Année C : Vendredi 2e semaine du Carême (litcc02v.10)
Mt 21, 33-43-45-46 : Voici l’héritier tuons-le.
Ce soir en lisant cette page quelque chose prend feu en nous. Elle attise en nous le feu de l’indignation devant ce désir d’appropriation des biens d’un autre. Nous sommes choqués de voir des humains (des vignerons) tellement aveuglés par le profit qu’ils voient dans l’héritier une menace à leur projet de s’approprier les fruits de la vigne. Nous sommes choqués de voir dans la 1e lecture le comportement jaloux des frères de Joseph.
Ce détournement de pouvoir des vignerons, nous le saisissons, est d’une brûlante actualité non seulement sur la scène mondiale, mais dans nos familles, nos communautés, notre Église et par-dessus tout dans notre propre cœur. Qui se trouve content de son petit pain? Nous aussi nous vivons plus ou moins cette soif de l’avoir et du pouvoir qui nous conduit à une logique de violence et de comportements étranges.
Mais un regard contemplatif nous fait pénétrer que nous sommes en présence d’un Dieu qui accepte d’être refusé; en présence de l’échec de Dieu à nous montrer, à attiser en nous la beauté d’une vie de désappropriation. D’une vie qui ne s’appartient plus. Dieu ne comprend pas notre désir de tout nous approprier parce que Lui, Dieu, n’en n’a pas l’expérience. Pour utiliser une expression populaire, nous sommes en présence d’un Dieu «innocent» parce qu’il ne comprend pas que depuis des siècles, son message de bonté, de miséricorde ne passe pas. Il ne cesse de se heurter à notre incompréhension de sa bonté, à notre refus de lui laisser de l’espace dans nos cœurs encombrés des choses d’en-bas.
Ce regard là d’un Dieu qui ne possède rien, qui n’a aucun pouvoir sur nous, regard mystique, c’est celui que notre foi nous fera voir dans ces jours qui nous conduiront à Pâques. Nous sommes en présence d’un Dieu dont la révolte contre lui ne l’arrête pas à tenir parole. Dieu tient parole. Dieu comprend que nous ne puissions pas comprendre une conduite si étrange (Ez18, 25) qu’est la sienne. Devant nos comportements, ce serait dit Saint Isaac le Syrien (7e siècle) blasphématoire de prétendre que Dieu nourrit haine et ressentiment contre nous. Dieu ne comprend pas que nous puissions nous donner sa conduite étrange jusqu’à refuser de choisir la vie et le bonheur (Dt 30, 15).
Questions : sommes-nous en présence de l’échec de Dieu dans cette parabole ou de nos échecs à le reconnaître?
Pourquoi avons-nous tant de mal à concilier en nous ce qui semble si naturel pour Jésus Lui-même? Pourquoi sommes-nous incapables d’une vie donnée, livrée comme Lui, à son Père et aux humains ? Ce que nous montre cette parabole, ce sont nos incapacités à sortir du cercle vicieux de nos «moi», de nos incapacités à nous oublier. En ramenant tout à nous-mêmes, nous nous détruisons nous-mêmes. Nous fermons la porte à Dieu et aux autres. Cette manière de vivre de Jésus qui vient vers nous, est la porte royale qui nous ouvre nos coeurs sur un trésor : celui d’une vie transfigurée en Lui.
Mais cet héritier rejeté, cette pierre que les bâtisseurs ont rejetée, devenue pierre d’angle (Ps117(118) v.22) nous assure –et c’est bienfaisant d’entendre cela- que sa mise à mort par nos comportements étranges ne contribuera en rien à le tuer, à détruire son amour pour nous. La vigne ne sera pas détruite parce que le fils, l’héritier a été rejeté. Elle sera remise à d’autres vignerons, qui lui en livreront les fruits en leur temps (Mt21, 41). Ce qui semble être une défaite de Dieu marque le début d’une victoire inouïe.
À votre contemplation : Entrons dans ces mots que je prononcerai tantôt dans la préface et qui ramassent tout le mystère de ce fils héritier rejeté : bien loin de te résigner à nos ruptures d’Alliance, Tu as noué entre l’humanité et Toi, par ton Fils Jésus… Et la 4e prière eucharistique dit : un lien nouveau, si fort que rien ne pourra le défaire. Tu as multiplié les alliances avec les hommes et tu les as formés, par les prophètes, dans l’espérance du salut. Oui Dieu nous a aimés et il a envoyé son Fils qui est la victime offerte pour nos péchés. (Antienne de Communion) Amen.
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