Année C : mercredi de la 5e semaine ordinaire (litco05me.19)
Mc 7, 14-23 ; Gn 2 4-9; 15-17 : Jésus, un non-pratiquant
Que ce soit avant de se mettre à table, que ce soit avant d’avaler un «fast food», une bonne habitude élémentaire suggère de se laver les mains. L’attitude des pharisiens, des responsables de la religion qui reprochent à Jésus de ne pas réagir en voyant ses disciples qui ne se lavent pas les mains (Mc 7, 5), n’a rien à voir avec l’hygiène. Leur réaction n’est pas une réaction hygiénique comme celle de parents à leur enfant : va te laver les mains avant le diner. C'est un acte religieux, un acte d’ablutions rituelles.
La réponse de Jésus est choquante pour les chefs religieux. C’est comme s’il leur disait : je ne pratique pas cela. Elle rejoint cette réponse souvent entendue de nos jours : je ne pratique pas depuis longtemps. Dans les mots de l’évangile d’aujourd’hui ça se traduit : je ne me lave pas les mains avant de manger.
Jésus n’observe pas une loi qui se limite à des pratiques religieuses tout extérieures. Il appelle à une vie intérieure. C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses (Mc 7, 21). Il regarde dans les profondeurs des cœurs; c’est ainsi un grand message de libération. Dans l’expression je ne pratique pas voyons-nous un grand message de libération d’une pratique tout extérieure, souvent artificielle, pour privilégier des actions de charité, d’entraide, de solidarité ? Trop souvent, notre regard et notre jugement se portent sur la visibilité d’un comportement.
Jésus offre un nouveau regard qui fait resplendir la vie par l’évangile (2 Tm 1, 10). Il invite à ne pas confondre la maladie du mal. La maladie peut s’introduire du dehors. Nous contractons des virus qui viennent, surtout en hiver comme actuellement, perturber nos vies. Nous sommes déstabilisés par les vendeurs de fumée (Pape François, discours aux évêques à Panama), par la surenchère de la mondialisation, de la possession, de la séduction des voyages. Quand nous contractons ces virus, nos vies se focalisent alors sur notre petite vie personnelle. Et cela, au dire de Jésus, c’est être malade. Cependant, cette maladie peut se guérir.
Ce qui nous sépare de la bonne nouvelle de Jésus n’est pas la maladie. On peut en guérir. C’est le mal qui vient du cœur de l’homme, du dedans. C’est la perversité de nos pensées, de nos paroles et de nos actions mauvaises que Jésus énumère dans cet évangile : débauche, vols, meurtre, adultère, cupidité, perversité, fraude, envie, diffamation, orgueil et démesure.
Jésus ne sent pas à l’aise avec les pratiques de la société religieuse ou civile de son temps. Il se refuse de parler la langue de la loi, de penser comme elle et qui oblige les «simples fidèles», les simples gens à respirer l’air nocif du paraître. Alors que les notables religieux veulent sauver une pratique déjà en mode de perdition, Jésus propose un esprit nouveau. Il place la personne au centre, comme le cœur de tout.
Joseph Moingt vient de nous résumer dans son dernier livre écrit à l’âge de 102 ans, L’esprit du christianisme[1] que Jésus ne cherche pas les honneurs en louangeant les puissants de ce monde, mais en plaçant la personne, non l’institution, non la religion au cœur de son action. Question : et nous qui vivons cette eucharistie quotidiennement, avons-nous l’esprit du christianisme ? Souvent, notre première attitude est de vouloir sauver les meubles plutôt que de scruter la parole de Dieu (Dei Verbum, no 13) enfouie dans le cœur des gens.
Dans sa rencontre avec les évêques de l’Amérique latine au Panama en janvier dernier, le pape leur a proposé, comme attitude première, la devise du monseigneur Oscar Romero, celle de sentir avec l’Église […] qui nous libère de toute prétention et de toute tentation de nous en croire propriétaires et uniques interprètes. De sentir l’esprit de l’évangile que dégage l’attitude de Jésus qui privilégie lire dans le cœur des personnes plutôt que de s’arrêter à la forme extérieure de leur pratique de la foi.
Que l’esprit de l’évangile nous introduise dans ce jardin de l’Éden (cf. épitre du jour) pour y humer l’odeur pure de la bonne nouvelle. AMEN.
[1] Moingt, Joseph, L’esprit du christianisme, Éd. Temps présent, nov. 2018, 284p. (Note : les livres publiés par les éditions du Temps présent ne sont pas disponibles dans les librairies canadiennes)
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