Année B: mardi 28e semaine ORDINAIRE (Litbo28m.12)
Mtt 25, 31-40 : sainte Marguerite d'Youville, une nourrice de Dieu
Ce ne sont pas ceux qui parlent beaucoup de Dieu, ni les contenus de la foi qui dérangent. Ce qui marque aujourd'hui notre entourage, ce qui le séduit, ce sont plutôt nos manières de croire, d'être des évangiles vivants. D'être des fous de Dieu. Le langage le plus puissant pour dire Dieu, c'est celui de lui prêter notre visage, notre bonté, notre sourire. C'est ce qu'à fait Marguerite d'Youville. C'est ce qu'ont faits les moines de Tibhirine.
Veuve, après une brève union houleuse, et riche des dettes de son ex dirions-nous aujourd'hui, cette femme d'ici saisie par le Christ (Phil 3) a réenchanté son existence en mettant sa pauvreté au service des plus pauvres qu'elle. Ma pauvreté,dit-elle, est extrême, Seigneur. Des biens de ce monde, je n’en dispose pas, mais je me donnerais moi-même; mon temps, mon travail. Pour elle, la Providence est admirable, elle a des ressorts incompréhensibles pour le soulagement des pauvres. Toute sa vie, elle a puisé dans les coffres insondables de la Providence. Elle fut signe de contradiction (cf. Lc. 4, 28s). Avec rien, elle a ennobli la vie des autres.
Cette femme d'ici est passée par la mort à ses besoins, à elle-même. Elle fut pleine de Dieu. Elle a prouvé ainsi qu'elle avait grande foi en Dieu. Jacques disait tantôt que ce n'est pas assez d'aimer, il faut le prouver. Si quelqu'un prétends avoir la foi et n'agit pas. Elle appartient à la génération des hommes et des femmes qui ont fondé et développé l'Église au Canada, disait Benoît XVI dans son homélie durant le congrès eucharistique de Montréal.
Autour de nous, dans notre société de consommation et d’abondance, il y a encore beaucoup de souffrances, d’inégalités, beaucoup de mains tendues. Alors que dans notre société sécularisée libérée des carcans conceptuels, refusant d'être figée dans des mots d'une autre culture, la réalité Dieu semble décroître, le paradoxe est que Dieu est plus présent que jamais dans la figure incontournable de l'étranger, de l'autre, comme Matthieu vient de nous le rappeler. Le visage de Dieu est partout.
Chaque fois, et c'est le sens profond de l'évangile que nous venons d'entendre, j'avais faim, j'avais soif, j'étais malade, que nous quittons le souci de nous-mêmes pour le souci d'un autre, non seulement nous servons Dieu, mais nous permettons à Dieu de se nourrir de notre bonté, de notre compassion. Étonnant ! Saint Macaire au IVe siècle disait avec audace que la nourriture, la boisson, le vêtement, le toit, le repos de Dieu sont dans notre cœur. C'est pour cela qu'il frappe sans cesse, qu'il frappe fort à travers ces itinérants, ces réfugiés, tous ces « indignés» de notre mondialisation parce qu'Il veut entrer chez nous.
Dans ce lien charnel avec le corps des blessés, d'enfants délaissés, Marguerite d'Youville non seulement y voyait le corps du Christ qui était son eucharistie quotidienne, mais elle empêchait Dieu de mourir de faim en lui permettant d'entrer chez elle et en étant sa nourriture quotidienne.
Aujourd'hui en faisant mémoire de ce «souvenir dangereux» tant nous découvrons en elle l'agir de Dieu dans notre histoire, nous sommes appelés à sa suite, à prêter à Dieu notre bonté, notre amitié, toutes ces choses qui atteignent le cœur des humains. Souvenir dangereux que cette fête parce nous découvrons en regardant la vie donnée de cette femme que le service de l'autre exige de nous une vie livrée en gratuité, en totalité et en confiance en la Providence. Fête dangereuse parce qu'une femme pauvre, démunie de tout, a préparé à Dieu une terre plus juste qu'il aime retrouver. Elle ne fut pas seule à agir ainsi. Songeons à Mère Gamelin, Mère Marie-Rose dont nous avons fait mémoire ces derniers jours.
À votre contemplation : si nous voulons être heureux, rendons, comme Marguerite d'Youville, les autres heureux. Plus nous devenons humains, plus nous écoutons le cri des affamés, plus nous devenons de meilleurs croyants en acte. Plus nous cessons de dire je vais prier pour toi sans rien faire pour eux (cf. Jc 2, 14-18). Simple ! C'est dans l'acte même de donner que nous trouvons la Vie. Que nous montrons notre foi. Une eucharistie pour entendre résonner en nous ces mots de Jésus : quand vous aidez, c'est moi que vous rendez heureux. C'est moi que vous nourrissez. C'est moi que vous hébergez. Mystère d'alliance. AMEN.
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