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2011-A-Mc 12, 1-12- Lundi 9e semaine ordinaire - une «blessabilité» à fleur de peau.

Année A: Lundi de la 9e semaine ORDINAIRE (litao09l.11)
Mc 12, 1-12 :  une «blessabilité» à fleur de peau.
                                                                                                        
Aucune page de l'Évangile ne décrit aussi bien la fragilité de Dieu que cette parabole de la vigne. Aucune page, non plus, ne présente avec autant de clarté que la première guérison dont nous avons besoin, nous humains, est celle de notre perception de Dieu. Notre Dieu n'est pas tout-puissant. Il n'a aucun pouvoir sur nous. Et nous, humains,  sommes de sa race (Ac 19, 16).  À son image (Gn).
 
Ce matin, deux fragilités s'affrontent. Celle de Dieu qui s'en remet entre nos mains - qui donc est Dieu pour se livrer perdant aux mains des hommes ? - et la nôtre qui nous insécurise tellement que nous développons la dictature des faibles (Nietzche), celle d'écraser les autres.Cette «mauvaise fragilité» nous fut présentée dans l'évangile du 7e dimanche ordinaire: cessez de vous soucier de toujours être en état de manque, de toujours désirer plus. Regardez les oiseaux du ciel.

Nous sommes en présence d'un maître, d'un Dieu qui ne revendique aucune autorité sur sa vigne, qui accepte même d'être rejeté. Qui ne se formalise pas de son échec à nous montrer, à attiser en nous la beauté d'une vie de désappropriation. D'une vie qui ne s'appartient plus.

Pour utiliser une expression populaire, nous sommes en présence d'un Dieu tellement «innocent» qu'il envoie innocemment son Fils parce qu'il ne comprend pas pourquoi son message de compassion pour sa vigne ne passe pas. Il ne comprend pas pourquoi nous, humains, désirons tellement tout nous approprier parce que lui est totale désappropriation. Un humoriste français, Michel Audiard, a inventé une béatitude qui me parait l'une des plus belles confirmations de cette parabole: bienheureux les fêlés car ils laisseront passer la lumière.

Devant nos yeux, et cela nous sera confirmé à chaque jour de ce carême qui vient, voici un Dieu fêlé, fragile mais non vulnérable. Il y a des personnes qui ont la «blessabilité» à fleur de peau. D'un Dieu, ne cesse de répéter Maurice Zundel, qui n'est rien parce qu'il n'a rien. D'un Dieu qui laisse passer la lumière de son immense miséricorde pour sa Vigne. D'un Dieu qui n'est pas en guerre contre nous. Contre sa Vigne.

Nous voyons aussi des vignerons qui ne veulent pas «s'amouracher» d'être à l'image de ce Dieu. Ils ne veulent pas apprendre de Dieu qui ils sont. Dans les Archives nationales des États Unis, on nous rapporte une conversation qui s’est tenue il y a plus de 150 ans, entre un officier du gouvernement américain et le chef d’une puissante tribu amérindienne (nez percés) : Pourquoi ne voulez-vous pas d’écoles? demanda l’officier. On nous y apprendra à avoir des églises. Pourquoi ne voulez pas avoir d’églises? On nous y apprendra à nous quereller à propos de Dieu. Et le chef ajouta: Nous ne voulons pas apprendre cela. Nous pouvons bien nous quereller parfois avec les hommes au sujet de réalités de la terre; mais nous ne voulons pas nous quereller au sujet de Dieu; nous ne voulons pas apprendre cela (Tiré de: Dee Brown's "Bury my Heart at Wounded Knee", pp. 300-302).

Quelle belle manière pour dire autrement les textes de la liturgie d’aujourd’hui! Nous ne voulons pas apprendre cela. Nous ne voulons pas apprendre que notre histoire sainte - et cela remonte à nos origines - est une histoire de confrontation entre un Dieu fragile et notre désir humain de tout écraser pour être semblable à lui.  Quelle pauvre vision de Dieu! Dieu ne veut pas, ni ne cherche à  être le plus fort, le plus fin.  Il est lui-même.Ce matin, il n’est aucunement question de valoriser la fragilité de Dieu afin de le maintenir dans un état d'oppression (Jacques Arènes, DDD 1999, Accueillir la faiblesse, p.117). Cette parabole, cette parole de vérité sur nous, ouvre nos yeux de priants sur la confiance inattaquable de Dieu en nous. Il persiste et signe en donnant la vigne à d'autres. Cette page nous renvoie une image, une vérité sur nous-mêmes. Accepter cette image - de fêlé- c'est notre formule génétique - nous fait entrer dans l'accomplissement de ce que nous sommes.

Puisse l'eucharistie et ce temps du Carême nous aider à développer la béatitude des «fêlés» comme chemin d'évangélisation. AMEN.

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Date: 
Lundi, 1 août, 2011

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