17e dimanche ORDINAIRE -B- 2006
MYSTÈRE DE LA DÉMESURE
Homélie :
Une question « où acheter du pain ? ». Une réponse « pour le mettre à l’épreuve ». L’épreuve dont il s’agit, est celle de la démesure. Dans la 1ière lecture, Élisée, « homme de Dieu » s’est retrouvé lui aussi en face de la démesure : « 20 pains d’orge + du grain frais dans un sac » pour nourrir 100 personnes. L’évangile va beaucoup plus loin dans l’invraisemblable «cinq pains d’orges et deux poissons pour nourrir 5 milles personnes, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? »
Ce mystère de la démesure est notre quotidien de croyants et croyantes. Chaque jour qui passe, nous mesurons davantage le dérisoire de nos moyens et l’immensité des besoins spirituelles de notre monde. Chaque jour nous portons l’épreuve de nos peu de moyens. De nos santés fragiles, de nos vulnérabilités pour affronter des défis énormes comme l’éducation de la foi des jeunes. Devant cette épreuve, - nous avons pour vocation l’épreuve - il faut revoir le geste de Jésus « prendre du pain, le bénir, le leur distribuer ». Il faut entendre son appel à ses apôtres «ramasser les morceaux qui restent» et nous émerveiller comme eux de réaliser « que ce qui reste s’avère supérieur à ce qui fut distribué ».
Ce geste de Jésus « prendre du pain, le bénir, le distribuer » demeure le moyen le plus puissant que nous avons pour affronter la démesure. Ce moyen est plus puissant que tous les moyens humains, plus fort que toutes les armées de la terre parce que c’est Son corps partagé, sa vie donnée pour tous. « Au désert, Dieu multiplia son pain pour exciter en eux le désir de son corps et de son vin ( St Ephrem, diacre 3e siècle) ».
«Prenez et mangez ». Nous sommes en présence de la démesure de la compassion de Dieu. « Rien ne dit plus la démesure de Dieu pour nous que l’eucharistie (Élisabeth de la trinité) ». Pour compenser la démesure de nos moyens humains à annoncer son Évangile, nos fragilités et faiblesses, Dieu nous offre ce qu’il y a de meilleur : nous transformer en son Corps. « Soyez ce que vous voyez » dit Augustin qui ajoute : « recevez ce que vous êtes ». C’est « toute l’Essence divine » que nous recevons précise Catherine de Sienne.
Ce mystère de la démesure, il est là devant nos yeux. Un petit morceau de pain que nous allons recevoir, une parcelle de matière où Dieu a voulu cacher sa Présence au milieu de nous. Ce Dieu si grand qui se fait si petit dans ce pain, si vulnérable, est pour chacun de nous ce matin un appel extraordinaire à devenir « sans moyen », dépourvu de tout comme moyen extraordinaire et puissant pour annoncer son Évangile. Si Dieu se donne à nous dans un petit peu de pain, c’est que nous devons à notre tour, choisir de suivre le même chemin, en évitant comme Jésus la gloire éphémère des royaumes qui passent. « Sachant qu’on voulait faire de lui leur roi, il se retira au désert ».
Saint Paul parlait de la même démesure tantôt quand il invitait ses lecteurs à s’armer de «beaucoup de douceur et de patience, a se supporter ». La démesure de la douceur, de la patience, de l’entraide mutuelle comme arme pour affronter la démesure de la haine meurtrière, de la recherche de la toute-puissance et du chacun pour soi.
Ce que nous devons comprendre et vivre dans les lectures d’aujourd’hui, c’est que le mystère de la force de Dieu, de l’agir de Dieu, comme de notre agir est dans la démesure de nos pauvres moyens. Si cette force de Dieu ressemble parfois à de la faiblesse pour nos contemporains, n’oublions jamais que « cette faiblesse de Dieu est toujours plus forte que la force des hommes ». En recevant tantôt ce pain, ce Corps du Christ, nous acceptons de devenir « presque rien », de devenir un « petit morceau de pain » comme chemin d’évangélisation.
Paraphrasant Marie de la trinité, je nous dis : consentons à n’être rien et nous deviendrons pain de vie, eucharistie pour notre monde.
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