Année A: Mardi 24e semaine ordinaire (litao24m.14)
Luc 7 11-17: vraiment un cortège funèbre ?
En écoutant cet évangile, cette femme qui pleure son fils, nous ne pouvons pas oublier tous ces drames qui ensanglantent notre terre. Irak, Syrie, Israël, Gaza, Nigeria, Soudan, Centre Afrique… des populations sont obligées de fuir pour ne pas se faire massacrer ; des femmes sont enlevées, contraintes d’abjurer leur foi chrétienne et de se convertir à un Islam radicalisé sous menace de mort ; des chrétiens en grand nombre sont pourchassés et persécutés, au milieu d’une indifférence presque générale. De partout retentit un grand désir de vivre.
Et Jésus, lui aussi, respire de vivre. De désirer faire vivre. Cette mère qui pleure son fils est en état de désir. Désir de le voir vivant d'abord. Désir qui est pour elle une insupportable douleur. Elle vit en état de manque. Elle éprouve un grand vide dans sa vie. Quoi de plus humain que cette douleur ! Que ce grand vide !
La femme est en état de manque. En état de désirer son fils vivant. Désir tout humain. Jésus est, lui aussi, en état de manque. En état de désir de faire vivre. Il est le Vivant. Pour l'un comme pour l'autre, leur désir les maintient vivants. Ne rien désirer, c'est la mort. Tuer le désir, c'est en quelque sorte se tuer soi-même.
Quand ces deux désirs s’avouent, se rencontrent, se disent, l'un dans le silence d'une souffrance intenable, l'autre dans l'insupportable pitié pour elle qu'Il éprouve, surgit une parole inattendue: lève-toi.
Ce n'est pas une parole pour hier. C'est une parole pour notre aujourd'hui tellement horrifié par toutes ces scènes d'enterrement dont nous sommes témoins et devant lesquelles souvent nous sommes devenus insensibles.
Bien sur, vous me direz que vous êtes incapables de redonner vie à des milliers de personnes massacrées ou décapitées. Jésus nous demande de faire mieux que de ressusciter les morts. Nous n'avons pas ce don de guérir, de faire des miracles mais nous avons, ajoute Paul dans la lecture (1 Co 12, 27-31), le don de chercher ce qu'il y a de meilleur (1 Co 12, 31).
Ce don le meilleur, c'est d'avoir dans nos cœurs la même charité que Jésus. C'est, dit l'apôtre Paul, un bien supérieur au pouvoir de faire des miracles. Ce bien supérieur fait vivre, ressuscite. Nous voyons cela dans ses médecins sans frontières qui risquent leur vie pour sortir de leur enfer ces peuples foudroyés par la haine. Nous le voyons dans cette foule de bénévoles de la Croix rouge qui offre un verre d'eau à des assoiffés dans les déserts du monde que sont ces camps de réfugiés. Nous le voyons dans cette petite visite anodine quotidienne ou pas, auprès des personnes «remisées» dans nos centres d'hébergement de longue durée.
Ces personnes ont mis un bémol à ce dicton bien connu, trop connu (?) : charité bien ordonnée commence par soi-même. Ces personnes, travailleurs humanitaires, s'oublient pour soulager, pour faire du bien, apporter un peu de réconfort. Elles reproduisent sans le savoir peut-être, cette rencontre dont parle l'évangile de ce jour, entre une veuve éplorée et Jésus pris de pitié pour elle.
Notre monde vit dans les douleurs d’un enfantement qui durent. Saint Paul l'exprimait jadis. Plus de 3000 ans après lui, oserons-nous dire le contraire ? L’enfantement douloureux continue. Pourtant rien désormais, ne peut éteindre la voix puissante qui arrête ce cortège de mort pour faire retentir ce cri-désir de notre humanité actuelle de s'entendre dire : lève-toi.
Chacune de nos liturgies proclament : Voici maintenant le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu, et le pouvoir de son Christ ! Chacune de nos vies de chrétien doit lui faire écho en diffusant ce miracle de la charité en acte. De la solidarité. De la miséricorde si nécessaire aujourd'hui. AMEN.
Ajouter un commentaire