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LA PAROLE COMME SACREMENT

CAUSERIE # 1   LA PAROLE COMME SACREMENT

« L’Écriture est un sacrement. C’est le voile derrière lequel il faut chercher le visage de l’amour » (Maurice Zundel)

INTRODUCTION :    DEUX TABLES « SACRAMENTELLES »

Nous connaissons bien la table de l’eucharistie où Dieu nous nourrit de son pain.  Mais ce pain, sacrement du corps du Christ, dont nous en sommes peut-être devenus des « obèses », si je peux m’exprimer ainsi, demeure un « pain réservé », un « sacrement réservé ».  Nous n’y avons pas tous accès.  Ce pain est source de réconciliation : « par ce sacrifice qui nous réconcilie avec toi »  (prière eucharistique no 3);  mais nous n’y avons pas tous accès même si, autour de nous, il y a des affamés de ce pain.  Dans l’eucharistie, la parole se transforme en sacrement. « La veille de sa passion, il prend du pain le béni, le donna […]. »

Il y a une autre table (je dis le mot qui a fait tellement peur au dernier synode) également sacramentelle, qui est accessible à tous, croyants ou pas, c’est celle de la parole de Dieu. L’Écriture, accessible à tous, est comme l’eucharistie, sacrement d’une « parole », du « λογοσ ». Elle nous fait voir, toucher le Verbe de Vie (1 Jn 1, 1). En lisant l’Écriture, nous sommes devant une présence réelle  de la Parole comme en participant à l’eucharistie, nous nous retrouvons devant la présence réelle de Jésus dans les saintes espèces. S’il nous est impossible d’avoir chez soi la présence réelle, il est possible de posséder une autre présence réelle, un tabernacle de sa présence qu’est l’Écriture.

 «  Je suis d’avis que l’Évangile, c’est le corps de Jésus. Sans doute le texte « qui mange ma chair et boit mon sang » trouve son application dans le mystère eucharistique; mais le corps du Christ et son vrai sang, c’est aussi la parole des Écritures »  (saint Jérôme, Lettre 53 à Paulin, cité par J.M Verlinde, p. 220).  Il reprenait ce qu’exprimait saint Ambroise qui écrivait « que le corps du Fils est l’Écriture qui nous est transmise ». Avant lui, dès le premier siècle, Origène, un des plus grands exégètes du début du christianisme, écrivait sans pour autant minimiser l’eucharistie, que ce livre est le  « vrai corps et le vrai sang » de Jésus : «Le pain du Christ et sa chair sont la parole de Dieu».

Benoît XVI (on dit qu’il est l’un des plus grands théologiens que la papauté se soit donné), dans son homélie d’ouverture du synode, en octobre 2008, affirmait que la parole de Dieu et l’Eucharistie sont « ce même mystère qui est offert à notre contemplation ». Et pour éliminer toute ambigüité, il concluait : « Que le Seigneur nous concède de nous approcher avec foi de la double table de la Parole et du Corps et du Sang du Christ ».   

 Pour que la table de l’eucharistie soit « nourrissante », il faut la foi. Pour que l’Écriture soit vraiment parole de Dieu, il faut « manger ce livre » (Ap 10, 9) avec foi. Il ne suffit pas de participer à l’eucharistie pour devenir Corps du Christ. La simple lecture de l‘Écriture ne fait pas d’elle une parole de Dieu.

            LA BIBLE COMME SACREMENT DE LA PAROLE DE DIEU

Deux précisions importantes.

1) L’Écriture est un sacrement, non dans le sens technique ou fermé des sept sacrements, mais dans le sens « ouvert » (Zundel), dans le sens où le Christ est « sacrement universel de salut » (Lumen gentium, no 48). « L’Écriture est un sacrement. C’est le voile derrière lequel il faut chercher le visage de l’amour » (Maurice Zundel).

Saint Augustin a tellement compris qu’un sacrement est un signe, une  manifestation,  une présence réelle qui laisse voir autre chose, qu’il en parle « comme une parole que l’on voit ». Il parle de l’Écriture comme d’ « un sacrement que l’on entend » (Cité par P. Cantalamessa, Vatican, Carême 2007). 

2)  Quand nous disons « parole de Dieu »,  nous songeons à la parole comme langage sonore, phonétique. La parole de Dieu dépasse de beaucoup le langage.  La Bible est une réalité bien limitée. La parole de Dieu précède et dépasse la Bible (Instrumentum Laboris et message final du synode 1, 1)).   Au temps de saint Paul, rien du Nouveau Testament n’était écrit; mais saint Paul était conscient qu’il prêchait la parole de Dieu. Il félicitait les Thessaloniciens parce qu’ils avaient reçu le message proclamé par lui non pas comme un discours humain, mais comme parole de Dieu qui opère en celui qui croit.

Dès le début du monde, la parole de Dieu est créatrice (Gn 1,3 ss; Ps 33, 6.9; He 11,3). Elle instaure l'intervention de Dieu dans le devenir du monde. Si Dieu n’avait pas parlé, nous n’aurions pas de Bible. La Bible est donc une parole qui nous révèle Dieu. Et c’est par l’écoute de sa parole que nous entrons en relation, en alliance avec lui. Que nous devenons son peuple : « Écoutez ma voix, exécutez tout ce que je vous ai commandé, alors vous serez mon peuple et je serai votre Dieu» (Jr 11,6).

La Bible, si vous m’avez bien suivi, est le sacrement qui contient la parole de Dieu, qui contient la présence réelle de sa parole, comme le pain est le sacrement de la présence réelle de Jésus. « La Bible se présente à nous comme un sacrement qui contient la Parole» (P. Bianchi, L'Église trouve sa mission dans le service de la Parole de Dieu, Lourdes, octobre 2007). Ce qui est sacrement, ce n’est pas le texte qui risque d’être reçu comme une « lettre morte », une « lettre qui tue », c’est le fait que la Bible est communication de Dieu. Elle est parole de Dieu.  Ce qui est sacrement, c’est le fait que Dieu se révèle, se livre, se fait connaître à nous. « La parole doit être englobée dans l’économie sacramentelle, jusqu’à être comprise elle-même comme un sacrement, c’est-à-dire comme une transmission de force et de grâce et non pas seulement comme un moyen de communiquer des vérités […]. Il s’agit de faire mûrir la conscience chrétienne jusqu’à ce qu’elle soit en mesure de saisir le caractère sacramentel de l’Écriture » (Bianchi, Enzo : Les enjeux de la lectio divina aujourd’hui)

Quand nous  ouvrons la Bible, nous devrions réaliser que nous sommes devant la présence réelle de Dieu. Ignace d'Antioche parle de l'Évangile comme de la chair du Christ. Plusieurs Pères du synode ont rappelé dans leurs interventions cette longue tradition patristique que « les Écritures sont le Corps du Christ ». Saint François demande à ses premiers compagnons de traiter les livres de l'Écriture avec une grande attention et dévotion, et de les vénérer comme le corps même du Christ.

 « Vous qui avez l’habitude d’assister aux divins mystères, avec quel soin religieux, lorsque vous recevez le Corps du Seigneur, vous veillez à ce qu’il n’en tombe pas la moindre parcelle. Vous vous croiriez coupables, et ce serait vrai, si cela se produisait par votre négligence. Or comment serait-il moins grâce de négliger la Parole de Dieu  que son Corps ? (Origène)

             « Notre foi n’est par une religion du Livre, n’est pas une religion biblique. Elle est une religion de la Parole », rappelait dès l’ouverture du synode, le cardinal Ouellet, agissant comme reporteur en faisant référence au document préparatoire du synode. Notre foi est une personne, parole faite chair. Il ne s’agit pas d’idolâtrer un livre, ce n’est pas le Livre comme livre qui est sacrement, - un livre en soi est une « lettre morte » - mais c’est la parole de Dieu qu’il contient. Comme chrétiens, nous devons donc avoir ce sens élevé des Saintes Écritures, sacrement de la parole de Dieu.

            LA BIBLE COMME PAROLE DE DIEU ET PAROLE DES HOMMES    

 C’est le passage de l’Écriture à la parole de Dieu qui fait problème.  Nous pouvons lire la Bible sans avoir la foi; mais sans la foi, il est impossible d’écouter la parole de Dieu, dit le document de travail sur le Synode (no26). Beaucoup connaissent la Bible. Peu sont à l’aise avec l’idée que, dans la Bible, « tout vient de Dieu et tout vient des hommes » (concile de Chalcédoine). Saint Bonaventure affirmait que  « nous avons aussi à lire l’Écriture comme une parole humaine dont l’origine est dans la divinité ». « Les paroles de Dieu passant par les langues humaines, ont pris la ressemblance du langage des hommes, de même que jadis le Verbe du Père éternel, ayant pris l’infirmité de notre chair, est devenu semblable aux hommes » (Dei Verbum, no13).   Mais peu sont à l’aise avec cette affirmation que l’Écriture puisse être parole de Dieu. 

Plusieurs y voient là une provocation. Leur raisonnement est simple : qu’est-ce qui fait qu’un livre humain, historique, écrit plusieurs années après la mort de Jésus et qui raconte des faits et gestes sur Jésus que la tradition orale rapportait, puisse être déclaré parole de Dieu? Comment prétendre que des écrits humains, des écrits sur Jésus puissent être reçus comme parole de Dieu ? 

Il n’est pas évident d’affirmer que l’Écriture est parole de Dieu quand nous nous heurtons dans l’Ancien Testament à des passages si violents que Maurice Zundel disait que nous sommes en présence d’un Dieu non croyable.  Une lecture même distraite de la Bible montre que nous sommes en présence de nombreuses contradictions. Pour l’un, Jésus serait né à Nazareth, pour l’autre à Bethlehem. 

C’est un fait reconnu, la Bible est paroles des hommes (Dei Verbum). Les écrivains bibliques conservent, dirions-nous aujourd’hui, leur droit d’auteur. La constitution Dei Verbum a levé une ambigüité séculaire quand elle a déclaré que les écrivains bibliques sont plus que des instruments, ils sont les auteurs véritables de leur écrit.

Les auteurs sacrés rapportent une tradition orale sur Jésus. Ils sont des « témoins » qui ont simplement voulu mettre par écrit pour la postérité, ce que disait la tradition sur Jésus.  Ils ont voulu faire connaître l’événement Jésus : sa naissance, sa manière de vivre, ce qu’il a dit. Ce sont  des textes humains, qui racontent, avec des entendements différents, les paroles que Jésus aurait prononcées et que les premiers croyants véhiculaient. Les Évangiles ne nous rapportent pas, au sens précis du mot, des paroles de Jésus. Ils ont raconté, mis par écrit des bonnes nouvelles sur Jésus, déjà écrites dans les cœurs et transmises par des communautés chrétiennes au sujet de Jésus. La Bonne Nouvelle est en fait une bonne nouvelle sur Jésus et non la bonne nouvelle de Jésus.  La bonne nouvelle de Jésus, sa prédication, – convertissez-vous (Mt 4, 17) – n’a jamais été écrite parce que Jésus n’a jamais écrit. Dans un tel contexte, affirmer qu’une parole humaine puisse être parole de Dieu est une véritable provocation.

Pour passer d’une lecture de paroles qui rapportent des événements sur Dieu, sur Jésus, pour transformer ces différentes paroles humaines qui nous présentent le Jésus historique, pour saisir l’unité du message sur Jésus exprimé dans une diversité de présentations qui souvent se contredisent, à des paroles de Dieu, il faut, et je cite Benoît XVI dans sa leçon inaugurale du collège des Bernardins, « apprendre à percevoir au milieu des paroles, la Parole ». Il faut une « culture de la parole qui unifie l’amour des lettres et le désir de trouver Dieu ».  Il faut étudier les Écritures, les comprendre. Cela passe par une lecture historico-critique, par le refus d’une approche fondamentaliste. Cela passe par « l'amour des lettres, l'amour de la parole, son exploration dans toutes ses dimensions ».  Pour Paul Beauchamp, ce passage passe par « l’intimité » de l’auteur biblique avec Dieu  (Parler d’Écritures saintes, Seuil, 118 pp, p. 14).

Quel que soit le chemin, ce passage de paroles d’hommes à la parole de Dieu sera « un défi toujours nouveau posé à chaque génération.  Il exclut tout ce qu’on appelle aujourd’hui « fondamentalisme ».  La parole de Dieu, en effet, n’est jamais simplement présente dans la seule littéralité du texte.  Il faut un dépassement et un processus de compréhension qui se laisse guider par le mouvement intérieur de l’ensemble des textes et, à partir de là, doit devenir également un processus vital  » (Benoît XVI, Discours au collège des bernardins, Paris, 2008).

            La parole de Dieu est reçue comme « un ministère de mort » (2 Co 3, 7), elle devient une « lettre qui tue » (2 Co 3, 6) quand elle est lue ou écoutée sans l’Esprit qui donne la vie.  Les textes bibliques deviennent alors des écrits comme d’autres, sans plus.  « Lorsque nous ouvrons la Bible comme un livre, elle demeure silencieuse; en tant que puissance spirituelle, elle parle » (Abraham Heschel, Dieu en quête de l’homme, Seuil 1968, p. 267-268).

C’est quand nous recevons les paroles bibliques comme « ministère de l’Esprit » (2 Co 3, 8),  quand nous dépassons une lecture fondamentaliste, qui consiste à prendre chaque mot comme un absolu, quand nous les recevons comme parole sacrement,  alors elles deviennent des paroles de Dieu. Pour que les paroles sur Dieu deviennent parole de Dieu, pour qu’elles nous transforment en paroles de Dieu, elles doivent être reçues comme des paroles sacrements. Quand en finale de chaque lecture durant la liturgie de la Parole,  nous ajoutons « Parole de Dieu », nous déclarons les recevoir comme des paroles sacrements. Ce sont des paroles qui font, réalisent, concrétisent aujourd’hui ce qui a été rapporté par les écrivains inspirés.  

QU’AS-TU FAIT DES MOTS ?

Mais comment ouvrir ce livre, comment parler de ce livre de manière qu’il puisse montrer une Parole? Quelqu'un? Comment sortir ces mots « paroles de Dieu » de la routine? Comment les sauver de l’acédie, sorte d’ennui, de fatigue pour leur redonner leur lettre de noblesse? Bref qu’avons-nous faits des mots « paroles de Dieu »? Que pouvons-nous faire pour en retrouver toute la beauté?

Je vous suggère, comme piste de réponse, cette réflexion d’un empereur chinois à qui l’on demandait quelle était la chose la plus urgente pour améliorer le monde. Sans hésiter, il répondit : « réformer la parole ». Si nous sentons l’urgence de faire la promotion d’un renouveau catéchétique, biblique ou de la nouvelle évangélisation, si nous voulons que d’autres puissent ouvrir le livre et y goûter un fruit juteux, cela passe par l’incontournable urgence de réformer la parole. Réformer nos homélies. Réformer nos manières d’enseigner la foi aux jeunes.

Réformer les mots « parole de Dieu » pour leur redonner leur lustre originel. L’urgence est de faire exploser des mots qui nous sont trop familiers. L’urgence est de réapprendre à les recevoir comme une semence de Vie. Il y a urgence de leur redonner leur lettre de noblesse.

Erik Orsenna, dans le magnifique conte La grammaire est une chanson douce, écrit : « Tout le monde dit et répète « je t’aime ». […] Il faut faire attention aux mots. Ne pas les répéter à tout bout de champ. Ni les employer à tort et à travers. Autrement, les mots s’usent. Et parfois, il est trop tard pour les sauver.   Benoît XVI, dans son encyclique sur l’amour, disait qu’aimer est l’un des mots les plus utilisés et aussi un des plus galvaudés (no 2). Bien des gens sont capables de parler avec aisance de l'amour du Christ, mais leurs œuvres sont un scandale pour le monde, et c'est pourquoi leurs paroles sont privées de force vivifiante » (Archimandrite Sophronie).

 Ce qui menace de tuer la parole de Dieu, ce sont nos actes qui sont pur bavardage parce que nous n’habitons pas les mots que nous prononçons. Nous ne les vivons pas. Alors, les mots sonnent faux, semblent vidés de sens original, dénudés de leur beauté.  Les utiliser devient presque dévastateur. À force d’utiliser sur les cartons de cigarettes : dangereux, nous n’y portons plus attention. Même si nous accolons sur une étiquette « arsenic, ne pas boire », quelqu’un va finir par s’empoisonner. Les mots n’ont plus leur résonance initiale. Comme quelqu’un le suggérait au salon Religio 2005, à Paris, il faudrait nous donner un logiciel qui puisse passer au crible tous les mots qui, dans nos homélies, rituels, prières ne disent plus rien, pour en suggérer d’autres plus compréhensibles. 

Le problème n'est donc pas celui des mots, mais celui du contenu des mots. Quand je dis : « Dieu »;  quand le serpent dit : « Dieu »; quand César dit : « Dieu »; quand le Christ dit : « Dieu » ; de quel Dieu s'agit-il ? Si vous demandez à un enfant de vous mimer Dieu, il va monter sur chaise, une table en disant : « je suis votre dieu ». Il s’imagine alors le centre de tout, contrôlant tout, dominant tout. L’image d’un dieu tout-puissant, d’un dieu idole est omniprésente.

Il y a des lois qui existent contre la fraude. Aucune n’existe contre la falsification des mots, de leur sens. Aucun mot, dans notre société, dans l’Église, n’a subi une telle perte de sens, une telle dégringolade que le mot amour. Un homme viole une femme et s'excuse en disant qu'il l'a fait par amour. Ainsi en est-il du mot « parole de Dieu ». Il est usé à la corde.  L’expression a perdu toute sa saveur. « Si le sel s’affadit… »

Rien n’est plus souffrant, déchirant que d’assister à une perte de sens, à une défiguration jusqu’à l’absurde de ces mots « parole de Dieu ». Il faut dépoussiérer, libérer les mots pour qu’ils redeviennent un « jardin ». « Lorsque je lis les Écritures, c’est Dieu qui se promène avec moi dans le jardin des Écritures », écrivait saint Ambroise. Nous avons dans nos homélies, nos conversations, dans l’enseignement catéchétique, trop de mots piégés, tellement usés jusqu’à la corde, tellement vidés de leur sens premier que nous enlevons toute la nouveauté au message de Jésus. Cette nouveauté demeure toujours actuelle. Jésus est un homme nouveau, il pense nouveau, agit libéré du poids de la loi ancienne.

Ce qui est frauduleux

Ce qui est frauduleux, c’est que ces mots « jardin des Écritures », « parole de Dieu »,  « gloire », « aimer », même le mot Dieu n’ont  plus de beauté, n’ont plus de grandeur, d’amplitude parce qu’ils sont vidés de toute leur dimension mystique.  

C’est frauduleux de parler « comme des paroles de Dieu » (1 P 4, 11) sans en vivre. C’est frauduleux de recevoir, dans notre inconscient, la parole de Dieu comme celle d’une lointaine époque, complètement décrochée de notre réalité. C’est frauduleux d’assister à l’eucharistie sans en être transformé. C’est frauduleux d’entendre la parole de Dieu comme du déjà entendu.

Il y a des paroles, des images que nous utilisons pour dire Dieu qui nous le font voir comme un Dieu hautain,  une sorte d’empereur, de pharaon dictateur devant qui nous mourrons de peur. Nous ne sommes pas encore guéris d’un langage nous présentant un Dieu culpabilisant, nous cherchant pour nous juger. Même si nous savons – nous qui sommes proches de l’Évangile – que la parole de Dieu n’est pas là pour nous dominer, nous écraser, nous en parlons dans un langage teinté de condamnation, un langage moralisateur. Le langage de beauté sur Dieu n’est pas encore dans nos mœurs. Il faut changer l’imaginaire qui entoure les mots. À titre d’exemple, l’affirmation biblique «  Adam où es-tu » est reçue comme un reproche, une condamnation. Or, le texte ne dit pas « Adam qu’as-tu fait? », mais bien « Adam, où es-tu? » Quand je dis qu’il faut reformer la parole,  c’est à ce genre d’affirmation que je songe.

CONCLUSION

Ce n’est pas évident de lire l’Écriture comme parole de Dieu, d’y voir des paroles sacrements,  de vivre « comme des paroles de Dieu ».  La Bible se transforme en Parole de Dieu seulement pour ceux qui acceptent de vivre dans l’intimité des mots, de les apprivoiser, de leur porter attention, de retrouver leur dynamisme, de se laisser conduire par eux là où nous ne voulons pas nécessairement aller, de les laisser s’enraciner en nous, de les faire nôtres.  La Bible jaillit en nous en parole-sacrement quand nous broutons, mâchons,  ruminons, assimilons leur substance divine.  Pour vivre « comme des paroles de Dieu », il faut y entrer comme Jésus est entré dans notre humanité : en s’oubliant.

Comme tout sacrement, c’est dans le sens du mystère que nous devons ouvrir, aborder,  lire les Écritures. « Ce mystère n’est pas quelque chose d’obscur, c’est une lumière qu’on ne peut pas exprimer […], épuiser […]. C’est tout le contraire d’un mur contre lequel on vient buter : c’est tout l’espace qui s’ouvre. On pourra s’avancer éternellement, éternellement, éternellement […]. Ce sera toujours nouveau, on ne l’épuisera jamais » (Zundel, Le problème que nous sommes, Éd Jubilé, 2005, p. 157).

Guillaume de Saint Thierry demandait à ses moines: « Qu’as-tu fait des mots, toi qui, par vocation, as été désigné comme berger des mots? Chargé de veiller sur la vie qu’ils portent en eux. As-tu fait de ton cœur un berceau pour les mots afin de sauver les mots et avec eux sauver l’intériorité des êtres? As-tu vécu en ami des mots, en ami du Verbe, en ami de Dieu? [...]. Leur as-tu confié ton espace intérieur? T’es-tu fait par toute ton existence, un espace d’accueil pour ces semences de vie? Réponds! Tu en es responsable ». Ces mots d’hier, nous devrions les signer et les redire.

Dieu s'est servi de sa parole pour nous révéler sa présence. À nous maintenant d’y « extraire la beauté d’une si grande faveur que Dieu nous fait » (Thérèse d’Avila) en nous l’offrant.

CAUSERIE 2 VIVRE COMME DES PAROLES DE DIEU

CAUSERIE 3- PRIER LA PAROLE

CAUSERIE 4- LA PAROLE NOUS DOIT BEAUCOUP (causerie pénitentielle)

CAUSERIE 5- MARIE ET LA PAROLE DE DIEU

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Date: 
Mercredi, 1 avril, 2015

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