Année A : samedi de la 24e semaine ordinaire (litao24s.17)
Lc 8, 4-15 : Pas curieux du tout, ce semeur
Ce matin, mon émerveillement porte sur le peu de souci du semeur de trouver une terre parfaite. Il ne s’interroge pas ni n’interroge personne pour s’informer de la qualité du sol avant de semer. Il ne pose pas de questions sur la qualité de la terre, sur les précédents propriétaires ou si elle exige une semence spéciale. À quoi a-t-elle servi auparavant ? A-t-elle besoin d’être dépolluée ? Y a-t-on ensemencé une graine génétiquement modifiée ? Possède-t-elle un certificat «vert» ?
Notre semeur est tellement peu curieux qu’il donne l’impression de n’avoir aucune connaissance des sols. Ce-pendant, le semeur sait une chose, s’il recherche une terre parfaite, il n’en trouvera pas et devra garder dans ses greniers sa semence. En d’autres termes, sa semence sera perdue parce qu’inutilisée.
À ses yeux, toute terre a besoin d’être labourée. Et le risque que de l’ivraie y dorme depuis fort longtemps est toujours là sans qu’elle soit nécessairement visible. Pour lui, pour utiliser une expression contemporaine, toute terre peut être modifiée.
Cette attitude du semeur devrait nous réjouir. Avant de semer, il ne regarde pas la qualité de nos terres. Il sème parce qu’il a confiance en la qualité de sa semence. Le résultat ne le préoccupe nullement. Le semeur contemple non la qualité du terrain, mais sa capacité de transformation. Il sait que sa semence comme sa parole ne tombe-ront pas en terre sans porter fruit (cf. Is 55, 11).
Le semeur évoque l’histoire de la vie de Jésus. Il n’a pas regardé la qualité du sol où il s’arrêtait. Il n’a pas considéré si la table qui l’invitait était une bonne table ou de mauvaise réputation. Il fréquentait autant les zélés de la loi que les laissés pour compte. S’il y avait une terre qu’il ne fallait pas ensemencer, c’était bien celle où Jésus a passé la majorité de sa vie. C’était une terre asséchée, parce que sans eau, rocailleuse qui étouffe tout ce qui lui tombe dessus. Elle est le lieu de la fondation de l’évangile. Partout où il est «tombé», Jésus a laissé des traces de transformations profondes.
Cette parabole se vit aujourd’hui dans l’expérience d’une Nahed-Mahmoud-Metwalli, femme musulmane, en-seignante, irascible contre les chrétiens, terre non propice à la Parole, et qui voyant Jésus, devient l’une des plus ferventes annonciatrices de son message qu’elle décrit dans Ma rencontre avec le Christ (1988). C’est celle plus récente de Massoud Mohammed, Joseph Fadelle, qui raconte dans Un prix à payer (2010) ce qu’il a dû payer pour que son désir de manger le pain de la vie se réalise. C’est celle d’un Roy-Schoeman, universitaire américain d’origine juive, éprouvant un grand vide, et qui se voit chambouler intérieurement lors d’une marche dans la nature et qu’il présente dans son livre Le salut vient des Juifs (2011). En eux, une semence est tombée.
Dans son style imagé, le pape François (angélus, 16/7/17) décrit la semence comme une sorte de radiographie qui, jetée dans nos cœurs, permet d’y apporter la médication nécessaire pour le changer. Pour éviter qu’il devienne du goudron dit-il. Heureux, dit le psaume (89), qui écoute avec un cœur bon et généreux, non goudronné.
À votre contemplation. Souvenons-nous du semeur Jésus comme celui qui n’a jamais étouffé les braises parfois enfouies profondément sous nos cendres et qui ne demandaient qu’à être ravivées. La mémoire de ce semeur doit nous revivifier tant il laisse à la terre de nos cœurs, du temps pour qu’on y creuse tout autour, y mette du fumier (Lc 13, 6-9) pour leur éviter d’être des cœurs infertiles.
Ce semeur n’est pas un ardent défenseur pour arracher l’ivraie. Il prédit même que l’ivraie, les imparfaits l’emporteront sur les bons (Mt 22, 14). Le regard de ce semeur sur nous devrait nous remplir d’espérance tant pour lui l’importance n’est pas dans la qualité de la terre, mais dans sa capacité à se laisser transformer pour qu’elle porte un beau fruit juteux. Amen.
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