Année C : Dimanche 7ième semaine ordinaire (litco07d.07)
Luc 6, 27-38 : le Ciel sur la terre
Pour nous préparer au carême, un texte qui devrait nous faire du bien parce qu’il fait la promotion de ce que vous et moi, nous recherchons : vivre ensemble en harmonie. Un texte qui ouvre sur un comportement de sainteté. Pourtant cette page si désirée, est l’une des plus difficiles de l’Évangile. Difficile de vivre le Ciel sur la Terre. Et pourtant c’est de cela dont il s’agit. Mais comment est-ce possible ? Comment est-ce possible de nous faire du bien entre nous. De souhaiter du bien aux autres. Prier pour ceux qui nous en veulent. ? Pas évident. Nous sommes aux antipodes de l’attitude de David qui s’est refusé de tuer son rival alors qu’il l’avait dans sa main. Noble comportement que celui de David. Nous, nous empressons de tuer avant d’être tué. Résultat : des scènes d’horreur, la sauvagerie des tueries en Irak.
Les armes tuent. La parole aussi tue. Nos jugements, nos regards sont des armes de guerre qui nous utilisons à merveille. Nous nous tenons souvent à distance « de ce que vous voulez que les autres vous fassent ». Cette page nous pousse à nous remettre en question, à nous interroger sur « comment » nous traitons l’autre, notre voisin, notre partenaire de vie. Il est toujours plus facile de faire du bien à ceux qui sont au loin qu’à nos proches.
Pour vivre cette page, il faut d’abord parcourir un vrai chemin de libération intérieure. Saint Paul nous a dit tantôt qu’avant d’avoir des comportements dignes, « spirituels » qui confirment que nous venons du ciel, nous avons en priorité des comportements « pétris de la terre ». Aux Éphésiens, il précise ce que signifie d’avoir des comportements « pétris de la terre » : « faites disparaître de votre vie, tout ce qui est amertume, emportement, colère, éclats de voix, insultes, toute espèce de méchanceté. » Paul ne se contente pas de nous en limiter à ce programme, il ajoute « soyez entre vous pleins de tendresse. Cherchez à imiter Dieu (Eph 4, 30 -5,2)». « Le Seigneur est tendresse et pitié » (Ps 102) Nous donner des comportements de tendresse, de compassion, de miséricorde confirment que nous sommes nés « à l’image de celui qui vient du ciel » (2ième lect).
Quand nous sommes des bougonneux en permanence, quand le virus du « paraître » nous ronge, nos comportements rejoignent celui du « vieil homme », que, par des efforts constants, nous pouvons transformer en « créature nouvelle ». Mais ce travail est long et pénible. C’est le fruit de toute une vie. Il commence quand nous prenons du temps comme celui de venir ici chaque dimanche, non par habitude mais par besoin - pour laisser la Parole de Dieu nous habiter, nous déranger, nous « transformer en Lui » (Élisabeth de la Trinité). Souvent nous écoutons sans entendre. Trop souvent, la parole que nous entendons le dimanche ne nous dérange plus. Nous sommes des sourds et muets qui ont besoin de la grâce de Dieu pour rafraîchir sa Parole en nous.
Saints hommes, saintes femmes, cette page ne souffre pas d’accommodation raisonnable ni de circonstances atténuantes. L’autre n’est pas à enfermer dans l’image que j’ai de lui. Il appartient à Dieu seul de sonder les reins et les cœurs. Cette page ouvre sur le sacrement de l’existence de l’autre. Nous ne pouvons pas être chrétien tout seul. C’est ensemble que nous apprenons à développer les us et coutumes de Dieu qui n’est que don (Maurice Zundel).
Quel enchantement nous éprouverions si nous avions des regards de lumière pour mieux voir que l’autre n’est pas « l’enfer » (Sartre), mais le « ciel » (S. Bernard), le lieu, le sanctuaire où Dieu habite. « Il y a des gens qui peuvent parler de Dieu, qui savent tout de Dieu, qui ne cessent de disserter sur Dieu mais jamais ne vous donnent Dieu » (Zundel, je parlerai à ton cœur, Sigier. 1990, p 218), parce qu’ils ne le voient pas dans les autres . Paraphrasant la fin de l’Évangile, je nous dis : dans la mesure ou nous projetons sur les autres un regard de lumière dans cette même mesure nous serons vu comme des hommes ou des femmes de lumière » .Je fais mien ces mots de Matthieu « Allez apprendre ce que veut dire cette parole: c’est la miséricorde que je désire, non les sacrifices (Mt9, 13). »
Il nous faut apprendre à dépasser le « ne pas faire » mais accomplir. Dépasser le « ne pas être » des tueurs de l’autre mais être bon. Il faut passer de la peur de l’autre à l’hospitalité. Tous les conflits actuels proviennent d’une peur de l’autre. Cette peur, cette méfiance de l’autre qui s’infiltre partout, met en danger notre civilisation elle-même. Jésus a fait confiance. Il n’a condamné personne, ni Pierre, ni Judas, ni Marie Madeleine, ni l’aveugle-né. Bien au contraire plus on Le blessait, plus il faisait confiance. Il répondait aux rejets par un surcroît de confiance, de miséricorde. Cette page fait du chrétien des experts en communion, en collaboration mutuelle. Prise au sérieux, elle fera de notre terre, le Ciel sur la terre.
Oui, nous avons bien entendu ce que Jésus nous demande : vivre entre nous de la manière que Jésus a vécu avec nous. Être bon pour les autres, être plein de compassion, ne porter aucun jugement qui détruit l’autre : c’est du possible impossible. Cette page nous dit comment retrouver en nous l’image de Dieu, comment retrouver nos origines. Aucun accommodement raisonnable n’est possible à qui veut vivre l’Évangile.
À votre contemplation : si nous vivions intégralement cette page, notre terre redeviendrait un véritable paradis terrestre tant elle laisse voir nos origines. Paul nous a dit que nous venons du ciel. Si nous vivons cette page, notre terre deviendra une table, une vraie table eucharistique qui nous transformera en louange de sa gloire. Amen
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