Année B : mercredi de la 5e semaine de Pâques (litbp05me.18)
Jn. 15, 1-8 : se greffer sur Jésus
Quels gestes pourraient le mieux nous présenter la grandeur de Dieu ? Ils sont nombreux. Celui de la vigne est l’un de ceux-là. Sa grandeur, c’est de s’attacher à nous, de désirer nous voir vivre une belle vie; ce que Jean traduit par les mots il porte encore plus de fruit.
Dieu a besoin de nous plus que nous avons besoin de lui; voilà ce qui est inconcevable à l’esprit humain et qui fait la grandeur de Dieu. Nous sommes tout pour Dieu. Nous sommes la vie de Dieu. Ne pas nous nourrir de Dieu, c’est l’affamer, le vouer à une mort lente. Nous sommes sa vigne et le vigneron lui porte la plus grande attention. Ses journées, sa vie se passent à creuser autour d’elle un ruisseau pour l’alimenter. Il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour (Mc 12, 1).
Ce travail d’entretien de la vigne n’est pas pour sa propre gloriole. Ce serait pur égoïsme parce que l’auteur de la vigne ramènerait tout à lui. Il l’entretient pour attester son amour pour l’œuvre de ses mains. Pour lui, chaque tige ou sarment, surtout si elle est blessée, endommagée, mal greffée, capte toute son attention. Plutôt que de l’arracher, il recommande de l’émonder, de la laisser là, cette année encore, le temps que je creuse tout autour et que je mette du fumier (Mc 13, 8).
Disons-le autrement. C’est quand nous sommes insignifiants[1], sans beauté, sans valeur marchande que nous bénéficions d’une attention spéciale du vigneron. Le pape disait à des séminaristes que si tu n’es pas marginal, si tu ne te sens pas en marge, tu n’auras pas le salut. Voilà l’humilité, la voie de l’humilité : se sentir tellement marginalisé que l’on a besoin du salut du Seigneur. Lui seul sauve, et non pas l’observance des préceptes[2].
Le psaume 79 (v. 9-10) chante : la vigne que tu as prise à l’Égypte […], tu déblaies le sol devant elle, tu l’enracines pour qu’elle emplisse le pays. Jamais le vigneron ne s’en désintéresse parce qu’il sait que sans lui, elle risque de brûler au soleil, de se dessécher. Frère Laurent de la résurrection a une belle manière d’écrire cela dans l’un de ses entretiens (no 16) : je ne ferai jamais autre chose que le mal si vous me laissez faire [Seigneur]. C’est lui qui fera jaillir la vie quand il voudra, comme il voudra, là où il voudra, disait le mystique rhénan Ruysbroeck. Belle manière d’exprimer le travail du vigneron pour nous rendre beaux.
Quel renversement de nos regards que celui d’être mal greffé comme chemin pour porter un beau fruit. Il s’agit non plus de dégager cette beauté par nos propres moyens, par nos propres efforts, mais de la recevoir en nous en remettant entre les mains du maître vigneron. Le beau fruit est entièrement le résultat de l’expertise du maître de la vigne.
Quand les tiges sont pleines de raisins, quand une vie fraternelle est belle, qu’une Église est belle dans sa manière d’être un beau fruit de Jésus, alors elle attire les regards et réveille le désir de se consacrer entièrement à Dieu et à l’évangélisation (exhortation apostolique La joie de l’évangile, no107). Et cette beauté résulte de notre ouverture du cœur à la demeurance de Dieu en nous.
À votre contemplation : ne pas porter un beau fruit est la meilleure chose qui puisse nous arriver. Cela attire l’attention du vigneron qui s’applique avec plus d’intensité à recadrer nos vies. Le danger qui nous guette est de vouloir porter un beau fruit par nous-mêmes. C’est notre sécheresse qui attire le regard du maître de la vigne et le pousse à demeurer en nous. La joie du maître de la vigne est de nous rendre beaux, de nous redonner la beauté originelle; ne lui enlevons pas cette joie de s’infiltrer dans nos veines asséchées pour leur redonner vie. AMEN.
[1] Voir ma réflexion sur le dimanche des Rameaux : http://www.diocesevalleyfield.org/fr/a-lire-pour-vivre/2018-dimanche-des-rameaux-voici-lhomme-un-insignifiant-memorable ou celle de http://www.diocesevalleyfield.org/fr/a-lire-pour-vivre/jesus-un-insignifiant-de-grande-valeur
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