Année C : Lundi de la 6e semaine ORDINAIRE (litco06l.10)
Mc8, 11-13 Jésus, un signe à voir
Pour vous ce matin, en cet avant-veille de notre entrée en carême, une réflexion toute simple, toute brève – est-ce possible me direz-vous ?
Reconnaissons-le l’Évangile à quelque chose de déroutant. Alors que la plupart d’entre nous serions empressés de confirmer par des signes, notre identité, Jésus lui, refuse d’en donner. Il soupçonne qu’il s’agit d’un piège qui sera éventuellement utilisé contre lui plutôt qu’une demande pour solidifier la foi des demandeurs.
Jésus refuse de donner le genre de signe que cette génération demande. Aucun signe ne peut parler si fort que sa personne. Aucune preuve ne peut être plus évidente que ses «œuvres» comme la multiplication des pains qui précède notre texte. Jésus ne donne pas de signe parce nous l’avons vu dans l’épisode du Temple, il réalise dans sa personne la Parole que nous venons d’entendre. Il est signe (Lc 4,21). Tout comme Jonas fut un signe pour les Ninivites, de même le Fils de l'homme le sera pour cette génération (Lc 11,30). Il n’en donne pas parce qu’un signe peut ne pas être signifiant, mais surtout pour nous faire découvrir peu à peu le mystère de sa Personne. Pour nous faire découvrir que le Royaume, c’est Lui.
En refusant de donner un signe, en refusant l’option facilité, Jésus provoque nos regards sur l’inédit : sa personne est le chemin pour apprendre à découvrir le visage de Dieu. Sa personne est cette porte étroite (Mt 7, 13) venue vers nous parce que nous ne pouvions pas aller vers Lui. Mais comme précise Augustin, parce que l’enflure de notre moi, ne permet pas d’y passer (par la porte) et de Le reconnaître, nous demandons des signes.
Nous voulons des signes parce que nous ne savons pas Le contempler ni comment percer l’homme nouveau qu’est Jésus, jailli du cœur du Père. Nous ne savons plus être frappé d’étonnement ni demeuré suspendu à ses lèvres. Nous voulons des signes plutôt que de découvrir sa beauté divine dans la rigueur de la lectio divina, de la méditation. Nous voulons des signes toujours plus puissants qui nous dispenseraient de Le chercher dans la prière, de Le découvrir dans la contemplation de sa Présence. Nous voulons des signes parce que nous ne savons pas voir qu’il y a autour de nous des signes qui nous montrent Jésus : ceux que nous donnent des hommes et des femmes qui essayent de vivre quotidiennement selon l’Evangile et qui acceptent que leur vie soit ainsi transformée.
Le paradoxe qui transpire tout au long de l’Évangile, c’est qu’en se faisant voir en son Fils, Dieu devient méconnaissable. En se faisant voir, il accroît notre incrédulité. Ce n’est pas croyable que le fils du charpentier soit Fils de Dieu. Question : et pour nous, Jésus est-il méconnaissable? Il sera toujours dangereux de reconnaître Jésus. Il est plus confortable de Le laisser à distance, Lui qui pourtant se veut proche de nous.
Saintetés, ce dont nous avons le plus besoin dans notre Église, en ce moment de notre histoire, ce sont des hommes et des femmes qui par une foi éclairée et vive, rendent Dieu crédible dans notre monde. Ce dont nous avons besoin, ce sont des chrétiens qui dans leur personne, sont des «béatitudes» incarnées. Des Évangiles vivants.
Ce que Jésus veut nous faire découvrir ce matin, c’est que tout signe qui ferait du bruit ne lui rendrait pas témoignage. Tout signe qui susciterait l’enthousiasme des foules ferait obstacle à la puissance de la discrétion que Jésus a choisie en se faisant l’un de nous. Jésus préfère convaincre non pas à force de signes, d’arguments d’autorité mais en touchant nos cœurs. C’est là, dans ce lieu secret qu’il vient maintenant nous faire signe dans ce pain et ce vin. AMEN
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