix, réchauffez-vous, rassasiez-vous, sans leur donner ce qui est nécessaire à quoi cela sert-il (Jc 2, 14-17) ?
Une foule a besoin d’une nourriture protéinée; saurons-nous la lui donner sans la condamner à l’exclusion? AMEN.
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