Année A : Dimanche 15e semaine ordinaire (litao15d.08)
Mtt 13, 1-13 la moisson
Quand nous parcourons les routes de cette région qui nous accueille pour un temps de repos, nous n’en finissons plus de contempler l’immensité de ces terres fertiles qui laissent voir que la semence jetée en terre au printemps dernier, commence à porter des fruits juteux. Nos yeux débordent de ravissement devant la beauté des champs. Nous anticipons le jour où nous nous rassasierons de tous ces légumes et fruits frais de nos champs.
Malgré cette vision de la beauté de nos terres- ici et ailleurs –et même si la réalité des terres fertiles sont plus abondante que les terres rocailleuses, nos regards comme nos conversations quotidiennes sont hypnotisés par la lunette que nous offre nos mass média. Nos regards semblent s’arrêter sur ce que Paul mentionnait dans sa lettre aux Romains : la désolation du temps présent. Nos yeux ne semblent percevoir que dégradation, que des cœurs rocailleux, des comportements non complètement libérés de l’esclavage de l’humainerie, de la mesquinerie qui nous est spontanée. Nous avons des yeux experts pour observer ce qui se dégrade, ce qui est comportement déshumanisé, mais nous percevons que très peu - et cela affecte notre moral- le grain qui grandit, en silence, dans le cœur de tant d’êtres humains. C’est le sens profond de cette parabole. Il y a deux sortes de terre : celle de Dieu en nous et celle de l’hommerie qui pousse au travers de la terre de Dieu. Dieu a mis en nous, a planté en nous, une vigne, un jardin noble et bienfaisant puis comme l’exprime une autre parabole,l est parti en voyage nous confiant la tâche de la faire fructifier.
Cette parabole n’est pas une invitation à tomber dans la naïveté. Nous aussi nous souffrons dans notre propre terre intérieure, dans nos cœurs, de ce que Paul nous rappelle dans la seconde lecture « la création tout entière crie sa souffrance, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore ». Nous aussi dans notre terre intérieure, ne sommes pas encore parfaitement libérés de nos « nous-mêmes ». Nous aussi vivons collés à nos désirs de vengeance, de la haine. Mais ajoute ce fougueux Paul dont nous faisons mémoire toute spéciale cette année - il nous faut « commencer par recevoir le Saint Esprit ». Ce que cette parabole du semeur nous offre : c’est de nous libérer de nos regards trop défaitistes. Il faut oser – c’est une urgence de foi, une mission qui est à notre portée quotidienne -poser un regard à la fois lucide, mais aussi plein d’espérance sur ce qui nous entoure.
Tel est bien, d’ailleurs, l’enseignement de Jésus, dans la seconde partie de l’Evangile que nous venons d’entendre. Jésus s’étonne de notre aveuglement : « Vous aurez beau regarder, vous ne voyez pas ». Jésus reproche de regarder sans regarder, de regarder sans rien voir, d’écouter sans rien écouter ni rien comprendre. Nous sommes tellement obnubilés et abattus par le mal, les laideurs humaines que nous voyons partout qu’il semble que nous sombrons dans l’insouciance -on ne s’en fait plus- ou bien que nous oublions qu’il existe un autre regard qui ouvre sur un avenir à notre avenir.
Regarder et écouter, comme Jésus nous y invite aujourd’hui, cela signifie d’abord ne plus nous laisser prendre au piège des prophètes de malheur, ou de l’hédonisme béat et l’égoïsme de ce monde. Dieu a semé le bon grain, il pousse silencieusement en nous et dans les autres. Mais les pierres et les ronces sont aussi bien réelles. Si nous ne percevons pas la beauté de ce qui se lève, si nos conversations ne dégagent que déprimes et défaitismes, alors nos vies risquent de devenir stériles et inutiles. Ce bon grain, nous risquons, à tout moment, de ne pas le voir lever.
À votre contemplation, Dieu fait grandir le grain. Et dans ce grain est présent tout l’avenir. Tout notre avenir. Il faut entendre avec ravissement, nous appliquer ce qu’écrivait le prophète Isaïe dans la 1ière lecture « la pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondé, l’avoir fait germer ». Le texte ajoute : « La parole qui sort de cette parabole ne me reviendra pas sans résultat ». En semant en nous sa Parole, Dieu vit que cela était bon. Ce regard-là n’a pas changé. Nous ne pouvons certes pas toujours voir que du beau. Il y a de l’ivraie. Mais nous pouvons développer en nous ce regard de beauté de Dieu sur nous. Ce regard de beauté sur les autres. « Si nous n’avions pas fait observer le mystique Tauler ce regard de beauté, notre être tout entier ne vaudrait rien. Nous serions comparables aux animaux ». C’est la sainteté de nos regards qui changera le monde. Projetons sur ce pain un regard de beauté et entendons Jésus nous dire : Ceci est mon corps jeté en terre pour vous. Prenez-le et vous vivrez d’une vie nouvelle. Projetons sur ce pain un regard d’émerveillement, un regard qui fait exister, un regard qui nous fait vivre et nous rend meilleurs. Celui qui mange de ce pain qui en saisit et en comprend son mystère, celui-là porte beaucoup de fruits. AMEN
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