Année A: mardi de la 10e semaine ordinaire (litao10m.17)
Mt 5, 13-16 : l'obscurité n'éteint pas la lumière
Dans son livre Juste avant l'aube (Éd. Cerf, Paris, 2017), l'auteur Ibrahim Alsabagh, o.f.m. cap., curé d'Alep, affirme que l'obscurité du monde ne peut éteindre la lumière quand elle est alimentée par la foi. Malgré la pauvreté extrême de sa paroisse, les paroissiens gardent le cap, avec des moyens rudimentaires, de «réchauffer» les plus blessés qu'eux. La spiritualité du noir ne conduit pas à la lumière. Elle ne fait qu'aggraver cette mouvance à s'apitoyer sur son sort, à broyer du noir.
À Alep, les chrétiens ne prétendent pas être plus chanceux que d'autres. Ils sont «recherchés» par les djihadistes. Ils savent seulement aimer qu'ils soient encore en vie malgré les bombardements continuels. Les églises, encore debout, étaient et sont au milieu des décombres de la ville, des lieux d'où jaillissent des petites lumières d'espérance. Des lieux qui ressuscitent la vie des citoyens, ne serait-ce qu'en rendant disponible à toute la population chrétienne, copte ou musulmane, un puits encore fonctionnel qui se trouvait dans la cour du presbytère.
Ce livre, écrit par un homme de foi, démontre comment la paroisse était et demeure un lieu de lumière au milieu de l'opacité d'une guerre sanglante, d'espoir dans un environnement de désespoir, de confiance au milieu de tant de peur et de crainte, d'amour au milieu de tant de haine, un lieu qui remplissait les cœurs de paix dans un environnement de guerre.
L'Église d'Alep est, pour utiliser notre évangile, ce matin, lumière et sel pour les habitants de la ville. On y vient de partout pour s'y réfugier, pomper un peu d'eau, un maximum de 4 litres par famille, pour ramasser quelques bouchés de pain ou recevoir quelques sous pour payer l'hypothèque exigée par les banques encore fonctionnelles. Ces petits gestes sont comme des petites bougies. Ils ne sont pas de fausses lumières. Ces gestes naissent de la lumière de la foi et empêchent de tomber dans le pessimisme, le découragement, le désespoir. L'auteur nous fait vivre une Église qui est une toute petite lumière, une étincelle de lumière dans un milieu de désolation. À lire.
La lumière est l'un des signes qui définissent le mieux le chrétien. En nous demandant d'être lumière et sel, Jésus ne fait pas de nous de super héros. Des yeux de lumière nous rendent capables, avec sa grâce, de ne pas déprimer devant les incertitudes de la vie, en particulier quand rien ne semble aller comme il faut. Des yeux de lumière nous font garder le cap de la joie, de l'espérance. L'apôtre Paul a exprimé cela quand il écrit ne pas vouloir s'enorgueillir de bien vivre les épreuves (cf. Rm 5).
Question : combien de fois, sommes-nous tentés par la déception, le pessimisme ? Combien de fois nous laissons-nous aller à nous plaindre, ce qui ne change pas la situation. Quand les choses tournent mal, ce dont nous avons besoin, ce sont les yeux de Jésus, ses yeux de Pâques, pour que notre oui, à demeurer lumière, prévale, même au milieu de tant de désolation.
Jésus n'a été que oui, qu'un oui de lumière, même sur la croix, disait Paul dans la lecture tantôt. Et nous, savons-nous passer un ravin de ténèbres sans craindre aucun mal parce que nous savons Jésus près de nous (cf. Ps 23,4)? Passerais-je un ravin de ténèbres, je ne crains aucun mal, car tu es près de moi. C’est précisément là où règne l’obscurité qu’il faut garder une lumière allumée (cf. audience du 26 avril 2017). C'est le sens profond du sermon sur la montagne.
Que ces mots que le pape François adressaient aux évêques, se vivent aussi chez nous Que sur cette assemblée ne brille d’autre lumière que le Christ lumière du monde ! Que nulle vérité ne retienne notre intérêt, hormis les paroles du Seigneur, notre Maître unique ! Qu’une seule inspiration nous dirige : le désir de lui être absolument fidèles. Et cette fidélité ne s'éteindra pas si nous savons regarder Jésus et sa croix où naît et brille de tout son éclat la vraie lumière du monde. Amen
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