Année A: Dédicace de la basilique Saint-François (2014)
Jean 10, 22-30 : nous laisser sculpter.
Qui sommes-nous ? À cette question, je laisse le soin à saint Bernard de répondre : Demandons-nous, dit-il, ce que peut bien être la maison de Dieu, son temple, sa cité, son Épouse. Je ne puis le dire qu’avec crainte et respect : c’est nous.
Voilà qui donne un autre regard sur cette fête. Avec nos yeux de chair, nous voyons en imagination un édifice, un temple mémoire où François repose. Avec nos yeux contemplatifs, cette fête élève nos regards jusqu'à reconnaître que, par grâce, nous sommes dans des vases d'argiles, la maison de prière que Dieu construit.
La solennité qui nous réunit est la dédicace d’une maison de prière. Mais la maison de prière, c’est nous-mêmes. Nous sommes construits pour être consacrés à Dieu. La construction d’un édifice se fait dans la peine mais la dédicace se fait dans la joie (Saint Augustin). Ce jour est un jour de Joie!
Pour vous, c'est un jour de fête parce que dans vos cœurs de contemplatives, la louange du Seigneur retentit chaque matin, à chaque instant. Pour nous, c'est un jour de reconnaissance pour ce que vous êtes au cœur de notre Église d'ici : une poignée de baptisées qui n'a d'autres richesses que le trésor et la perle de l'Évangile qui vous rassemblent dans le silence de l’oraison.
Nous célébrons aujourd'hui des pierres de tous les âges, venant de tous les horizons, de toutes les cultures, des pierres posées ici depuis 70 ans, 60 ans, 40 ans comme celle d'un récent passé de trois ans. D'autres pierres viendront que le Seigneur lui-même ira chercher, car c'est lui qui les choisit, qui les sculpte. Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain peinent les maçons (Ps 127, 1). D'autres ont connues leur ascension. Elles se sont approchées à la suite de François, de Madame Claire, femme de lumière, de la pierre d'assise qu'est le Christ. Elles sont désormais des pierres précieuses auprès de Dieu (cf. Ps 118,22 ; Is 8,14; 28,16 etc.).
Cette fête nous lance aussi une invitation. Celle de nous laisser construire, de nous laisser sculpter en maison spirituelle par la pierre vivante en écoutant sa voix. Cette voix, et vous en êtes un chemin pour nous, ne s'entend que si nous déposons à la porte tous les bruits intérieurs qui nous envahissent, toutes les agitations qui nous inquiètent, toutes ces curiosités que nous offrent nos mass-médias. Cette voix ne s'entend non dans l'ébriété, non dans l'extension, mais dans la sobriété. Dans la frugalité.
L'ébriété, c'est la maladie presque contagieuse de nos vies. Dehors, nous menons une vie axée sur le débordement, sur l'excès de vouloir être au courant des moindres événements du monde. Difficile dans un tel environnement d'entendre une voix toute frêle, presque silencieuse, tant elle ne veut pas s'imposer.
Il semble bien que ce soit dans la sobriété que cette voix s'écoute. C'est en se vidant de tout ce qui nous encombre intérieurement que rebondit en nous cette voix du Pasteur et son invitation à ne pas craindre. C'est en se retenant de tout savoir, de tout voir, de tout entendre, de tout dire, c'est, pour utiliser le langage cartésien, en se dénudant de tout excès, en s'habillant de silence qu'on goûte cette voix.
Notre monde nous prépare très peu à renoncer à l'engorgement qui caractérise nos vies. Pourtant la sobriété, recherche toujours inachevée, creuse en nous un puits qui nous permet de mieux nous désaltérer de cette voix.
Cette fête de la dédicace est un précieux moment pour nous donner cette intelligence de comprendre, d'expérimenter, à la suite de Madame Claire, de frère François, qu'une vie délestée de cette mode tendance à l'excès, ouvre sur une richesse insoupçonnée. Une publicité invitait récemment à voyager léger cet été. Vous n'êtes donc pas si démodés que cela !
À votre contemplation : une voix qui fait toutes choses nouvelles vient nous créer, recréer comme elle a créé la terre et le ciel. Plus que jamais, nous sommes appelés à être plus radicalement des maisons de prière. Plus radicalement, des baptisés à l'écoute d'une voix pour la faire retentir dans les cœurs en recherche d'une grande soif spirituelle. Une voix puissante nous dit en vous regardant vivre : voici la demeure Dieu parmi les hommes. AMEN.
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