Année c: Lundi de la 3e semaine du carême (litcc03l.13)
Luc 4, 24-30 : LA CONFIANCE EST LA BOUSSOLE DE TOUTE VIE
Comme elle est émouvante cette veuve de Sarepta, une païenne de surcroit. Sans qu'on puisse savoir pourquoi, son histoire de confiance, son histoire de foi, nous touche, nous interpelle. Elle a fait un pacte, une alliance avec le prophète. Elle, qui n'avait plus rien à perdre et dont la situation était sans issue, a fait confiance en donnant tout ce qu'elle avait pour vivre. Elle a fait tout ce que le prophète lui demandait et Dieu, par la voix du prophète, lui a octroyé du pain en abondance. Parce qu'elle a fait pénétrer la Parole de Dieu dans son coeur, cela a changé sa vie misérable en une vie d'abondance.
Quelle disproportion entre ce qu'elle offre à l'homme de Dieu et ce qu'elle reçoit par la suite ! Lorsque le tout donner, le tout quitter, l'emportez rien devient notre histoire quotidienne, se produit le miracle de la surabondance. À quoi peut bien servir de tout donner, tout quitter, de ne rien emporter si cela ne nous enrichit pas ? Pourquoi croire, faire confiance si cela n'apporte rien de neuf dans nos vies ? Saint Paul lui-même exprimait cela aux Corinthiens : c'est pour rien que vous êtes devenus croyants si vous ne gardez pas l'Évangile que je vous ai annoncé (1 Co 15, 1).
Si cette femme a tellement fasciné Jésus, c'est qu'elle nous offre en raccourci la manière de vivre de Jésus. Jésus a été accueilli par des étrangers à la foi - cette veuve, le général syrien, le publicain Matthieu, Zachée le voleur - alors que les siens ne l'ont pas reçu, dira saint Jean. Si les auditeurs de Jésus sont tous devenus furieux, c'est justement parce qu'ils ont très bien compris que l'attitude de Jésus remettait en question la tranquillité de leur vie de foi.
En citant cette veuve du temps des prophètes, ce général étranger, Jésus fait surgir en nous que Dieu demeurera toujours incompréhensible. Ineffable. Sa générosité ne s'arrête pas sur le seuil d'une religion. Dieu n'est jamais fatigué de donner, ni appauvri par sa générosité.
Sans que personne ne le soupçonne, cette femme, seule à lutter dans la vie, portait en elle le secret de son combat : la confiance, l'espérance que ça ira mieux demain. La confiance est la boussole de toute vie (François de Sales). Le découragement est la marque des anti-croyants. Pour le croyant, la tactique du découragement exhale une odeur repoussante (Gilbert de Hoyland). Cette femme a renoncé au découragement. Ne mettons pas la lumière sous le boisseau, nous dit Jésus (Mt 5,15).
Cette femme, et voilà une autre fascination que nous risquons au quotidien de ne pas voir, anticipe que toute personne peut devenir une lettre écrite de la main de Dieu. Nous pouvons aussi être évangélisé par des «étrangers», des personnes qui à première vue, n'ont rien de commun avec notre foi. Ces personnes, dans leurs attitudes de confiance, confirment combien elles sont éprises de Dieu. Frère Charles de Foucauld a découvert la prière à travers les Musulmans, disait le postulateur de sa cause de béatification.
Saintetés, n'est-ce pas là l'histoire de chacune de nos vies? Le Seigneur, un jour du temps, est venu mendier notre temps, notre peu de farine, de foi, d'assurance en nous-même. Il a frappé à notre porte pour nous demander de lui consacrer nos vies. En retour, il nous offre la surabondance. La contemplation de cette veuve comme de ce général syrien nous fait voir un Dieu impossible à cadrer ou à enfermer et, comme à Emmaüs, au moment où l'on pense connaître Dieu, il nous échappe.
À votre contemplation: aussi paradoxale que cela puisse paraître, notre société de consommation a créé dans les cœurs un immense vide, une immense faim qui appelle un changement de cap. Toutes les prises de paroles de Jésus orientent plutôt nos regards sur nos «riens» qu'il est venu combler. Le souviens-toi que tu es poussière est envahi par la plénitude de Dieu. L'échec devient chemin de résurrection. Une eucharistie qui nous sauve de ce que nous sommes dans notre être profond. À travers ce signe que nous risquons de ne plus voir tant il nous est quotidien, Dieu continue de nous révéler que nos «riens» nous permettent de goûter Dieu, sa générosité. Comme le général syrien à qui le prophète n'avait pas demandé quelque chose de très difficile - va de baigner sept fois dans le Jourdain - nous avons du mal à entendre cela. AMEN.
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