Année C : Dimanche 5e semaine ORDINAIRE (litco05d.13)
Luc 5, 1-11 Avançons au large... pour y semer une Parole nouvelle.
Qu'est-ce qui nous émerveille le plus dans ces textes, ce matin ? L'émerveillement est à la base de notre foi, de notre vie de prière. Il y a l'émerveillement de la réponse du prophète Isaïe qui à la question que se posait Dieu qui enverrai-je ? Qui sera mon messager ? Répond sans hésiter Moi, je serai ton messager: envoie-moi. Pourtant il se sentait démuni, (le texte dit perdu) au milieu d'un peuple aux lèvres impures. Il y a l'émerveillement de voir qu'une foule se pressait autour de Jésus pour l'écouter comme on le fait ici pour assister à un match inaugural du Canadien.
Il y a le double émerveillement de voir Pierre s'entendre demander par Jésus d'embarquer dans sa barque pour mieux s'adresser à la foule trop nombreuse puis «l'émerveillement-étonnement» de voir la surabondance de poissons alors qu'il n'avait rien pris de la nuit.
Mais il y a un autre émerveillement moins évident pour ceux qui entendent ce texte de Luc sans l'écouter, sans le prier- vous avez beau entendre mais vous ne comprenez pas (Mt 13, 14): Jésus s'était embarqué dans la barque de Simon. Il s'était invité dans la vie de Simon (la barque était sa vie) et voilà que ce même Simon laisse tout pour s'embarquer avec Jésus. Jésus s'est embarqué dans la barque de Simon et Simon s'est embarqué dans la barque de Jésus parce qu'il a vu la surabondance qu'il offrait.
Que s'est-il passé pour qu'il y ait un tel renversement de situation ? Simon a écouté Jésus. Il a écouté Jésus qui lui demandait de prendre du large pour qu'il s'adresse à la foule. Il a écouté Jésus qui lui demandait de tout quitter, de jeter les filets, d'abandonner son métier de pêcheur pour le suivre. Écouter, c'est une porte d'embarquement.
Et Simon qui deviendra Pierre, a entrepris une aventure, celle d'engendrer un projet d'une terre neuve, d'une terre humaine en surabondance de beauté. Et la construction de cette terre se poursuit encore de nos jours par chacun d'entre nous. Émerveillons-nous de voir des hommes et des femmes, des chrétiens réaliser que Jésus s'est embarqué dans la barque de leur vie et qu'ils répondent : Moi, je suis ton messager, envoi-moi.
Comme le prophète, comme Paul qui ne se sent pas digne d'être appelé apôtre parce qu'il a persécuté l'Église (1 Co 15, 9), nous aussi éprouvons nos limites devant une tâche si grande. Saint Augustin fait dire à Jésus, et cela devrait nous rassurer, nous revitaliser : donne moi cet homme [donne-moi ta vie]. Lorsque je l'aurai rempli [de ma présence], on verra clairement que c'est moi seul qui agis. Un autre grand priant, saint Cassien, exprimait que Dieu n'a pas besoin de nos forces mais de nos faiblesses. Le livre des Proverbes écrit quelque chose de très beau : de la communion de nos faiblesses nait une cité fortifié et puissante (Pr 18, 9). L'émerveillement des émerveillements, c'est de réaliser que malgré nos faiblesses qui sont des dons précieux plutôt que des problèmes, cet appel à jeter le filet de la Bonne Nouvelle se réalise aujourd'hui en vous et en moi.
Dans un livre récent sur comment Faire bouger l'Église catholique, l'auteur de 98 ans, le jésuite Joseph Moingt, affirme que cette mission [de faire bouger l'Église] incombe impérativement, en fin de compte, au laïcat engagé dans la vie et les affaires de ce monde (p.15). Dans la situation présente de notre société, massivement incroyante et détachée de la pratique religieuse et de l’Église,nous devons, ensemble, être prêts à nous expliquer devant tous ceux qui nous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en nous; faites-le avec douceur et respect (1 P 3, 15-16).
Ce dont notre monde a le plus besoin, c'est de voir se réaliser un projet de société que Jésus lui-même a suscité et qui l'a conduit à la mort. Projet de donner de la dignité à tous les humains. À tous ces «indignés» que l'on chasse des places publiques. Jésus n'a pas été le fondateur d'une nouvelle religion qui serait à coté de la vie. Il ne nous a laissé aucune morale à prôner. Il a constamment contesté ceux qui vivaient installés dans une pratique toute extérieure de la religion. Il a suscité une nouvelle manière de vivre: le sabbat est fait pour nous et non nous pour le sabbat. Ma question est simple: si nous ne jetons pas dans nos milieux la Parole, si nous n'ensemençons pas dans les coeurs une bonne nouvelle qui le fera ? Paraphrasant saint Jacques (2, 17), je nous dis: une foi qui ne jette pas les filets est une foi morte. AMEN.
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