Année A: Lundi de la semaine sainte (litac06l.11)
Jn 12, 1-11 : la grâce du nez
Une femme, Marie dite Madeleine, qui n'avait plus rien à perdre tant sa réputation était peu enviable, que personne ne la considérait tant sa vie dégageait un arôme au parfum de mort, en versant un parfum de grand prix (Mc 14, 3) sur les pieds de Jésus, exprimait non seulement son désir profond de changer de vie mais surtout prophétisait que six jours avant la Pâque, ce parfum répandu, cet onction de Béthanie, allait au sortir du tombeau, répandre dans toute la maison un parfum de compassion qui se compose, précise saint Bernard, de toutes les peines et angoisses des humains, même de ses ennemis. C'est un baume qui guérit.
Saintetés, qu'avons-nous à nous offrir de plus beau en entrant dans cette semaine sainte - permettez moi cette expression - que cette grâce du nez? Qu'avons-nous à humer de plus précieux que ce nom qui est un parfum répandu (Ct 1, 2)? Saint Bernard ajoute : ça fait du bien de le humer (Sermon #12, 1 et 5 et # 22, 1-2 sur le Cantique).
Pour humer la qualité exceptionnelle de ce parfum, nous n'avons qu'à regarder ce livre de vie qu'est le Christ crucifié. Notre regard, s'il est pénétrant, devrait allumer en nous quelque chose comme un buisson ardent, quelque chose de semblable à ce feu intérieur qui brûlât les disciples d'Emmaüs, quelque chose comme un exode, une sortie de nous-mêmes, quelque chose qui nous fait goûter, savourer et voir comment ce crucifié, pauvre, dénudé de sa réputation, de sa beauté, est vraiment le parfum de Dieu.
Oui, à le regarder, ce crucifié, nous saisissons qu'il n'a pas revendiqué la douceur à laquelle il avait droit, mais qu'il nous a aimé jusqu'à l'amertume de la mort abjecte. C'est en nous unissant à ce voici l'homme que toutes nos personnes, nos vies seront imprégnées de cette saveur de Dieu, signe-commencement en nous de l'inauguration d'une nouvelle identité de créature nouvelle, de nouveaux nés d'entre les morts.
Dans une homélie sur le Cantique des Cantiques, saint Bernard écrit : Je te rends grâces, Seigneur Jésus, d’avoir bien voulu m’admettre à respirer au moins ce parfum [de ta Croix] ... et je respire je ne sais quelle indicible senteur de ta condescendance et de ton amour (Sermon 67 sur le Cantique).
Devant nos yeux, à travers ce récit, voici un double monde : le nôtre et comme je l'exprimais la semaine passée, avec ses aromates de misères, ses odeurs de mort que représente le geste de cette femme et l'autre (monde) qu'un homme tellement humain, tellement soucieux de nous sortir de nos embaumements, nos atta-chements, nous offre à humer cette semaine et plus spécialement ce vendredi saint qui vient. Cet autre monde dégage un parfum de compassion qui, précise saint Jean, remplit toute la maison.
Pour humer ce parfum répandu qu'est Jésus crucifié, pour courir à l'odeur de tes parfums (Ct 1,3) jusqu'à devenir parfum répandu dans toute la maison de notre monde, Claire d'Assise dont c'était hier l'inauguration de l'année de son 800e centenaire de la fondation de l'Ordre, nous indique son chemin, pas compliqué du tout, un chemin à quatre échelle, qu'elle offrait à ses compagnes qui ne savaient pas nécessairement lire.
Elle écrit à Agnès de Prague : Regarde-le, médite-le, contemple-le, imite-le. Pose ton regard sur ce livre de vie du Christ crucifié. Dans une autre lettre, elle ajoute: place ton esprit devant le miroir d'éternité, place ton âme devant la splendeur de la gloire, place ton cœur devant la figure de la substance divine et par la contemplation, transforme-toi en l'image même de la divinité pour ressentir toi aussi ce que ressentent les amis [de Jésus] (3 LAg 12). Ce chemin-programme, et c'est le but ultime de toute vie de religieuses apostoliques, nous fera le mettre au monde parce que nous serons devenus LUI.
À votre contemplation ces mots de Pascal: il ne faut pas dormir pendant ce temps-là. Une semaine à le re-garder. Ce sera notre oraison. Puissiez-vous, au sortir de cette semaine, racontez par votre vie, ce que vous aurez entendu, vu de vos yeux, touché du Christ crucifié pour nous et notre salut. Si tu souffres avec lui, avec lui tu rè-gneras. Si tu t'affliges avec lui, avec lui tu te réjouiras. Si tu meurs avec lui sur la Croix, avec lui tu répandras dans toute la maison de notre monde un parfum de la résurrection. AMEN.
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