Année A : Dimanche 16e semaine ordinaire (litao16d.08)
Matthieu 13, 24-43- Ivraie au milieu du champ
Tout est question de regard ! Tout est question de patience ! Tel est bien ce qui se dégage d’une écoute attentive de cette parabole de Jésus. Question de regard : Les serviteurs ne voient que l’ivraie ; le Maître ne voit que le blé. Les serviteurs ne voient que le mauvais ; le Maître refuse de risquer d’arracher le bon blé. Les serviteurs ne voient que l’échec de leur travail d’ensemencement ; le Maître sans nier que sa terre est infectée d’ivraie, préfère croire que son blé est d’une telle qualité qu’il poursuivra sa croissance.
Question de patience : les serviteurs sont impatients d’en finir avec l’ivraie ; le Maître lui, affiche une assurance désarmante. Il sait Lui, la qualité de son grain de blé. Alors que l’impatience des serviteurs risque d’écraser le « roseau fragilisé », d’éteindre « la mèche qui brûle encore », le Maître refuse cette logique expéditive, ces regards et jugements sans appel qui veulent régler en quelques minutes tous les problèmes.
Que veut nous faire comprendre Jésus ? À travers ces images de la vie quotidienne, ces images toujours actuelles du bon et du mauvais, de force et de faiblesse, de la patience légendaire de Dieu et de notre impatience à vouloir que tout se règle toute de suite, Jésus veut nous faire saisir qu’il faut du temps, beaucoup de temps, pour pouvoir distinguer le bon grain de l’ivraie, qui pousse ensemble. Il faut du temps pour que le minuscule grain de sénevé finisse par donner un abri aux oiseaux du ciel. Le boulanger trop pressé risque de ne sortir de son four que de tristes galettes, lourdes et indigestes. Jésus veut nous faire saisir le Royaume se laisse mal appréhender par des jugements rapides et définitifs. Dieu prend son temps, parce que nous avons besoin de temps.
Cette patience de Dieu, il faut être fort pour être patient, « ta domination sur toute chose te rend patient envers toute chose » cette patience de l’homme juste, dont la première lecture faisait l’éloge, cadrent mal avec notre civilisation de l’immédiat, du tout, tout de suite. Que nous le voulions ou non, nous sommes nous aussi infectés par cette frénésie de paroles expéditives, de jugements sans appel. À nous écouter parler, nous pouvons régler en quelques minutes tous les problèmes du moment. Derrière cette tentation de l’efficacité à tout prix, derrière notre malaise devant les lenteurs de notre Église à affronter la désespérance criante autour de nous, il y a un refus presque inconscient de la logique du Royaume : celle du grain qui pousse, de la pâte qui a besoin de temps pour lever. Nous sommes devant deux regards : l’un divin et l’autre humain. Dieu fait sien ce proverbe chinois : « si tu es pressé, prend ton temps, tu n’as aucune minute à perdre ».
Imaginer s’il avait fallu qu’on nous coupe trop vite ? Nous ne serions même pas au stage d’apprentissage d’une vie de sainteté. Imaginer s’il avait fallu éliminer trop vite le fougueux Paul dont le « zèle » antichrétien « surpassait bien des compatriotes de son âge » comme lui-même l’écrit aux Galates (1, 13-14), comment aurait-il pu devenir « un instrument de choix » « vase d’élection pour porter mon nom devant les nations païennes » ? (AA 9, 15) Comment aurait-il pu écrire aux Romains (1re lecture 8, 26-27) « que l’Esprit saint vient au secours de notre faiblesse, que l’Esprit saint intervient pour nous par des cris inexprimables » ? Comment aurait-il pu « voir Jésus notre Seigneur » comme il l’écrit aux Corinthiens (1 Co9,1), lui qui a vécu quelque 30 ans après la mort de Jésus ? Comment aurait-il pu devenir un héraut de la foi au Christ, un géant de la pensée chrétienne, un maître spirituel pour notre temps ou encore le plus grand des mystiques de tous les temps ? C’est d’expérience qu’il affirme que sa faiblesse – l’évangile disait l’ivraie –a attiré Dieu jusqu’à le transformer en évangélisateur de l’Évangile. « Moi, l’avorton, Dieu m’a choisi pour que les païens entendent de ma bouche la parole de la bonne nouvelle et embrassent la foi» (AA15, 7)
Cette parabole nous apprend que cette patience de Dieu, cette infinie patience de Dieu n’est pas un encouragement à la paresse. Elle nous apprend à regarder qu’aussi bas que nous soyons tombés- Paul en est un exemple- nous pouvons nous relever. Cette parabole nous apprend que ce qui se voit, se perçoit, se ressent comme de l’ivraie en nous ne sera jamais le dernier mot de notre existence. Si nous dit encore Paul « on est semé dans la faiblesse, on ressuscite dans la force ». (1Cor15, 43)
En nous offrant son Pain, Jésus nous redit qu’il a faim de manger nos faiblesses. En Le recevant, nous confirmons notre désir de nous laisser transformer pour « comme l’argile dans la main du potier », devenir des « vases d’argile » où Dieu puisse y déposer le Trésor de son Pain. AMEN
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