Année B : samedi de la 3e semaine ordinaire (litbo03s.18)
Mc 4, 35-41 : Avis de tempête
L’évangile parle de tempêtes. Aujourd’hui, nous parlons d’ouragan, de cyclone, de typhon, de catastrophe écologique. Mots différents, même réalité. Ça secoue. Ça brasse. Ça laisse décombres, destructions, désolations, effondrements. Ce matin, l’évangile décrit notre chemin quotidien. Notre vie se déroule en haute mer, non à l’abri de ports sûrs. Baptisés, nous recevons cette invitation à demeurer des rameurs experts et valeureux pour traverser vers une autre rive, malgré des vents contraires. Je te guide sur le chemin où tu marches, si tu y portes attention […], ta paix sera comme un fleuve (Is 47,18).
Notre évangile décrit ce que nous savons : notre vie est une marche qui connaîtra des perturbations. L’aventure dans la barque rappelle la réalité de la tempête pour éviter tout effondrement de nos vies quand elle surviendra. N’attendons pas que la tempête nous tombe dessus pour l’affronter.
La lecture de cet épisode sur la mer me fait ressentir comme une intuition forte qu’à l’heure de la tempête, ce qui peut m’aider à m’en sortir, c’est mon degré de solidarité avec les autres et avec l’Autre. On n’affronte pas seul une tempête. Tout le monde dans la barque était impliqué à faire quelque chose pour s’en sortir.
La bonne nouvelle de ce court trajet d’une rive à l’autre, c’est que souvent un sentiment appréhendé d’une tempête réveille, nous réveille comme communauté, comme Église, à bouger, nous pousse à vouloir faire des changements de direction en considérant la force du vent et à refuser l’inaction.
Jean Guy Dupuy écrit que la tempête a ceci de terrible que non seulement on ne croit pas qu’elle va se produire […] mais quand elle se produit, elle apparaît comme relevant de l’ordre normal des choses […] on l’intègre sans procès dans le mobilier ontologique du monde[1]. Belle manière, dit-il, de se résigner à l’intolérable, de se laisser abattre plutôt que de la vaincre.
Quand le prophète Isaïe déclare: voici le chemin, prends-le (Is 30,23), il ne décrit pas un chemin de tout repos. Il nous montre un chemin «massacré» par toutes sortes d’intempéries que quelques éclaircies rendent moins angoissantes. Il décrit un chemin qu’il ne faut pas fuir parce que ça ne sert à rien. Fuir tes problèmes est une course que tu ne gagneras jamais, dit un proverbe africain.
Une certitude existe et nous l’expérimentons tous, il serait de loin plus facile de nous contenter de rester sur le rivage, en sécurité. On ne passe pas d’une rive à l’autre d’une seule enjambée. Il y a un passage, il y a une traversée instable, menaçante. Un appel nous est lancé, celui de quitter une rive pour une autre, même s’il n’est pas .évident que l’on va l’atteindre ni quand on y arrivera. Toute traversée est «liquide», instable, imprévisible. Impossible de la vivre autrement. Dans la lecture tantôt, David en a fait l’expérience. Il s’était endormi dans la sécurité de ses richesses. Réveil brutal. Cet homme, c’est toi.
Qu’il est difficile au cœur d’une tempête spirituelle de goûter la présence voilée de quelqu’un, qui est là, qui semble dormir au mauvais moment! Maître, nous sommes perdus. Il y a plus de désespoir que de demande dans ce cri. On informe Jésus qu’il n’y a plus rien à faire, que c’est la fin. C’est le sauve-qui-peut, y compris Jésus. Et puis, avec étonnement, tout devient calme. C’est le calme du début du monde. C’est le septième jour du monde, cet espace de lumière qui apparaît comme un printemps avec ces fragiles perce-neiges.
À votre contemplation, regardons Marie. Quelle traversée pénible ! Il y eut Bethléem, une terre qui ne les attendait pas, où il n’y avait pas de place pour eux (Pape François, homélie Noël). Il y eut l’arrivée comme migrant en Égypte, dépourvu de tout. Et les siens ne l’ont pas reçu. Il y eut cette croix qui a traversé son cœur. Rien ne l’a abattu. Elle est demeurée éveillée à sa présence durant toute sa traversée vers l’autre rive. Qu'elle nous accompagne dans nos tempêtes. AMEN.
[1] Cité par Entremont, Cécile, S’engager et méditer en temps de crise, Éd. Temps Présent, Paris, 2017, p.51
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