Année A : Dimanche de la 30e semaine ORDINAIRE (LITAO30D.11)
Mtt 22, 34-40 : retrouver l'émerveillement d'aimer
L'émerveillement peut mourir. Sa mort commence quand devant cette page trop souvent citée, tellement connue qu'elle est méconnue, nous avons peine à entrer dans les très beaux mots de Pascal, dans l'infiniment infini de son mystère. Cette page est plein de sens. Il y a du sens à dire que cette page - aimer Dieu et son frère - a du sens seulement quand nous entrons dans son mystère. Trop souvent nous négligeons d’approfondir les mots de cette page. Nous nous contentons de savoir qu'ils existent.
Nous vivons ce mystère au quotidien : nous sommes des aimés de Dieu. Et quand ce mystère disparait, quand ce sens à donner à notre quotidien disparait, c'est la mort de l'émerveillement. Toute la beauté de la vie, de notre vocation chrétienne est offerte ce matin à notre contemplation. Tu aimeras Dieu et ton frère.
Une merveilleuse petite histoire juive peut nous aider à mieux comprendre le message de Jésus. Un vieux rabbin demandait à ses disciples comment ils pouvaient dire quand la nuit était finie et que le jour avait commencé. - Serait-ce, demanda l'un des étudiants, quand on peut voir un animal au loin et distinguer si c'est un mouton ou un chien ? - Non ! répondit le rabbin. - Serait-ce lorsqu'on peut distinguer un fil noir d'un fil blanc, proposa un autre. - Pas davantage, rétorqua le rabbin. - Alors, quand est-ce, demandaient les élèves ? - C'est quand vous pouvez voir le visage de n'importe quel homme ou femme et distinguer que c'est votre frère ou votre sœur. Car si vous ne pouvez voir cela, c'est encore la nuit dans votre cœur !
Cette page-commandement n'est pas seulement belle, elle est utile. C'est elle qui nous fait vivre. C'est elle qui nous donne la force de vivre. C'est elle qui est notre raison de vivre. Rien n'est plus urgent que de nous émerveiller devant cet appel, cet unique commandement. La vie très concrète que nous vivons ouvre sur cette stupéfiante beauté : Dieu nous invite à vivre à la mode de Dieu. Y-a-t-il plus beau que cela ?
Notre émerveillement devant ce commandement est aussi résistance à la haine entre peuples dont nous sommes témoins chaque jour. Nous sommes devant un double miracle : celui d'un Dieu qui se dévoile dans toute sa nudité et celui de l'humain transformé en mode divin de vivre. Étonnant ! Merveille devant nos yeux !
Cette page parle de Dieu. Elle parle aussi de nous. Elle parle de la rencontre de Dieu et de l'humanité. N'aimer que Dieu est non sens. N'aimer que l'humain est non sens. Nous sommes faits images de Dieu qui s'est fait à notre image. Au lieu de vivre entre nous en nous détruisant, nous sommes invités à vivre en sauvé, à vivre entre nous à la mode de Dieu.
Nous ne vivrons jamais assez vieux pour signer de nos vies la grandeur, la profondeur, l'intensité de ce miracle. Dieu nous aime. Notre réponse la plus urgente est de garder devant cette page, le fil de la merveille. Prendre cette porte de l'émerveillement est un chemin qui dure toute notre vie. C'est le plus beau chemin d'évangélisation. Paraphrasant saint Augustin que vient de citer de Benoît XVI dans sa lettre annonçant l'année de la foi, c'est en croyant en cette page que nous devenons croyants. C'est en la pratiquant que nous devenons chrétiens.
Saintetés, aimer comme l'exprime Jésus ce matin, aimer comme Jésus n'est pas un sentiment spontané, mais un miracle, un labeur, nous dit saint Paul, un miracle de tous les jours. C'est pour cela que nous avons à le demander au Seigneur chaque jour dans la prière : Seigneur donne-moi d'aimer comme tu aimes.
À votre contemplation : je vous laisse ce mot merveilleux qu'écrivait sœur Emmanuelle dans son Testament, mot miracle d'une vie donnée comme la sienne : Amis ! J'ai cent ans et je voudrais vous dire : c'est passionnant de vivre en aimant ! AMEN.
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