Année C: mardi de la 4e semaine du carême (litcc04m.16)
Jn 5, 1-16 : de l'eau qui guérit.
Ézéchiel parle de l'eau qui guérit. Cette eau, dit le prophète, assainit tout ce qu’elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. Dans l'évangile de saint Jean, il se passe la même chose avec l’eau de la piscine à Bethesda. Un homme paralysé depuis 38 ans attend le mouvement de l’eau qui sauve. Il attend de l'aide pour le plonger dans la piscine au moment où l'eau bouillonne.
Ce paralysé n'est pas quelqu'un d'un passé lointain. Nous le côtoyons tous les jours. Que de gens vivent depuis des années dans un état résigné se demandant: pourquoi ça m'arrive à moi ! Que de gens comme ce paralysé vivent dans un état de lamentation ! Un adagio de lamentation, pour citer le pape François. Que de gens attendent de s'abreuver à l'eau qui guérit, à l'eau qui sauve ! Que de gens que nous ne voyons pas ou feignons d'ignorer, attendent aussi cette eau.
Ce matin, l'attitude de Jésus attire mon regard. Il a vu ce malade. Il n'est pas passé outre sans s'arrêter (cf. Lc. 10, 25-37). Il s'est épris de compassion pour sa situation. Il a porté sur lui un regard de miséricorde en lui demandant ceci: veux-tu être guéri ? Jésus l'a regardé dans les yeux et lui a offert ce que nous aimerions entendre en pareilles situations. Marche. Jésus a porté attention à ce paralysé. Porté attention avec amour. Un geste, si beau soit-il, posé sans amour, risque de ne pas désaltérer autant que s'il est posé avec amour.
Assis près de la belle porte, donc devant l'entrée principale du temple, on peut facilement soupçonner que nombreux sont ceux qui le voient chaque jour, mais qui finissent par ne plus le voir tant ils sont habitués à sa présence. Nombreux sont ceux qui passent outre sans même lui offrir un simple sourire ou une salutation qui lui aurait donné l'impression d'être quelqu'un plutôt qu'une non-personne.
Question : comment agir comme Jésus dans un monde lacéré par tant d'horreurs autour de nous ? Comment être cette eau qui guérit, qui désaltère pour ces foules de réfugiés ? Comment venir en aide à tous ces enfants victimes de proxénètes ? En prenant le temps de regarder agir Jésus. Mais ce n’est pas si simple que ça. En s'arrêtant, Jésus pose ce que le pape appelle les chrétiens à faire durant ce carême, un geste de miséricorde.
Le geste de Jésus est plus qu'un exemple à répéter de temps à autre. C'est une manière de vivre avec le coeur sur la main comme on dit. C'est offrir un sourire à une personne seule qui attend cela depuis longtemps. C'est porter attention à un voisin un peu traineux jusqu'à lui offrir notre amitié, voilà de l'eau qui guérit.
Quand une main se tend pour accomplir le bien ou rendre proche la charité du Christ, pour essuyer une larme ou pour tenir compagnie à une personne seule; quand une main se tend pour indiquer une route à un égaré ou réconforter un cœur meurtri, pour offrir le pardon ou pour conduire à un nouveau départ en Dieu, un fleuve d'eau vive coule de cette main. Cette main relève et remet en marche les malades. C'est le miracle de la miséricorde qui fait tant de bien.
Évitons de nous dire intérieurement que c'est malheureux tout ce qu'on voit et que ce n'est pas mon problème. Aujourd'hui, personne ne semble responsable de personne. Le chrétien qui ne s'arrête pas est un chrétien anesthésié, paresseux, répète souvent le pape François. Ne simulons pas la distraction, n'arguons pas que nous n'avons pas les moyens ou que la réalité nous dépasse, mais offrons ce petit peu d'eau qui guérit et qui pénètre des blessures sans fonds.
Pour Jésus, son geste de relever le paralytique l'a conduit à la mort. Le nôtre nous conduit à une autre mort, celle de cesser de vivre replié sur soi. Donne-nous, Seigneur, un cœur miséricordieux. Donne-nous la joie d'offrir cette eau qui guérit. AMEN.
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