Année A: mardi 2e semaine de Pâques (litap02m.14)
Jean 3, 7-15 : Nicodème ou un voyageur par l'intérieur
On n'a pas idée de la beauté de la démarche de Nicodème. On n'a pas idée non plus de la réponse de Jésus. Nicodème était un chercheur de Dieu. Jésus aussi était un chercheur de Dieu. Les deux étaient de grands priants. Contrairement à Jésus, Nicodème éprouvait un profond besoin de vie intérieure. Jésus salue sa recherche et lui indique un chemin de renaissance. Celui de descendre dans ses profondeurs. Dans les actes des apôtres, on a posé à Pierre la même question : que devons-nous faire se demandait ceux qui étaient remués jusqu'au fond d'eux- même (Ac 2, 37).
Autant Jésus que Pierre propose un chemin pour naître en Dieu. C'est celui du fils prodigue : en entrant en lui-même. Le chemin que propose Jésus, repris par Pierre, est un mouvement de retournement vers l'intérieur. Jésus l’invite à tourner le dos à une recherche d'un Dieu ailleurs que là où il peut le trouver. En lui. Ce faisant, Jésus lui propose sa propre expérience de priant. Le Père et moi sommes un (Jn 10, 30). Il lui suggère une plongée vers ses origines. De retrouver ses origines.
À l'origine, il n'y avait pas en nous un regard dualiste entre extérieur-intérieur, le dehors et le dedans, l'en-haut et l'en-bas. Cette unification est un sacrement qui régénère en nous ce que nous sommes. L'auteur anonyme du Nuage de l'Inconnaissance écrit que Dieu est ton être et en lui tu es ce que tu es. On appelle cela aujourd'hui l'approche autonome de la vie non dans le sens d'autosuffisance mais dans celui d'unifier nos vies. Il ne s'agit plus de voir le ciel en haut mais de le voir en nous. De voir Dieu en haut, à l'extérieur de nous, mais en nous.
Le chemin que propose Jésus, cette renaissance d'en haut, est en fait une renaissance par l'intérieur. Il lui propose un beau retournement, celui d'un voyage au pays intérieur. Trop souvent nous cherchons Dieu en dehors, dans un ciel inaccessible qui a fait dire à saint Augustin dans une formule souvent citée : ô beauté si ancienne et si nouvelle vous étiez au-dedans de moi et moi je vous cherchais en dehors de moi. Jésus propose comme chemin à Nicodème de retrouver «l'homme intérieur». Il lui propose de vivre sa pâque.
Pâques est justement un éveil intérieur. La victoire du Christ est en nous. Pâques nous réveille à nous-mêmes. Avec Pâques, une pierre est roulée qui nous fait respirer un esprit dont nous ne savons pas d'où il vient mais dont nous pressentons l'existence. Marcel Légaut, ce philosophe chrétien du siècle dernier et bien d'autres, n'ont cessé d'affirmer qu'au cœur de l'humain, dans la profondeur de l'humain, se trouve une vie qui n'est pas de nous, une Présence qui appelle à entrer en conversation avec chacun de nous.
Renaître à ce que nous sommes, dans nos profondeurs, c'est consentir à retrouver nos origines. Nous sommes des nés de Dieu. Et puis naître par l'intérieur, n'est-ce pas un chemin baptismal ? Le chemin de tout chrétien. Il serait plus adéquat de dire que Jésus propose à Nicodème une sortie de la perception d'un Dieu tout extérieur à lui pour le rencontrer en lui.
Nous devons reconnaître que nous sommes, comme Nicodème, des gens vieillis tant nous vivons hors de nous-mêmes. Cette naissance par en dedans, cette renaissance-là s'impose à nous. Nous sommes pleins de projets, mais avons-nous comme projet de mener une vie d'une grande intériorité, celle dont Nicodème cherchait le chemin ? Nous voyons tout de l’extérieur ; nous observons le visage et le comportement de l’autre, mais nous ne voyons pas ce que Dieu opère en lui. L'urgence est de naître de l'Esprit de Dieu. D'eau et d'Esprit, dit le texte. Personne ne peut mieux que Jésus parler des choses d'en haut, comprendre les choses d'en-dedans, mieux que Jésus habité par un esprit nouveau.
En nous présentant ce Nicodème, chercheur de Dieu dans la nuit, Jean amène le contemplatif de son évangile à prendre le chemin le moins fréquenté, celui d'un voyage au pays de l'intériorité, là où éclate la joie de Pâques. AMEN.
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