Année C: mardi de la 8e semaine ordinaire (litco08m.16)
Luc 12, 35-38 : Mgr Moreau, un écrivain de l'Évangile des temps modernes
Qu'est-ce que nous chérissons le plus dans l'Évangile ? Mgr Moreau donne sa réponse: l'instauration d'une justice sociale qui donne de la dignité à toute personne. C'est toujours impressionnant d'observer que ceux qui ont des yeux contemplatifs, des yeux de priants atteignent un degré exceptionnel d'implication sociale. Toute vie de prière vraie, authentique se juge par son degré d'incarnation (Séraphin de Sarov).
Le pasteur, comme le fut Mgr Moreau, doit avoir l'esprit de Dieu de la tête aux pieds .Il ne sert à rien de vivre perdu en Dieu si nous ne communions pas aux autres. La terre égalitaire que Jésus appelle royaume n'est pas une réalité définie une fois pour toutes. Le projet humanitaire de Jésus de voir les humains vivre en harmonie, sans rivalité, en mettant tout en commun, est toujours à faire. C'est dans son engagement pour les exclus et les marginalisés que Jésus nous a montré son identité de Fils de Dieu. Qu'il nous a montré le Père.
C'est en s'abaissant, en s'agenouillant à nos pieds, en s'empressant de nous relever que Jésus nous a montré le «Dieu» de sa foi. Jésus a voulu humaniser les relations entre les humains au-delà de toute catégorie sociale ou religieuse; il nous montre ainsi que son « Dieu», pour utiliser l'expression de Jacques Musset dans Repenser Dieu dans le monde d'aujourd'hui, a les deux pieds bien enracinés sur la terre. Il est un libérateur des peuples meurtris. Cette libération des meurtris que Jésus appelle l'arrivée du royaume n'est pas et ne sera jamais terminée.
Fidèle au souci du Nazaréen de combattre tout ce qui déshumanise les hommes et les femmes de son temps, et engagé dans une pastorale de libération, Mgr Moreau invite ses diocésains à se donner des visages de Dieu. Il fut l'un des nombreux écrivains de ce projet de libération. Sa vie fut un «document» qui montre comment la foi invite à servir plutôt que de se servir. Si nous ne savons pas lire ce «document», il deviendra vétuste et nous ne serons plus des témoins du Maître.
Récemment, le pape François disait que l'évangile de la miséricorde de Dieu ne serait jamais un livre fermé une fois pour toutes. Ce livre demeure ouvert, et continue à s’écrire. En fin de son évangile, saint Jean rapporte que tout n’a pas été écrit. L’Évangile de la miséricorde demeure un livre ouvert, où [l'on] continue à écrire les signes des disciples du Christ, [les] gestes concrets d’amour, qui sont le meilleur témoignage de la miséricorde. Nous sommes tous appelés à devenir écrivains vivants de l’Évangile, porteurs de la Bonne Nouvelle à tout homme et à toute femme d’aujourd’hui (homélie, 03/4/16).
Le vrai disciple de Jésus se distingue par ses gestes concrets qui rejaillissent dans toute la vie, par un amour concret, [non] dans les nuages, précise le pape François, s'adressant à des jeunes lors du jubilé des jeunes (24/04/16). Servir sera toujours quelque chose de très terre-à-terre. C'est se mouiller les pieds, s'impliquer dans une cause pour améliorer une situation devenue souvent dégradante.
Nos gestes peuvent quelquefois sembler comme une goutte d'eau dans l'océan, mais, précise mère Térésa, grâce à cette goutte d'eau, l'océan ne sera jamais plus pareil.
Il nous faut beaucoup de patience pour que progressivement surgissent en nous les mêmes sentiments que le Christ Jésus (Ph 2, 5) avait à notre endroit. Ce que Jésus éprouvait pour les tombés le long de la route que nous sommes ne sera jamais parfaitement atteint en nous.
Question: À quoi peut bien servir d'avoir le coeur en Dieu si nous n'avons pas les deux pieds bien engagés à servir comme Jésus. Il faut avoir l'esprit de Dieu de la tête aux pieds pour que notre environnement devienne une épiphanie du rêve de Dieu de nous voir vivre ensemble en harmonie et en dignité.
Heureux, les serviteurs, que le maître trouvera en état de service. Il les servira à son tour. AMEN.
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