Année A : mardi de la 8e semaine ordinaire (litao08s.17)
Marc 10, 28-31 : être un « frère universel »
Disons-le, Jésus n’a rien contre la famille. Le pape vient d’y consacrer une importante exhortation apostolique. Mais cet appel rejoint l’aventure de Jésus. Il est sorti du Père, a quitté une résidence luxueuse pour se trouver sans logis, sans demeure où se reposer (cf. Mt 8, 20). Sa sortie inaugure l’arrivée d’un grand nombre de frères (Rm 8, 29). À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu (Jn 1, 12).
Jésus a quitté son Père pour nous associer à sa propre famille. Jésus nous appelle à quitter nos proches; c’est en harmonie avec sa réaction à l’endroit de sa propre famille qui le cherchait pour le ramener à la raison tant il avait perdu la tête (cf. Mc 3, 31-35).
Ce passage de l’évangile de Marc suggère de quitter père, mère, famille; c’est un appel à cultiver l’amitié, à se regarder, à se rencontrer, à se fréquenter, à s’entraider. Jésus appelle à la naissance d’un mouvement de sortie de nos sécurités. Il appelle à être « famille » universel. Un homéliste du XIIe siècle commentait cet appel de Jésus en affirmant que, par naissance, nous sommes une multitude, par naissance divine, nous ne faisons qu’un.
Pour utiliser une terminologie bien actuelle, Jésus appelle à nous engager en faveur d’une famille « élargie ». À dire non à une culture de la fragmentation pour favoriser celle de la fraternité. Il ne nous dit pas que cela se fera sans douleur. Il ne nous veut pas « désengager » de nos familles, mais son horizon est plus large. Jésus veut que nous soyons parabole vivante de l’amour qu'il nous a manifesté, alors que nous sommes «étrangers» de son royaume.
Au sacrement de l’autel, celui qui nous lie à nos proches de sang, Jésus colle un autre sacrement, le sacrement du frère, celui qui nous fait proche en acte de cette grande famille humaine et universelle. Jésus nous veut non seulement frères de sang, mais frères universels. C’est beaucoup plus exigeant qu’être seulement proche des autres. Le pape Benoit disait que la mondialisation nous rend proches, elle ne nous rend pas frères.
Jésus nous veut immerger dans notre monde comme lui, au puits de Jacob, s’est immergé dans le monde de la samaritaine. Immerger non pour endoctriner, mais pour en attendre quelque chose : donne-moi à boire. Im-merger pour écouter et dialoguer ensemble. Nous ne le comprendrons jamais assez: l’appel de Jésus de Nazareth à quitter père, mère et famille, est subversif de fraternité et d’humanisation. Vivre cet appel, c’est rendre l’évangile crédible. C’est ressembler à Jésus. Ce n’est pas facile.
Quitter quoi, plutôt que quitter qui. Quitter cette mentalité « plus j’en ai plus, plus j’en réclame » pour goûter à la joie d’une mise en commun (Ac 2, 44): voilà ce que vivaient les premiers chrétiens. Quitter cette recherche de deux choses à la fois : le ciel et la terre pour privilégier le partage à la possession. Celui dont les mains sont fermées n’a rien quitté. On ne peut vivre l’évangile sans quitter la mondanité, mot fréquemment utilisé par le pape François.
Cet appel de Jésus se vit aujourd’hui dans le monde de la périphérie, là où se partage le peu qu’on possède. Les gens moins fortunés ont beaucoup de cœur et sont peu avares de ce qu’ils possèdent. Chez eux, un esprit d’entraide les pousse à partager le peu qu’ils ont. Les pauvres s’aiment entre eux. Ils sont pauvres ensemble. Ils se savent de la même famille et s’empressent à se serrer les coudes pour aider un plus démuni qu’eux. Quelqu’un qui garde ce qu’il a, même le peu qu’il a, n’est pas pauvre justement parce qu’il garde. Il n’est pas frère universel.
Que le Seigneur, comme l’exprime l’oraison d’ouverture, donne à chacun la claire vision de ce qu’il doit faire et la force de l’accomplir. AMEN.
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