Année B : jeudi de la 15e semaine ordinaire (litbo15j.18)
Mt 11, 28-30 : Dieu prend soin de nos petits cailloux
Nous sommes tellement habitués aux récits des évangiles que nous ne remarquons plus ce qui est surprenant. Et qu’est-ce qui est surprenant dans cet appel ? Dieu s’inquiète de nous voir vivre écrasés par les événements qui nous arrivent. À la fin de sa lettre, Pierre lance cet appel : déchargez-vous sur lui de tous vos soucis puisqu’il prend soin de vous (1 Pi 5,7). Dépose ton fardeau sur lui, il prendra soin de toi (Ps 54(55).
Devant nos yeux ce matin, un Dieu qui prend soin de nous, qui s’inquiète de nous voir porter tout seul tant de soucis. Dieu ne serait pas Dieu s’il se foutait de nous. Dieu ne se soucie pas de nous en général. Il nous connaît par notre nom. Son inquiétude n’est pas une inquiétude en général. C’est une inquiétude personnalisée. Son souci n’est pas de nous voir porter de lourd projet, mais de nous voir aux prises avec une multitude de petits cailloux qui nous font tellement mal. Nous discutons beaucoup des gros problèmes. Ce sont les petits cailloux dont nous aimerions bien être soulagés. Ce sont sur les petits cailloux que portent nos plaintes. Ils nous font beaucoup murmurer. Ils meublent nos conversations.
L’écrivain Johann Peter Hebel (1760-1826) nous offre ces mots pleins de gros bon sens : la plupart des montagnes sur lesquelles nous trébuchons sont faites de petits cailloux. Nous discutons sur les défis de franchir le sommet de la montagne, l’Everest, sur les défis d’une baisse de pratique religieuse. Nous négligeons d’enlever les petits cailloux qui en font obstacle. Nous entendons souvent les politiciens dire que le diable est dans les détails.
Comme baptisés, nous fixons notre regard sur des montagnes insurmontables, sur une sainteté tellement haute qu’elle est inatteignable. C’est à écarter les petits cailloux du quotidien qu’il faut travailler. Le pape dit ça dans son exhortation sur la sainteté. Ce sont ces petits cailloux qui nous font murmurer à Dieu nos doléances. Ils nous empêchent de prier.
Dans notre évangile, ce matin, Jésus, pour nous éviter qu’un climat de grogne intérieur s’installe en nous, offre de prendre sur lui nos petits cailloux. On rapporte que saint Jérôme, qui avait contrôlé son mauvais caractère, priait ainsi le Seigneur : que veux-tu de plus de moi ? Il entend cette réponse : tu ne m'as pas encore tout donné. Mais, Seigneur, je t'ai donné cela, cela et cela. Il te manque une chose. Que me manque-t-il? Donne-moi tes petits cailloux. Tes péchés, dit le texte. C’est beaucoup moins dérangeant de discourir sur les changements climatiques que de poser des petits gestes pour sauver notre maison commune.
Ce qui sépare les Églises chrétiennes, ce ne sont pas les grands principes théologiques, mais ce sont les petits cailloux qui ralentissent notre marche commune, comme le sacerdoce des femmes, le mariage des prêtres. Ce sont des petits cailloux en regard de notre même foi au Dieu de Jésus-Christ.
Dans nos réunions officielles, nous abordons nos gros défis. Nous négligeons d’entendre le murmure qui se vit dans les cœurs. C’est toujours sur les petits cailloux que portent nos plaintes et si nous les laissons en place, naît alors un climat de grogne qui pollue l’environnement. Notre quiétude intérieure aussi. Il est moins dérangeant de discourir sur les montagnes qu’encombre le chemin plutôt que d’enlever les petits cailloux qui roulent sous nos pieds. Paradoxe, c’est dans les corridors, ces lieux de rencontres non officielles, que nous abordons les vrais problèmes que sont nos petits cailloux, ces murmures qui ralentissent tout progrès.
Pour toute communauté, petite ou grande, cette page est d’une sagesse incontournable. Déblayons les petites pierres. J’ose ici suggérer quelques petites pierres. Je ne fais que les mentionner. Ne pas parler mal des autres par-derrière; disons-leur ouvertement ce que nous pensons. La pierre de l’arrogance est de se sentir supérieur ou meilleur qu’un autre. Ça influence mon regard sur l’autre. Celle du protectionnisme où l’autre ne doit pas se mettre le nez dans ma tâche.
Offrons à Dieu nos petits cailloux et nous vivrons une grande paix et une sérénité intérieure. AMEN.
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