Année C: mardi de la 3e semaine de Pâques (litcp03m.16)
Jean 6, 30-35 : Jésus exagère.
Je veux faire miséricorde au monde [...], être la providence de ma créature raisonnable [...]. Je continue à prendre soin d'eux… [Je] considère que dans ma grande providence, je ne pouvais faire plus que de donner le Verbe, mon Fils. Ces mots sont issus du dialogue de Jésus avec Catherine de Sienne. Ils disent bien que ce pain de vie est mémoire d'un geste Providence de Dieu. Je suis le pain de vie, ce sont des mots qui inondent nos vies de miséricorde. Ils contiennent et concentrent tout l'Évangile.
Je suis le pain de vie, c'est l'autre nom de «l'humanité» que Jésus a semé dans nos veines. L'eucharistie est le sommet de l'humain Jésus. Le pain de vie ramène à la une le vrai visage de Dieu, un Dieu qui ne se limite pas à nous nourrir, mais qui est nourriture. Le pain, c'est Quelqu'un. Il s'agit moins de consommer que de communier à ce pain.
À la foule demeurée aveuglée par ce pain multiplié, Jésus déclare : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés (Jn 6, 26). On suivait Jésus pour le pain matériel. La foule donnait plus de valeur au pain qu'a celui qui l'avait multiplié. Et nous ? Il y avait erreur sur la personne, cette même erreur qu'a éprouvée Marie Madeleine qui a pris Jésus pour le jardinier, que les apôtres qui sur la mer agitée, croyaient percevoir un fantôme (Mc 6, 49).
La foule autant que les disciples au matin de Pâques souffrent de cécité. Jésus offre une autre perspective qui va au-delà des apparences, au-delà des préoccupations quotidiennes: manger, s'habiller, chercher le succès, rechercher une bonne carrière. Il nous éveille à une autre faim, celle qui nous creuse de l'intérieur et que nous trompons souvent avec des produits de consommation et qui étouffent en nous cette faim spirituelle qui nous habitent. Je suis le pain de vie (Jn 6, 35),
Comprenons bien. La foi pascale, la foi eucharistique ne nous sort pas de notre réalité quotidienne. Elle n'est pas cet opium qui nous fait fuir nos réalités d'en bas. Elle ouvre sur un autre horizon que la finitude. Nous sommes créés pour désirer une rencontre permanente, éternelle avec Jésus. Nous sommes créés pour voir la gloire de Dieu qui a tellement mis hors d'eux-mêmes les accusateurs d'Étienne dont parlent les Actes ce matin. Nous sommes capables de contempler les cieux ouverts (Ac 7, 56). Nous sommes créés pour accueillir ce Dieu-Jésus qui exagère jusqu'à nous inviter à devenir ce que nous mangeons (Saint-Augustin).
Mais Jésus fait-il erreur quand il nous invite non seulement à faire mémoire de lui, mais à devenir Lui ? À agir comme Lui ? Pour toute réponse, je reprends ces mots du pape François lors de la messe chrismale : il faut demeurer toujours dans cette saine tension entre une honte digne et une dignité qui sait avoir honte.
Comprenons ceci : cette dignité qui sait avoir honte promeut en nous cette certitude que Dieu nous voit plus grands que nous-mêmes et qu'il ose maintenir sur nous son regard originel. Ne déformons pas l'image de Dieu sur nous. Son exagération est de poser sur nous un regard de miséricorde qui nous fait justice. Sa justice est miséricorde (audience du 3 février 2016). Le temps pascal nous offre de nous rendre compte que notre Dieu n'est pas un Dieu vengeur, mais de miséricorde. Oui, il est pain de vie pour tous les humains.
Vraiment, Jésus exagère quand il pose sur nous son premier regard. Il exagère quand il veut que nous soyons par grâce ce qu'il est par nature. Il exagère si nous oublions ces paroles du prophète Ézéchiel adressées à un peuple qui s'était prostitué : moi, je me souviendrai de mon alliance [...], je rétablirai mon alliance avec toi. Alors tu sauras que je suis le Seigneur (Ez 16, 60-63). Jésus confirme cette parole de son prophète quand il affirme, et cela est de tout temps un scandale, je suis le pain de vie, celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim (v.35). Oui, comme le dira l'oraison finale, nous sommes destinés à connaître ta gloire. AMEN.
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