Année A : samedi de la 31e semaine ordinaire (litao31s.17)
Luc 16, 9-15 : des eaux usées à transformer
Quand vous verrez beaucoup de misères et de déchets dans la vie de quelqu'un, dites-lui qu'il y a des chances que ça donne de belles fleurs (Pierre Monier). L’évangile vient de nous présenter en ceux qui sont dénudés d'une belle apparence, un jardin où abondent de belles fleurs. À une autre époque, Péguy écrivait dans un langage poétique, que c'est avec des eaux usées que Dieu fait des eaux pures. C'est avec des eaux troubles qu'il fait des âmes transparentes.
Les eaux troubles, la culture de la misère et du déchet, font rêver d’un monde différent; non celui de se faire des amis avec de l’argent malhonnête, non celui où la corruption domine habilement cachée dans des paradis fiscaux.
Ce moi je vous le dis contient une révélation : Dieu nous veut sans façade, sans duperie, sans faux-semblant. Il nous veut purs de cœur, pur d’intention plutôt que des purs de l’extérieur (Cf. Mt 21, 28-31). Jésus est ébloui par l’habileté du gérant à cacher ses troubles de comportement, mais il n’aime pas le voir sauver son honneur, sa réputation, par des comportements malhonnêtes.
Chaque fois que quelqu’un cherche la voie du privilège, celle de s’acheter de l’estime, cela devient un terrain fertile pour s’habiller de malhonnêteté, de corruption, de détournement des lois fiscales. C’est en gardant l’œil ouvert sur nos dérives de justice, en entrant en soi-même (Lc 15, 17), en reconnaissant nos erreurs plutôt que les excuser avec habileté, qu’il y a de la chance que ça donne de belles fleurs. Que l’on peut en extraire quelque chose de bon.
Depuis la nuit des temps, nous sommes tiraillés entre la cité de Dieu et celle des hommes, entre notre ci-toyenneté céleste et terrestre, entre, pour l’exprimer en termes bibliques, Babylone et Jérusalem. Mais quel-que chose distingue les deux cités : ce sont deux amours différents. Incompatibles.
Aucun ne risque ici de se faire des amis avec de l’argent malhonnête. Mais le risque de paraître mieux que les autres peut exister. D’être plus gentil que les autres. Plus serviable. Cela s’appelle l’idolâtrie de soi. Cette tendance est en chacun de nous. Le moi, premier servi, est dans nos veines et affecte nos relations entre nous. On ne peut servir Dieu et l’argent. Dieu et soi.
Chacune, ici, est à différents niveaux amoureux, pas nécessairement de l’argent malhonnête, mais de sa petite personne. Que d’habiletés déployées pour cacher les eaux usées ! Quelqu’un écrivait que les vœux sont plus faciles à vivre que l’humilité qui empoisonne tout ce que nous faisons et vivons.
La première conversion pour ne pas désirer à la fois Dieu et l’argent, Dieu et soi, pour donner de belles fleurs, commence par renoncer à accuser les autres comme responsables de tous nos maux. Que d’habiletés nous avons à accuser subtilement l’autre plutôt que de risquer de perdre la face et notre innocence ! Que vais-je faire, se demande l’intendant, à qui le maître venait de lui retirer sa gérance (Lc 16, 3) ? Le pharisien dans le temple avait besoin de mépriser le publicain pour mieux se mettre en évidence (cf. Lc 18, 9-14). En psychologie, on observe que quelqu’un ne pouvant pas s’apprécier, méprise dans l’autre ce qu’il recherche pour lui.
À votre contemplation, ces mots de l’oraison finale qui, vus sous cet angle, font sens : fais-nous vivre en parfait accord avec toi, pour qu’en imitant saint Martin, dans le don total qu’il te fit de lui-même, nous soyons heureux de t’appartenir vraiment. Amen.
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