Année C: mardi, première semaine du carême (litcc01m.16)
Matthieu 6, 7-15 : le fait d’appeler le Père, c'est autre chose que d'appeler le 911.
La pluie et la neige ne retournent pas là-haut sans avoir saturé la terre, sans l’avoir fait enfanter et bourgeonner (Is. 55, 10). Il en va de même de la Parole de Dieu : elle ne retourne pas vers Dieu sans résultats, sans avoir exécuté ce qui plaît à Dieu et fait aboutir ce pour quoi Dieu l’a envoyé (Is. 55, 11).
Quand nous récitons la prière de Jésus non du bout du bout des lèvres, mais du profond du coeur, elle porte beaucoup de fruits. Quand elle pénètre au plus profond de nous, une nouvelle manière de vivre prend forme. Cette prière a la capacité de faire bourgeonner en nous la manière de vivre de Jésus.
Quand nous prions le Père, nous sommes en communion avec lui et avec son Fils. C'est alors que nous le reconnaissons dans un émerveillement toujours nouveau. Ce sont les mots du catéchisme de l'Église (cf.#2781-2785). Quand nous prions cette prière, le Père, Jésus et l'Esprit deviennent tellement plus intimes à moi-même que moi-même (saint Augustin) que nous devenons le ciel sur la terre. Ce sont les mots de Thérèse d'Avila dans son Chemin de perfection.
Quand nous prions ces paroles: Père, toi qui es aux cieux, notre attention se porte spontanément vers le haut. Ne serait-il pas raisonnable de comprendre que ce Père qui est aux cieux est aussi ce Père qui est en moi ? En nous apprenant à prier, Jésus tourne nos regards vers nos profondeurs profondes. En moi existe un paradis où Dieu demeure. En moi, il y a un château dont je ne visite souvent que l'extérieur. Comprenez bien, dit Thérèse d'Avila, cette vérité, c'est important : le Seigneur est au-dedans de vous. Là où est Dieu, là, est le ciel.
En nous montrant comment il prie, Jésus nous réveille et révèle que se cache en nous une beauté insoupçonnable. En nous se cache le paradis de Dieu (Thérèse d'Avila, dans Chemin de perfection). Comment réaliser cela ? Comment ressentir la joie de porter en nous le paradis ? Comment désirer le Seigneur comme l'indiquait l'oraison d'ouverture, dans un monde marqué par tant d'autres désirs que celui de désirer Dieu ?
La réponse est désarmante: c'est en apprenant à dire le mot Père que nous attisons en nous le désir du Seigneur. Quand le monde dort dans le confort et dans l'égoïsme (gazouillis du pape, le 8 janvier 2016), dire Père, c'est nous sortir de cette tendance universelle à se marier avec sa propre image. Celui qui ne prie pas, a dit le pape François à l'Université grégorienne, finit noyé dans le narcissisme le plus écœurant. Dire le mot Père brise notre enfermement sur nous-mêmes. C'est un mouvement d'abandon à quelqu'un qui est heureux d'habiter en nous, de faire en nous sa demeure. Nous sommes, dit Paul, des temples de Dieu (1 Co 3, 16).
Si nous prononçons cette prière comme Jésus l'a priée et non comme un appel 911, nous vivrons notre chemin de perfection jusqu'à percevoir avec certitude que nous sommes plus des fils de Dieu que des fils d'homme (Charles Gay). Nous goûterons cette joie de voir ce Père refuser de s'arrêter à nos trahisons parce qu'il ne serait plus un Père s'il agissait ainsi. Dire Père parce qu'il nous a trouvés, même si nous le cherchons encore et toujours.
Être chrétien signifie être Jésus. La manière de prier de Jésus devient donc la nôtre. Toute sa vie Jésus n'a été qu'en état d'oraison avec son Père. Participer à sa prière, c'est entrer dans son modèle de vie, dans son modèle d'abandon à la volonté de son Père. C'est entrer dans un état de bonheur.
Pour être chrétien, comme Jésus, c'est être au service du règne de Dieu : que ton règne vienne, en moi. C'est être au service de son Nom pour qu'il soit sanctifié et qu'il me sanctifie. C'est lui confier avec abandon et confiance notre volonté pour qu'elle devienne la sienne. Que ta volonté soit faite. Le chrétien a un cœur miséricordieux capable de nourrir les affamés, de pardonner à ceux qui lui font du mal, sans oublier de demander à l'Esprit de Jésus de le délivrer du mal, dont celui de tout centrer sur le narcissisme le plus écœurant qu'est le mon moi. AMEN.
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