Année B : commémoration des défunts
Jn 6, 37-40; Sg 3, 1-9 : la mort comme début d’un moi déployé
Toute vie humaine constitue une sorte d’itinéraire de Paris à Jérusalem, pour reprendre le titre de Chateaubriand. Toute vie est un itinéraire vers la Jérusalem de joie et de paix que chante le psaume 121. Toute vie est comme ramassée dans l’appel de Jésus devant le tombeau de Lazare : viens dehors. Viens à la vie. Ce cri résonne comme un «réveil matinal» lucide sur la vie. Il appelle à sortir progressivement des tombeaux de nos peurs de toutes sortes, de nos vies en forme de mort, pour entrer dans la plénitude de la vie.
Cette liturgie est plus qu’une mémoire des défunts. Elle nous fait voir la mort sous un autre angle, celui de la vie. Nous connaissons bien l’expression souvent entendue au moment de la mort d’un proche, la vie continue. Pour plusieurs, cela peut signifier : on n’a pas le choix, il faut continuer à vivre. Pour le croyant, l’expression doit être entendue littéralement : la vie continue. Il étendit les mains afin de briser la mort, pour que la vie soit manifestée. La préface des défunts précise que la vie n’est pas détruite, elle est transformée. La volonté de mon Père, vient d’exprimer saint Jean au milieu de son discours sur l’eucharistie, c’est que je ne perdre aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite (Jn 6, 38).
Cette volonté de son Père, Jésus l’a exprimé avec clarté dans une parabole, celle où tous reçoivent un même salaire pour un nombre bien différent d’heures de travail. Allez, vous aussi, à ma vigne (cf. Mt 20, 1-16). Une interprétation courante est qu’ayant reçu la foi dès notre jeune âge ou à un âge plus avancé, nous irons tous au paradis !
La vie dont personne ne peut se donner s’ouvre sur un éden, dit le livre de la Genèse, elle se referme sur la Jérusalem céleste, cette cité sainte parée pour son époux (Ap 21, 6) conclut l’apocalypse. Du premier mot de la genèse au dernier de l’apocalypse, se dessine non une fin de vie, mais une fin d'un «moi» sur la terre, et le début d’un «moi» déployé[1]. Début d’une parousie, dit Paul aux Thessaloniciens (1 Th 5, 24). Il ajoute : Dieu y est fidèle (v. 25).
Entre ces deux édens, il y a l’histoire de toute vie, faite de turbulences et de victoires. Tout ce que nous faisons, découvrons, désirons, réalisons, tout compte. Rien n’est perdu. Dieu fera toutes choses nouvelles (cf. Ap 21, 5) à partir de notre propre vie. Que c’est beau à entendre ! Dit autrement: un courant de vie nous soutient, nous transporte, nous étreint avec intensité dans ses grands bras et nous conduit là où nous devons être.
L’homme est l’unique créature libre de dire oui ou non à l’éternité[2]. À ce «moi» déployé. Ce même Paul rappelle aux Éphésiens qu'avant d'embrasser la foi dans le Christ, ils étaient sans espérance, et, dans le monde [ils] étaient sans Dieu (cf. Ep 2, 12). Dans l’évangile du jour (cf. Lc 20, 27-40), les sadducéens posent à Jésus une question : de qui sera-t-elle l’épouse, cette femme qui a eu les sept frères pour maris ? Dans sa réponse, Jésus présente, non pas une sorte de prolongation de la vie dans un quelconque au-delà ou une sorte d’extension du temps dans un autre temps; mais il parle d’un autre monde humainement inimaginable. Les enfants de ce monde prennent femme et mari. Mais […] à la résurrection [il n’y a] ni femme ni mari (v. 34-35). Ceux qui ressusciteront seront des fils de Dieu et vivront pour lui (v. 36 et 38). Dieu fait le monde pour être tout en tous (1 Co 15, 28).
À l’heure où la vie se porte mal, où la vie avec un grand V est tellement ignorée, cette mémoire des défunts fait résonner en nous le désir du Père des cieux que tout homme […] obtienne [cette] vie, même s’il est très difficile de l’envisager. Dieu a créé l’humain [le monde] non pour accroître sa gloire, mais pour nous la communiquer (saint Bonaventure).
À votre contemplation: je paraphrase ces paroles du frère Roger de Taizé : une clarté d’Évangile a été dégagée : la vie est là, unie à chaque être humain sans exception […] C’est comme si elle nous disait : ne sais-tu pas que je vis en toi […] et que [je] lui disait : toi, la Vie, tu es ma vie. AMEN.
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