Année A: Lundi 11e semaine ORDINAIRE (LITAO11L.11)
Matthieu 5, 38-42 : trop beau pour être vrai
Pour créer le monde, pour nous créer, il a suffi à Dieu d'une parole... et nous fûmes. Pour nous recréer, le Père nous a donné son Fils. Il est venu vivre et se comporter à notre endroit d'une manière neuve, inédite. Cette manière nouvelle de vivre, cette loi nouvelle, celle qui ouvre sur une manière « inédite» d'être humain, nous décentre de nous-mêmes, de nos appétits voraces de volupté de toute sorte. Elle nous ouvre à l'existence de l'autre.
Cette manière «nouvelle» d'être humain n'a pas d'énergie en elle-même. Elle a besoin de l'énergie de ceux et celles qui veulent, sous l'impulsion de l'Esprit, créer du neuf, bâtir une terre, comme l'exprimaient les astronautes de l'espace, sans frontière, sans conflits. Mais, précisaient-ils, ils percevaient très bien de leur observatoire que cette terre se déployait dans un environnement très fragile.
Pour saisir toute la nouveauté de l'agir de Jésus, pour ne pas contristez, comme dit saint Paul, le saint Esprit de Dieu, il faut enlever de nos cœurs l'amertume, la colère (Ep 4, 30-31). Cela exige de prendre le temps de nous asseoir à ses côtés, de le regarder vivre, de l'écouter en silence. C'est lorsque nous quittons le terrain du bruit, de nos bruits intérieurs, de nos cinémas intérieurs et que nous laissons le silence abattre en nous tout ce qui est superflu, c'est alors que nous apparaît toute la fraicheur de la nouveauté de cette manière toute simple, mais combien enrichissante de vivre entre nous.
C'est ce chemin qu'avec audace et dans le sillon de leur manière de vivre que récemment les moines de l'abbaye de Lérins située sur une ile pas très loin du festival de Cannes, lancèrent aux festivaliers de Cannes. Ils les invitaient parallèlement au festival de Cannes, à un grand festival du silence pour rendre présent un monde chrétien très absent, une parole absente et même de plus en plus (Dom Vladimir Gaudrat). Le déclic fut le succès du film promu l'an dernier à ce même festival, Des dieux et des hommes. Les moines avaient observé que cette question [de Dieu] passe mieux qu'il y a dix ans, et qu'elle est mieux admise par le public du Festival. Les participants y découvrirent un monde d'une richesse insoupçonnée, leur monde intérieur. Au terme de cette journée, une participante cinéaste Nanni Moretti déclarait : Il est triste de ne pas croire. Il n’a jamais été dans mon intention d’être contre ceux qui sont ancrés dans la foi (Journal La Croix, 19 mai 2011).
Alors que nous vivons le drame de la première communauté chrétienne qui voyait leur entourage hostile de les voir se ressembler au nom du Seigneur (Ac 4,26), cette page est chemin d'évangélisation. Elle apporte un élément de fraicheur, ouvre un oasis de paix. Il nous faut, exprimait Paul tantôt, nous présenter comme de vrais ministres [chrétiens] par notre vie entière. Il énumère par la suite ce que cela signifie: on nous croit mourants, et nous sommes bien vivants. On nous punit sans nous faire mourir. Des paroles d'une grande actualité! On croit notre foi mourante, mais elle est bien vivante. Mais nous savons aussi que nous sommes complices d'une manière non humaine de vivre. Un regard, une parole peut détruire des vies.
Saintetés, aux sources de toute vie aux comportements nouveaux se trouve la Parole de Dieu qui a le pouvoir de nous rendre capable de ne pas riposter, de ne pas gifler ceux qui nous giflent jusqu'à faire deux milles pas avec celui qui nous en demande mille (Mt 5, 42). Il s'agit ici de beaucoup plus que le sentiment de faire le bien ou celui de mal nous comporter. Augustin nous avertit: il n'est pas suffisant à celui à qui est confié l'Évangile -c'est chacun d'entre nous- d'en vivre extérieurement pour s'en glorifier-je fais tout cela depuis mon enfance- encore faut-il qu'elle nous transforme jusque dans nos profondeurs. Celui qui est passé en faisant le bien, nous demande maintenant d'être Lui, d'agir comme Lui. AMEN.
Ajouter un commentaire