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L'ESPÉRANCE, C'EST QUELQU'UN

1e CAUSERIE : L’ESPÉRANCE, C’EST QUELQU’UN


"L'espérance est un acte de foi."
(Marcel Proust)
Foi : vingt-quatre heures de doute...
mais une minute d'espérance."
(Georges Bernanos)

INTRODUCTION :

Il y a très longtemps, au début du 2e siècle, un Père du désert écrivait dans ce que l’on appelle des écrits apophtegmes : « le moine ¬ -mais c’est également vrai pour tout chrétien – doit être comme les chérubins : « tout œil ». Avoir les yeux ouverts. Le poète Blaise Pascal écrivait dans ses Pensées : « j’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, ne pas savoir voir ». Nous sommes faits pour voir. Le cri de Bartimée est souvent le nôtre : « Seigneur, faites que je vois (Mc 10, 51) ». Mais que voyons-nous?  Saint Jean nous offre une vérité de la palisse quand il dit que « les ténèbres nous aveuglent (1Jn 2, 11).»  À vivre avec comme seule vision ce que nous offre nos mass médias, nos yeux risquent d’être comme « des ossements desséchés (Is 6,45)».

Nous voyons plus souvent qu’autrement un monde en « agonie ». Beaucoup de « nuages (Lc12, 54-59)». Mais « les nuages », comme l’écrit le chansonnier québécois Luc Plamondon «  n’empêchent pas le soleil de briller ». Il serait facile de faire la liste de situations catastrophiques que nous observons dans notre monde, notre Église aussi. À lire les journaux, à écouter la radio ou les nouvelles, tout ce que nous voyons et entendons nous déprime.

Le siècle dernier - pour nous en tenir qu’à lui -, a été un siècle noir, un « siècle de martyrs (Jean-Paul 11)»  fait de guerres, de dictatures, de massacres : l'Arménie, l'Argentine, le Chili, le Cambodge, les Balkans, la Tchétchénie, le Rwanda.  Comme pour confirmer cela, plus de 485 martyrs de la guerre civile d’Espagne (1935-1940) furent béatifiés en octobre dernier. Pour inaugurer le XX1 e siècle, il y eut  le 11 septembre 2001, puis l’Afghanistan, le Proche-Orient, le Soudan, l’Irak.  Nous n’en finissons plus d’entendre et de voir se défiler détresses et tueries. Chez nous, des personnes voient surgir dans leur vie familiale, leur environnement, des situations de violence inimaginable, d’enlèvement d’enfant. Nous n’en finissons plus d’entendre que ça n’a plus de bon sens, que ça dépasse les bornes. 

Déjà en 1993, Tony Anatrella, psychanalyste et prêtre jésuite, affirmait que nous vivons dans une «société dépressive», marquée par des phénomènes de ruptures, de divorces, de guerres entre les religions. Vivre ensemble semble être impossible à l’heure du chacun-pour-soi.  Beaucoup de « nuages » (Lc12, 54-59) obscurcissent nos regards.

Devant les horreurs du monde, - Auschwitz,  11 septembre 2001 – Dieu est mis en accusation.  « Que fait Dieu quand la haine déchaîne la barbarie » (P. Bernard Rey, op).  Son silence confirme sa non-existence. Le cri des survivants d’Auschwitz retentit toujours : où étais-tu Dieu ?

Avec vous, ces situations m’inquiètent. Comme vous, je suis démuni. J’éprouve un sentiment d’impuissance. Mais il ne suffit pas de regarder ces lieux de la souffrance humaine, et de nous contenter d'être les touristes de la crucifixion du monde. Pour vous, je suis « tout œil » et non désespéré. Celui qui est « tout œil » voit aussi que ces lieux de calvaire font découvrir un nouveau monde d’espérance. Être chrétien, je le redis avec émotion, c’est « être tout œil  ». Nos yeux sont les fenêtres de notre foi. Ils trahissent notre capacité à regarder le monde à la manière de Dieu. « Nos yeux sont les fenêtres de l’âme » (George Rodenbach, écrivain belge).

  « Si l'on regarde superficiellement notre monde, on est frappé par bien des faits négatifs qui peuvent porter au pessimisme.  Dieu est en train de préparer pour le christianisme un grand printemps que l'on voit déjà poindre  (Redemptoris missio #86)». Le défi actuel des croyants est de nous donner un « regard qui sauve  (Madeleine Delbrel) » de la déprime. « Face à un panorama changeant et complexe, la vertu de l’espérance est mise à dure épreuve dans la communauté des croyants » déclarait Benoît XVI aux évêques mexicains en visite ad limina.

Nous connaissons la formule très citée de Charles Péguy : « La foi que j’aime, dit Dieu, c’est l’espérance…. Cette petite fille de rien du tout, qui fait marcher le monde ». Comme chrétiens, nous ne sommes pas immunisés contre le découragement. Mais en ces temps de perturbations, de «nuages» dans notre Église, nos familles, nous avons besoin d’être « tout œil », d’être « des veilleurs dans la nuit ».  

Nous avons une expertise pour voir ce qui se meure. Le temps de l’Avent nous laisse entendre que nous avons une autre expertise : « voici que je fais toutes choses nouvelles, ne l’apercevez-vous pas? » Il ne faudrait pas que l’agonie de ce qui se meurt nous rende à ce point aveugles que nous ne percevions pas ce qui naît et qui devrait nous donner confiance. L’espérance oxygène nous pouvons, ouvre sur un nouveau regard plus en profondeur de la réalité.  Le temps qui est le nôtre nous « provoque » à l’espérance. Nous avons besoin d’hommes et de femmes, de disciples qui ont des yeux ouverts sur les bourgeons de printemps.

Benoît XVI citait, lors de l’audience du 20 décembre 2006, saint Maxime de Turin, évêque du IV e -V e  siècle qui affirmait : « Le temps nous avertit que le Noël du Christ Seigneur est proche. Le monde, par ses inquiétudes mêmes, nous parle de l'imminence de quelque chose qui le renouvellera, et il désire avec une attente impatiente que la splendeur d'un soleil plus resplendissant illumine ses ténèbres... Cette attente de la création nous persuade nous aussi d'attendre la venue du Christ, nouveau Soleil ». L’actualité de notre monde nous fait espérer  un sauveur. Le réalisme n’impose pas de voir l’avenir uniquement sous les aspects les plus sombres. Mais la question du comment vivre notre vocation à l’espérance, dans un monde crucifié par la souffrance, la violence et la pauvreté, est à la fois plus difficile et plus nécessaire que jamais. La crise de l'espérance traverse toutes les parties du monde. Elle nous traverse aussi.

Devant ce temps « qui nous avertit que le Noël du Christ est proche »,  nous  avons l’obligation de « justifier notre espérance devant ceux qui en demandent des comptes (1 Pi 3, 15) ». « Être tout œil »  pour voir clairement ce qui est en train de naître. Pour réaliser que nous sommes dans ce temps dont parle Paul aux Galates : « Mais lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; il est né d'une femme, il a été sous la domination de la loi de Moïse pour racheter ceux qui étaient sous la domination de la Loi et pour faire de nous des fils (Ga 4, 4-5). »

POURQUOI ÊTRE CHRÉTIEN ?

Il y a quelques années, le Père Timothy Radcliffe, op. a écrit un volume de plus de quatre cents pages pour répondre à la question « Pourquoi être chrétien » (Cerf, 2005). Tout au long de son livre, il s’est demandé ce qui fait le « chrétien différent» capable d’inscrire quelque chose d’original à l’heure de l’inter culture religieuse. Sa réponse est sans ambiguïté : être des porteurs d’espérance. Onze chapitres portent sur l’espérance. «Notre foi, écrit-il, dit que Dieu est venu nous chercher et nous a trouvés. Dieu est déjà présent dans la vie de tous les êtres humains, même s'Il n'est pas reconnu». Dieu a eu « les yeux ouverts ». Il a eu des yeux très vifs sur notre désespérance. Il est venu nous sauver. Déjà au 1V e siècle, Augustin écrivait: « c’est uniquement l’espérance qui nous rend proprement chrétiens (La cité de Dieu) ». Il ne s’agit pas ici uniquement de l’espérance en la vie éternelle, mais de l’espérance humaine, celle qui nous permet de clamer « la grâce de l’attente » que ça ira mieux.  Seul celui qui attend, est capable d’être « tout œil » sur le temps présent. D’avoir les yeux ouverts, de savoir regarder ce qui est souffrant, même les horreurs les plus inhumaines, pour y voir-là le terrain de la naissance de Dieu.

« Heureux ceux qui suivent et qui savent où ils vont ! Heureux ceux dont le pas est pressé et qui voient le chemin conduisant au Royaume ! Mais heureux aussi ceux qui attendent, ceux qui appellent le Seigneur, ceux qui implorent la venue, ceux qui ne cessent de clamer : "Viens ! Viens ! Viens encore guérir, pardonner, consoler, sauver ! » Heureux celui dont le regard suit tous les regards du Seigneur sur le monde et, en même temps, ne peut détacher son regard du visage de son Seigneur ! » (Un moine de l’Église d’Orient)
Paul Claudel disait qu’ « il y a une chose plus triste à perdre que la vie, c'est la raison de vivre, plus triste que de perdre ses biens, c'est de perdre son espérance ».  Il faut sauver l’espérance de la mort parce que, dit le philosophe Guy Coq, «espérer,  c’est meilleur pour la vie ». 
  « Je décide d’espérer parce que c’est meilleur pour la vie. Et mon choix d’espérer engendre l’espérance et la fait croître…. Elle est tournée vers ce que je ne possède pas, vers ce que, peut-être, je ne posséderai jamais. L’adage qui dit il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre est faux. De l’espérance naît l’action. Sans espérance, je me prive des initiatives, des énergies qui font marcher... en quête du trésor à trouver. Le vrai bâton du pèlerin (disciple) est l’espérance ».
L'espérance est un acte de foi dans la vie. Personne ne peut vivre sans elle.
Avoir pour profession l’espérance, c’est refuser de nous enfermer dans la tragédie. C’est ce qu’affirme l’Apocalypse «  je vis un ciel nouveau (21,1), je vais créer des cieux nouveaux, une terre nouvelle. On ne se souviendra plus du passé (Isaïe 45, 17) ». Le baptême nous ordonne à l’espérance. « Voici venir des jours où j’accomplirai la promesse de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda (Jérémie 33, 14)». « Gardons sans fléchir la profession de l’espérance (he10, 23) ». Dans la prière pour la paix attribuée à saint François, nous lisons « là où est le désespoir que je sème l’espérance ». « Ne pas nous désoler comme ceux qui n’ont pas d’espérance (1 Th 4,13). »

Hilaire de Poitiers dans son commentaire du Psaume 118 demande : «Chrétien, où est ton espérance ? »  « Soyez prêts à répondre de votre espérance (1P3, 15) ». Cette responsabilité est notre plus belle mission, la responsabilité spécifique du croyant, mais aussi un véritable défi. L’espérance chrétienne subit présentement l’épreuve d’un environnement de noirceur. Mais ce chemin de l’espérance prend forme en nous quand nous faisons de notre cœur un oratoire dans lequel nous nous retirons de temps en temps pour nous entretenir avec « Celui qui vient nous sauver ». Si nous sommes fidèles à lui offrir notre cœur, Lui, sera fidèle à prendre les devants pour nourrir notre espérance.

Ce dont notre monde a besoin, ce dont les croyants qui ont pris une distance avec une certaine forme de pratique chrétienne ont besoin de voir, ce sont des chrétiens qui sont des signes d’espérance dans une Eglise qui vit un temps de Passion.  Déjà en 1965, Fernand Dumont observait que « ce qui manque au monde actuel, c’est l’espérance ». Au lieu de perdre notre temps à nous lamenter, nous pouvons opter pour une solution créatrice, innovatrice : « espérer contre toute espérance » en devenant « tout œil ». Un peu avant sa mort, le Père Tillard, op, dans un petit texte sommes-nous le dernier des croyants?, lançait ce cri aux chrétiens : « redonnez-nous des raisons d’espérer ».

Tous les textes de ce temps de l’Avent font ressortir que l’espérance, c’est ce qui nous tient en vie. « L’espérance veille ». Elle veille en nous. Nous sommes ici pour « sortir de notre sommeil ». Sortir du sommeil notre espérance.

QU’EST-CE QUE L’ESPERANCE ?

Elle n’est pas :
Disons tout de suite: l’espérance n’est pas quelque chose de reposant. Ce n’est pas une façon passive de perdre son temps ni d’avoir la tête dans le sable comme l’autruche. Autre chose qu’une voie d’évitement de la réalité. Autre chose que la résignation, que de nous asseoir et voir passer le train en attendant que ça aille mieux. Elle n’est pas une attitude à bon marché. Encore moins « une grâce à bon marché (Bonhoeffer) ». L’espérance n’est pas comme l’exprimait Nietzsche la « vertu des faibles » qui rend les chrétiens inutiles et étrangers au progrès du monde. C’est douloureux de regarder ce qui se passe. Il serait plus facile d’avoir un cœur de pierre.
L'histoire des cinquante dernières années démontre que nous recherchons un Sauveur à « bas prix ». Un salut « à bas prix » qui finit toujours par engendrer des déceptions. Ce n’est pas espérer que de vouloir devenir ce que nous ne sommes pas. Les mass media placent devant nos yeux à tout moment ce que nous pourrions être et ce que nous ne sommes pas, ce que les autres font et que nous ne faisons pas. 
Espérer ne sera ni une illusion de bonheur ni rêver d’un Dieu « à bon marché » qui viendra empêcher les horreurs humaines, mais d’entrevoir un Dieu qui est au cœur de nos tragédies. Devant les horreurs qu’il a vécues au camp d’Auschwitz, Élie Wiesel a écrit ces mots inoubliables :
« Jamais je n'oublierai cette nuit, la première nuit de camp qui a fait de ma vie une nuit longue et sept fois verrouillée. Jamais je n'oublierai cette fumée. Jamais je n'oublierai les petits visages des enfants, dont j'avais vu les corps se transformer en volutes sous un azur muet. Jamais je n'oublierai ces flammes qui consumèrent pour toujours ma Foi. Jamais je n'oublierai ce silence nocturne qui m'a privé pour l'éternité du désir de vivre. Jamais je n'oublierai ces instants qui assassinèrent mon Dieu et mon âme… Jamais je n'oublierai cela, même si j'étais condamné à vivre aussi longtemps que Dieu lui-même. Jamais (p. 60). »  
Nous n’avons pas pour profession de passer à côté de la souffrance, de la détresse. Nous n’avons pas pour vocation d’obscurcir l’espérance en perdant « la mémoire de notre héritage chrétien » (Ecclésia in Europea). Nous avons pour profession : d’être des porteurs d’espérance et de voir Dieu au cœur de nos détresses. L’Évangile de l’espérance est confié à l’Église du nouveau millénaire.


L’ESPERANCE, C’EST JESUS

Péguy disait qu’ « espérer ne va pas de soi, ne va pas tout seul. Pour espérer il faut être heureux. Il faut avoir reçu une grande grâce ».  Celle de croire que l’espérance, c’est une Personne. C’est Dieu nous donnant ce qu’Il est. « Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par des prophètes », écrivait l'auteur de la lettre aux Hébreux, « dans les temps où nous sommes, il nous a parlé par ce Fils… C'est le reflet resplendissant de la gloire du Père, l'expression parfaite de son être ». Il suffit de regarder Jésus pour devenir ce qu’Il est. Nous sommes des « participants de la nature divine » (1Pi). 

La nature de Dieu est d’avoir des yeux de lumière. Des yeux qui relèvent. Nous ne savons pas ce qui vient, mais nous savons qui vient. Voilà le sens de notre espérance. De l’Avent.  Alors que l’espoir vient de nos désirs…ça ira mieux, l’espérance nous est donnée à voir dans la crèche.  Ce jour-là,  Dieu, celui dont personne n’a vu le visage, a pris visage humain. Ce jour-là, Dieu confirmait qu’il voulait s’occuper de nous.

Le temps de l’Avent nous aide à voir Dieu venir s’occuper de nous. Avouons-le, nous avons beaucoup de résistances à ce que quelqu’un s’occupe de nous, de nos affaires. « La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes (lecture nuit de Noël) ». Notre foi affirme une vérité insensée: en Jésus «la création a épuisé sa désespérance (Michel del Castillo).  » « Veillez, tenez-vous en état d’éveil ».

Notre espérance est fondée sur le fait bouleversant que Dieu « a pris les devants » comme l’affirme Péguy. C’est Lui le premier qui “espère” que tous les humains puissent accepter son offre de se laisser sauver.  Jésus n’a pas attendu que nous allions vers Lui. Il est venu vers nous. Il a pris les devants. « Adam où es-tu ? ». Nous entendons souvent ce cri comme celui d’un reproche.  « Il est allé le sortir des bosquets du Paradis » disait st Chrysostome. Saint Silouane affirme que Dieu est sorti à la recherche d’Adam pour lui offrir à nouveau d’entrer dans le Paradis qu’il avait quitté et de retrouver ainsi « son image et sa ressemblance ».

Toute l’Histoire sainte montre que lorsque le peuple s’éloignait de Lui, se comportait d’une manière inhumaine,  Lui, Dieu, envoyait des prophètes et même son Fils (parabole des vignerons) pour les sortir de leur méchanceté. Pour le dire autrement, le malheur attire Dieu. En ce sens, notre temps est un temps de grâce qui attire Dieu. Le vide attire Dieu et notre temps respire de ce vide. Rien ne nous manque, mais nous manquons de tout. Nous manquons de plénitude.

Jésus a quitté sa divinité pour nous revêtir de ses vêtements divins. «Il a pris les devants». Luc dit « Il est né le sauveur du monde (Lc 2, 10-12) ». Paradoxe, à l’époque, l’empereur romain tout-puissant par ses armées, se faisait appeler le sauveur du monde. Voilà que ce titre est donné à l’être le plus faible et le plus pauvre du monde.  

Il faut être capable d’être saisi d’émotion devant ces paroles « Il est né le sauveur du monde ». Devant cette annonce, il faut, une fois dans notre vie, éprouver ce qu’on appelle «  l’onction de la foi », cette clarté soudaine qui nous fait exclamer : « c’est vrai ! Tout est vrai ! Ce ne sont pas des mots. Dieu est vraiment venu sur notre terre ». 

Mais a-t-on encore besoin aujourd’hui d’un Sauveur du monde ? Il ne suffit pas cependant de reconnaître le Christ comme « sauveur du monde » ; Il faut que nous le reconnaissions comme « mon Sauveur ». L’instant où nous faisons cette découverte, où nous recevons cette illumination, est un instant impossible à oublier. Nous comprenons alors ce que disait Paul : « Jésus Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis, moi, le premier (1 Tm 1, 15)».

L’épisode de Pierre qui coule dans le lac, est un merveilleux exemple de l’expérience de salut que nous faisons avec le Christ. Nous faisons chaque jour l’expérience de couler : dans le péché, la tiédeur, le découragement, l’incrédulité, le doute, la routine… Notre espérance est une marche au bord d’un ravin, avec la sensation permanente qu’à chaque instant nous pourrions perdre l’équilibre et tomber.

L’évangile n’est ni optimisme ni pessimisme. Il est traversé par un fort courant d’espérance. « Un enfant vous est né ». Un royaume est en germe dans notre monde. Voilà ce qui nous fait lever le matin. Voilà qui donne envie de vivre et de s’impliquer dans l’aventure d’une terre neuve, d’un « royaume de justice, d’amour et de paix (préface du Christ Roi) », d’une Eglise “autre”.  Voilà qui suscite en nous qu’être chrétien, c’est beau. C’est être ce jardinier qui jette en terre, à tout vent “des graines de sénevé ”qui, demain, produiront des fruits juteux. Devenir « graines de sénevé d’espérance ».

À Noël  « l’histoire a culbuté dans un avenir déjà sauvé (Ratzinger, entretien sur la foi p.11) ». Dieu a épousé la cause de toutes les situations malheureuses. Il « a renversé les puissants de leur trône et exalté les humiliés ». Ce sont des paroles inouïes, invraisemblables. Des paroles de libération. Espérer un avenir quand l’avenir est sans avenir. L’avenir de la terre, l’avenir de nos vies, repose sur le moins que rien.  Et cette réalité-là devrait susciter en nous un regain d’espérance.

… UN « PETIT RIEN »…..

Le fait que le Christ ne soit pas venu dans la splendeur, la puissance et la majesté, mais petit, pauvre, qu’il ait choisi pour mère « une humble servante », qu’il n’ait pas vécu dans l’une des métropoles de l’époque, Rome, Alexandrie ou même Jérusalem, mais dans un village perdu de Galilée, exerçant l’humble métier de charpentier, acquiert, en ces temps de « rapetissement » de notre Église, une signification nouvelle. Avec l’arrivée de Jésus, le vrai centre du monde n’était ni Rome ni Jérusalem, mais Bethléem, la « plus petite ville de Judée » et après elle Nazareth, le village duquel on disait qu’« il ne pouvait rien venir de bon ».

Notre espérance en Jésus Christ nous libère de la nécessité de faire notre chemin dans la vie, de dépasser nos limites à n’importe quel prix, pour être quelqu’un ; elle nous libère également de l’envie par rapport aux grands, elle nous réconcilie avec nous-mêmes et avec notre place dans la vie, elle nous donne la possibilité d’être heureux et pleinement épanouis là où nous sommes. « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ! » (Jn 1,14). Dieu, l’infini, est venu et vient continuellement vers nous, là où nous sommes. La venue du Christ dans l’incarnation fait de toutes les places, la première place. Avec le Christ dans le cœur, nous nous sentons au centre du monde même dans le village le plus perdu de la terre. Avec le Christ, « maintenant nous avons tout ».

(L’histoire rapporte que la Bienheureuse Marie de Jésus Crucifié, l’une de ces personnes cloîtrées, connue sous le nom de « Petite Arabe » en raison de son origine palestinienne et sa toute petite taille, retournant à sa place après avoir reçu la communion, on l’entendait s’exclamer, à mi-voix : « Maintenant j’ai tout, maintenant j’ai tout ».)

L’espérance : Songez à ce couple qui se rendait dans l’hiver glacial de la Palestine vers Bethlehem et qui voyait toutes les portes se fermer.  Leur marche reposait dans un enfant caché dans le ventre de d’une mère.  Il n’y avait pas de quoi pavoiser dans la nuit de l’étable. Ce couple marchait.... voilà! Marcher. L’espérance est la vitalité de notre mémoire chrétienne. Nous avons des trous de mémoire sur notre héritage chrétien.

CONCLUSION

« Épargne Celui qui est l’unique espérance du monde entier »  écrivait Tertullien jadis. C’est le cri du coeur que nous devons répéter aux humains aujourd’hui, tentés de vivre sans le Christ. C’est Lui, encore aujourd’hui, l’unique espérance du monde. Lorsque l’apôtre Pierre nous exhorte à « donner raison de l’espérance qui est en nous », il nous exhorte à parler aux hommes et aux femmes  du Christ, car c’est Lui la raison de notre espérance. Lui le Don de l’Avenir. « Il sera grand, et sera appe1é Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n'aura pas de fin. »

Nous sommes les bergers des temps modernes. Nous ne sommes pas meilleurs que les autres. Nous sommes seulement chargés, avec nos fragilités, d’être porteurs d’espérance, de Bonne nouvelle en dégageant sérénité et compassion. Dans nous, gens de la rue, Simone Weil, cette juive fascinée par Jésus sans y adhérer officiellement, offre cette remarque que je vous laisse en terminant : « Quand je veux voir si quelqu’un est chrétien, je n’écoute pas d’abord comment il me parle de Dieu, mais comment il me parle de l’homme ».

Dans un monde ravagé par la solitude, l’individualisme, le vide spirituel, nous pouvons encore comme chrétiens formuler une parole originale, qui fait preuve d’une nouvelle jeunesse, c’est celle d’offrir des raisons d’espérer.  C’est le chemin que nous propose Jésus. Il s’est fait humain pour nous parler de Dieu avec des mots humains pour que, maintenant avec nos mots humains nous devenions par grâce, ce qu’Il est par nature. Le véritable chemin d’espérance se trouve dans notre manière de parler, de percer les nuages pour y voir le soleil qui brille dans les cœurs.

Que cette journée vous tienne en éveil, vous éveille. « Chrétien, reconnais ta dignité. Deviens ce que tu es (Augustin) ». Et nous sommes ESPERANCE VIVANTE POUR NOTRE PEUPLE.

 

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Date: 
Mardi, 1 novembre, 2016

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