Année A: samedi du temps de Noël (litan01s.17)
Matthieu 11, 25-28 : Frère André ou l’union du Thabor et de Gethsémani
On parle beaucoup de petitesse dans l’évangile. La question demeure: est-ce une utopie que ce chemin ? Quand on parle de la petitesse de Jésus, on ajoute généralement : mais lui, c’est possible parce qu’il était Dieu. Dans notre monde où la priorité est le succès, la gloire, peu de gens souhaitent se faire petits. Cet appel est pour les autres.
Ce matin, quelqu’un de chez nous ne s’est pas pris pour un autre. Frère André a été et est demeuré petit. Il l’a été de sa naissance à la mort sans se préoccuper ni désirer être grand. L’ennemi de nos vies, c’est notre coeur qui se gonfle et se raidit en ramenant à lui tout ce qu’il a reçu d’un autre. Frère André n’avait qu’un ennemi, son moi. C’était un lourd joug pour lui. Sa seule préoccupation: les autres, le service des autres qu’il voyait plus petits que lui dans leurs maladies, souffrances, pauvretés, blessures de la vie.
Tellement petit et fragile, qu’il a eu de la difficulté qu'on accepte sa demande d’entrer en communauté. Tellement petit et fragile, qu’il ne fut qu’un «ordinaire» portier, répondant aux tâches les plus humbles d’une vie en communauté. Tellement petit et fragile, qu’il ne s’attribuait aucunement les gestes pour le moins spectaculaires qui se produisaient par son intercession à saint Joseph. Petit, il s’est contenté de faire tout ce qu’il pouvait, du mieux qu’il pouvait, et laissait saint Joseph faire le reste. Il était grand parce que petit.
Dieu ne choisit pas celui qui est le plus fort, celui qui est le plus savant, le meilleur écrivain, le plus rusé des hommes d'affaire,, mais celui qui brille d’une autre réputation : grande foi, grande simplicité et humilité. Ce saint homme n’a pas cherché à être savant, mais il a été un athlète du Christ qui rayonnait avec plus d’éclat par sa conduite que par sa science. Il n’était pas un célèbre «parolier», mais plutôt un chantre d’un chant nouveau (Ps 149,1), celui de la miséricorde. Sa vie offrait aux malades un miracle quotidien qu'était ce supplément de bonté, un supplément d’amour qui lui venait de Dieu (Angélus, 18/02/07).
Homme comme les autres, religieux comme les autres, sa grande foi lui faisait toucher Dieu avec l’espérance qui ne lui manquait pas. Le mot découragement n’existait pas dans sa vie. Il préférait vivre de cette charité intense (1 Pi 4,8) qui l’habitait. Cette charité-là lui faisait toucher Dieu dans les pauvres et les affligés (oraison). Et sa vie de prière transformait les cris de souffrance qu’il entendait en petite résurrection. Son action disait sa grande vitalité intérieure. Par lui, le royaume de Dieu a grandi dans les cœurs.
En sa personne, il vivait et unifiait le Thabor et Gethsémani. Il était le plus heureux des hommes parce qu’il vivait tout sur «sa» montagne du Thabor et éprouvait tout sur «sa» colline de Gethsémani. Sa joie intérieure coexistait avec une souffrance physique qui était son rendez-vous quotidien.
Ce matin, ressuscitons l’humilité de Dieu, réanimons sa petitesse, habillons-nous de sa pauvreté, prenons son joug, chantons ses louanges et nous entendrons le Père nous dire: tu es mon fils bien-aimé. Comme l’exprime dans un beau langage imagé François de Sales, faisons comme les abeilles qui ne quittent point la fleur tant qu’elles y trouvent du miel à recueillir.
Ici, comme le frère André, vous portez tous les soucis qui vous sont confiés. Votre prière fait descendre le ciel sur la terre. Vous faites des petits miracles quotidiens en transformant par votre écoute, votre présence, en quelque chose de beau ce qui est moins beau.
Éprouvons la joie de descendre dans les bas-fonds du cœur. Portons tout ce qui bafoue l’humain, plongeons dans l’obscurité des cœurs pour ressusciter en eux le désir de prier Jésus qui continue aujourd’hui de transformer toutes souffrances en petites résurrections. AMEN.
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