1998-C- Lc :12, 49-53-Dimanche 20e semaine ordinaire- remonter le courant

Année C : 20e dimanche du temps ordinaire (Litco20d.98)

Lc :12 : 49-53

Voulant faire comprendre à des jeunes ce qu’est suivre le Christ, le Cardinal Denneels les invitait à observer la manière de vivre des saumons. Leur vie consiste à remonter le courant. Une vie à contre-courant. Nous passons, dit-il,  des heures, des heures à les regarder sauter d’un obstacle à un autre, a admirer leur habileté, leur ténacité. Les obstacles ne leur font pas peur.

Il me semble que c’est le message de l’Evangile d’aujourd’hui. Jésus partage avec ses disciples un chemin rempli d’obstacles, à contre-courant : Je suis venu apporter le feu...la division. Je dois recevoir un baptême.. Etonnant à entendre de la part de quelqu’un dont la naissance a été annoncée en terme de Paix.

Jésus a vécu à contre-courant. A ses disciples, à la foule, Jésus livrait un message qui n’était pas de tout repos. Il ne parlait pas pour se faire aimer, pour se donner du capital politique. Il parlait pour dénoncer ce qui sonnait faux : Faux bonheur basé sur l’avoir ; fausse générosité pour se faire voir,   importance d’un rituel, sorte de faux-fuyants. Jésus a invité à être vrai. Il a été vrai jusqu’au bout. Mes saumons, y sont vrais eux. Ils sont ce qu’ils sont.

Avant Lui, Jérémie en qui la tradition chrétienne a vu la figure du Christ endurant l’épreuve de la passion (2e lect) a été lui aussi un signe de contradiction. Il dénonçait les injustices, la mollesse du roi qui ne savait pas (un peu comme tous les leaders politiques) prendre position. Ses paroles de paix ont été reçues comme moyen de démoraliser la population.  Il fut arrêté, emprisonner, mis à mort.

La paix annoncée ce jour exige d’abord du tuer en nous la haine. En sa personne, il a tué la haine. Il nous faut montrer par notre vie que la haine est bien morte pour dire : la paix soit avec vous.  Sinon il y a risque d’annoncer une fausse paix et de se faire dire- comme je l’entends souvent- laisse-moi en pas avec tes histoires de paix. Il faut que notre vie soit lumière pour qu’elle éclaire les autres. Il y a des lumières qui n’éclairent pas beaucoup !  C’est ça vivre à contre-courant.

Ne pas se contenter de vouloir la paix mais d’être paix en tuant la haine en nous ; ne pas se contenter de désirer la lumière mais d’être lumière qui enflamme la Terre d’un grand feu. Je suis venu apporter le feu sur la terre.

Pour recevoir, ruminer, (langage mystique) les paroles de Jésus, il nous faut une détermination bien déterminée (Thérèse d’Avila). Le Royaume de Dieu souffre violence et seuls les violents s’en emparent.  Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur...

Opter pour cet Evangile là, c’est prendre la route de Jérusalem ; c’est connaître un baptême de sang.  J-P 11 affirmait dans sa lettre de 3e millénaire notre siècle est un siècle de martyrs.  (31 janvier 98 : Père Curic, ofm meurt assassiné en plein centre du Kigali à 39 ans. Il est le dernier d’une longue liste de victimes de la violence au Rwanda)

a liturgie cette semaine nous en donnait des exemples des personnes qui ont prise la route de cet Evangile là :  le diacre Laurent, contesté, mis à mort parce qu’il osait affirmer que les pauvres étaient la richesse de l’Eglise et qu’ils pouvaient convertir nos aumônes en trésors impérissables ; Claire d’Assise, dont la vie fut une véritable image de l’image(Grégoire de Nysse) ; Maximilien Kolbe qui, au milieu de ce XXe siècle qui s’achève, a été un co-créateur de l’amour et a donné sa vie ; Marie à qui on a promis qu’un glaive allait transpercer son coeur de mère ;  Des gens à contre-courant...

Annoncer la Bonne Nouvelle, ce n’est pas dangereux. C’est poser des gestes de Bonne nouvelle, des gestes de paix à la manière de Jésus qui sont dangereux, des gestes à la manière de Jérémie, à la manière de ces moines qui volontairement sont demeurés en terre algérienne ; à la manière des “médecins sans frontières” qui volent aux points les plus souffrants du globe tout en dénonçant l’incapacité des grandes nations à arrêter ces tueries ; à la manière des personnes qui oeuvrent auprès des sïdéens,  qui les accueillent, les aident à briser la barrière des préjugés au risque d’être mal jugées. Voilà où sont conduit ceux et celles qui, par choix,  s’exposent  au “danger de Dieu” dans leur vie.  A quoi cela sert-il d’avoir la foi si je n’ai pas les oeuvres (Jc2 : 14).

Vie douillette- vie chrétienne ; vie douillette - vie contemplative ne sont pas compatibles si l’on veut  être Evangile. Toute aventure spirituelle, aimait dire Teilhard de Chardin, est un calvaire. Précisons-le : Suivre ce chemin à contre-courant n’est pas de l’héroïsme (les saumons) mais pure grâce, celle de devenir image de l’image. Pendant qu’on s’occupe de Le suivre, Lui s’occupe de nous. Ma grâce te suffit.

A votre contemplation : méditez l’exemple de celui qui a enduré de notre part une telle hostilité. Les yeux fixés sur Jésus ( 2e lect), lui première victime du mal, résistons à ceux et celles qui souhaiteraient pour nous un autre chemin, plus facile. Entendons-le nous redire comme il l’a dit à ses premiers apôtres : Arrière Satan, tes vues ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes (Mc8 : 33) Devant nos craintes à placer nos pieds dans ses sandales, reconnaissons que ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. AMEN

ACCUEIL :

Des paroles brûlantes, graves vont résonner aujourd’hui dans les textes. Des paroles en feu, des paroles de feu dit par “un homme au coeur de feu”, un homme buisson de feu, venu allumer en nous un feu d’amour, et qui par nous, voudrait bien embraser le monde dans le feu de l’Esprit.

Les yeux fixés sur Jésus, laissons-nous purifiés par ce feu qui a conduit le Fils jusqu’au plus profond sa Passion ; Une eucharistie pour allumer au coeur de ce monde divisé, déchiré, un grand feu dans leurs ténèbres.