Année B: Samedi 2e semaine carême (litbc02s.15)
Luc 15, 1-3-11-32 : la logique du père
Nous venons d'entendre l'un des best-sellers de la littérature évangélique. Nous la connaissance très bien cette parabole parce qu'elle préfigure notre histoire et aussi celle de Dieu. Tout est dit : nos désirs et son amour, nos peurs et sa présence, nos révoltes et sa patience, notre liberté et son attente, notre folie et son incroyable miséricorde, notre dépression possible et sa distance de tout abus de pouvoir.
Mais, dans ce chapitre 15 de Luc, il y a aussi la drachme perdue. Il y a la brebis perdue. Chacune de ces paraboles se termine par la joie retrouvée. Jésus offre aux pécheurs et aux publicains qui venaient l'écouter, aux pharisiens et aux scribes qui récriminaient contre lui de contempler la victoire de la joie. Il photographie le chemin à parcourir pour déborder de joie (2 Co 7,4), pour devenir ivre de joie (Is 12).
C'est difficile à comprendre, mais l'exclusion mutuelle, la relation plutôt glaciale entre les deux frères, leur manque de proximité, la pauvre qualité relationnelle, leur distance émotive, immature avec leur père, contiennent tous les éléments de la victoire de la joie. Accablés qu'ils sont par cette maladie d'un ego jamais satisfait, mal dans leur peau, le cadet cherche dans la mondanité le chemin de la joie. L'ainé ne transgresse rien, semble aux affaires de son père, mais refoule constamment son fort sentiment de n'être qu'un simple serviteur. Aucun signe de gratitude non plus.
Mine de rien, Jésus décrit ici le cheminement de la joie qui nait de l'échec et qui est au centre de la joie de l'évangile. La joie naît quand la souffrance est déchirante. Quand la Croix nous transperce de douleurs. Quelle souffrance Jésus a dû éprouver d'être constamment rabroué! Quelle crucifiante vie que celle confrontée en permanence à l'échec d'établir une relation de proximité, sereine, saine avec son entourage ! Et pourtant Jésus baignait dans la joie. De cette joie de retrouver la brebis égarée. De la joie d'avoir retrouvé la drachme perdue.
Malgré cette souffrance, le père, image de Jésus, nourrit ni animosité, ni irritation parce qu'il ne souffre pas d'autosuffisance. Blessé oui, mais non amer. Accablé oui, mais non indifférent. À la vue de son fils revenant, il déborde tellement de joie qu'il lui offre une table grandiose. Comme l'exprime le message du carême, chacun l'intéresse. Son amour l’empêche d’être indifférent à ce qui leur arrive.
Ce qu'il faut contempler en profondeur, c'est qu'il y a dans ce père la route de l'Église. La route de toute vie, même contemplative. À travers cette parabole, une double mission se précise : être des iles de miséricorde, des iles de joie, d'intégration et non d'exclusion, mais offrir aussi un regard étreint de miséricorde.
La logique du Père, de toute vie chrétienne, n'est pas celle de la division, de la rancune, mais celle de la réintégration et de la miséricorde. Non celle de vivre recroquevillés sur nous-mêmes, mais celle de ne condamner personne éternellement (François aux nouveaux cardinaux). La logique du toujours prêt à porter un regard bienveillant. Il sort vers son fils qui revient. Il sort vers son fils qui refuse de partager sa joie.
Chaque petite victoire de proximité avec l’ivraie diviseur de la bêtise humaine témoigne humblement de la réalisation de cette parabole dans nos vies. C’est Pâques chaque fois que la joie l'emporte sur nos blessures de se sentir trahi.
Quelle aventure il y a pour nous dans cette belle page ! Arrêtons ce cinéma, ce sont les mots du père carme Secondin, prédicateur de la retraite du Vatican, d'une vie chrétienne, contemplative toujours vécue en état de justification de nos actes. En état de peur de perdre la face.
Élargissons nos horizons en ouvrant nos bras comme le père prodigue à ceux et celles que nous ne pouvons pas supporter. Ne nous contentons pas d'écouter cet appel à sortir avec joie vers ceux qui nous sont moins sympathiques. Allons, sortons à découvert, sans masque ou attitude protectionniste pour rétablir ce qui est brisé sans égard à la gravité de la faute, mais aussi pour éprouver la joie de nous asseoir à une table, celle que nous offre le Père. AMEN.
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