Vendredi 1ière semaine ordinaire (litco01v.07)
Jn 15, 9-17 Marguerite Bourgeois
Quand j’entends cette page de Jean, j’ai l’impression d’être amené sur un autre continent. Pourtant, ici sur notre continent, cette page, à la fois retentissement de Noël et écho de la veille de sa passion, n’a rien de mièvrerie. Elle invite à vivre cette merveilleuse réalité dont nous sommes assoiffés et qui a comblé la vie de Marguerite Bourgeois, cette merveilleuse réalité qu’est l’amour de Dieu pour nous et notre amour des autres. Mais nous abusons tellement de ce mot que mes lèvres ont peur de l’effleurer. Pourtant, c’est un mot essentiel, un mot « centre » dans toute vie, chrétienne ou pas. « Bien des gens sont capables de parler avec aisance de l'amour du Christ, mais leurs œuvres sont un scandale pour le monde, et c'est pourquoi leurs paroles sont privées de force vivifiante (Archimandrite Sophronie) »
À une époque où l’hostilité entre nous est devenue une superpuissance, à une époque où nous assistons à l’apothéose de la haine, nous avons besoin de réapprendre la beauté de ce mot qui nous introduit sur un autre continent, une autre terre. « L’amour de Dieu est premier en droit, mais l’amour des autres est premier en fait » dit saint Bernard. Ce que nous a dit Noël, ce que vient de nous dire saint Jean, c’est que Dieu en nous regardant est tombé en extase devant nous. En extase non pas dans le sens d’un moment d’ivresse, mais extase comme chemin, comme exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi, (encyclique de Benoît XV1 # 6) ».
Cet exode est « une véritable épreuve (1re lecture).» Pourtant, il est « l’accomplissement le plus élevé » dit le mystique et philosophe hindou Ramana Maharshi. « Nous avons été choisis » pour « porter ce fruit » juteux de vivre d’amour. « Quelle étrange folie » s’exclame Thérèse de Lisieux que de vivre sans mesure de la démesure ! « Quelle étrange folie» que de vivre sans crainte ! « Quelle étrange folie » que de se perdre de vue pour « mourir d’amour » ! (Le texte dit que de donner sa vie). « Quelle étrange folie» que d’être appelé «ami» et non serviteur de Dieu ! « Quelle étrange folie » que cette joie de vivre décentré de nous-mêmes jusqu’à ne plus nous appartenir !
Comment est-ce possible de vivre cette étrange folie? Le passage précédant notre évangile nous le dit- la vie de Marguerite Bourgeois confirme cela- c‘est en étant greffé sur la vigne. Marguerite Bourgeois était tellement soudée à cette vigne qu’elle s’est inculturalisée chez nous. Elle a quitté son continent pour implanter dans le nôtre cette étrange folie d’ «accepter toutes les adversités, la pauvreté matérielle… pour espérer en retour le bonheur, la joie et la miséricorde (1re lecture)» de Dieu qui seul peut nous offrir en retour d’avoir part à sa gloire. (Oraison finale)
Parce que pour elle, la foi n’était pas une théorie, mais une manière de vivre qui a permis à Dieu de « contempler sa propre beauté » en elle. Dès le lendemain de sa mort, un prêtre écrivait : "Si les saints se canonisaient comme autrefois par la voix du peuple et du clergé, on dirait demain la messe de sainte Marguerite du Canada. " Ce qui a poussé Marguerite Bourgeois à venir chez nous, ce qui fut à la source de son dynamisme, c’est la Vierge Marie, qui lui dit un jour «Va et je ne t'abandonnerai pas».
À votre contemplation : En Marguerite Bourgeois s’accomplit ce qu’Élisabeth de la Trinité dans sa dernière retraite (#8) décrit comme « le rêve de Dieu : (celui) de pouvoir contempler en sa créature, (celui de) voir rayonner toutes ses perfections, toute sa beauté comme au travers d’un cristal pur et sans tâche; n’est-ce pas là une sorte d’extension de sa propre gloire ». Une femme qui fut chez nous une telle « extension de la gloire de Dieu » qu’elle est vite devenue la « mère de la Colonie », cofondatrice avec Jeanne Mance et Monsieur de Maisonneuve de Montréal. Pour cette femme dont la vie fut une configuration « conforme à l’image de son Fils » (Paul), devenons louange et gloire. AMEN
Ajouter un commentaire