Année B : samedi de la 32e semaine ordinaire (litbo32s18)
Mt 25, 31-40 : Élisabeth de Hongrie
Jésus souffrait d’une douleur mentale, pour utiliser le langage de sœur Battista, celle d’être incapable de détacher son regard des rejetés, des mis à part de la société. Dans le dictionnaire DSM des maladies mentales, l’on retrouve cette maladie que l’on appelle la fixation. La personne vit en permanence le regard fixé habituellement sur elle-même. Je me souviens d’avoir reçu en consultation, durant plus de huit mois, une personne qui déplorait mesurer 1,51m. Elle aurait accepté 1,50 m ou 1,52m, mais non 1,51m. Au terme de chaque rencontre, j’étais épuisé parce que je me sentais démuni devant mon incapacité à attitrer son attention sur autre chose que sa grandeur.
Il me semble que je viens de vous décrire celle dont nous célébrons aujourd’hui la fête. Cette reine souffrait de cette même maladie mentale ou si vous préférez de cette douleur mentale. Toutes les tentatives pour détourner son regard des pauvres en lui faisant miroiter la richesse qu’elle délaisse ont été vaines. Elle a tellement regardé, médité, contemplé Jésus qu’elle portait toute son attention sur ce qu’a délaissé Jésus pour venir vers nous. Elle percevait de l’intérieur tout ce qu’a délaissé Jésus pour venir vers nous.
Élisabeth de Hongrie est l’une de ses personnes qui voulurent imiter ce regard de Jésus qui a tout délaissé pour sortir un peu ses concitoyens les plus pauvres de la misère.
Les textes entendus, ce matin, décrivent avec des mots différents du dictionnaire DSM, moins choquant, mais tout aussi signifiant, une femme atteinte de cette maladie incurable. Écoutez. Heureux, l'homme qui a une bonne épouse (Sg 26, 1). Si quelqu'un ne s'occupe pas des siens, surtout des plus proches, il a déjà renié sa foi (1 Tm 5, 6). J'avais faim et vous m'avez donné à manger, j'étais malade, et vous m'avez visité (Mt 25, 33.)
Cette femme atteste qu’un regard longuement fixé sur Jésus finit par atteindre mortellement ceux qui le regardent et change complètement des manières de vivre. En regardant Jésus, Élisabeth a accompli tous les pouvoirs et devoirs de sa vie "royale" avec une imitation inégalée de celle de Jésus. Elle a suivi Jésus. Elle fut une autre Jésus.
Dans le cœur de cette reine, il n’y avait plus de «moi», car son «moi» était converti en Jésus-Christ. Elle pouvait dire à son époux, le roi: voici mon corps; prenez-le, et mangez-le. Sa vie intérieure était celle de Jésus. Avec Saint Paul, frère François, madame Claire, elle disait d’expérience: je vis; non, ce n’est plus moi qui vis, mais c’est Jésus Christ qui vit en moi. Elle était habitée du même esprit que Jésus, vivait des mêmes sentiments et rendait à Dieu les mêmes honneurs que Dieu lui-même lui rendait en se faisant proche d’elle.
Humainement, elle n’était qu’une femme souffrant d’une maladie mentale qui perturbait sa vie de reine. Aux yeux de son époux, le duc Louis de Thuringe, sa vie pure et sa beauté intérieure étaient séduisantes. Les chroniqueurs du temps mentionnent qu’ils s’aimèrent d’un amour incroyable. Elle était morte à ses propres intérêts et n’avait que ceux de Dieu dans son regard et dans son cœur. Elle n’a pas mené une vie de plaisir, disait Paul tantôt. Elle a mené sa vie de reine à un sommet inégalé dans l’histoire de la royauté d’hier et d’aujourd’hui. Elle était une femme zélée pour que la gloire de Dieu soit reconnue et souhaitait ardemment qu’elle habille tous les humains.
À votre contemplation : dans les mots de Paul aux Philippiens (3, 19), Élisabeth ne pense plus qu’aux choses de la terre [tant] elle était sur terre déjà concitoyenne des cieux. Sa maladie : l’extrémisme de l’oubli de soi. Par sa vie d'oraison, elle vivait en Dieu. Par sa charité exemplaire, elle devenait visage de Dieu. Le fruit de la foi était l'amour, le fruit de l'amour se transformait dans le service des autres, et le service des autres se transfigurait en paix (mère Térésa). AMEN.
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