CAUSERIE # 1 CE QUI SE PASSE QUAND NOUS FAISONS EUCHARISTIE
CE QU’IL FAUT COMPRENDRE :
- Image des deux cierges :
Pour imager ce qu’il faut comprendre, pour exprimer autrement cette transformation de nos vies en celle de Dieu, j’utilise une image qui remonte au 1Ve siècle: « Si quelqu’un réunit les flammes de deux cierges, il verra l’une complètement passée en l’autre » (St Cyrille d’Alexandrie + 444)
Ce que cette image nous fait voir, c’est qu’en unissant deux entités de même nature, nous en formons une 3ième. Pour le dire autrement si 1 +1 = 2, cette image des deux cierges nous permet de conclure que 1+1 = 3. Une flamme s’unit à une autre et vice versa et cela donne une « autre flamme » unifiée.
Pour donner sens à cette image, il faut deux entités de même nature. Pour qu’une greffe réussisse, il faut que les organes soit compatibles disent les biologistes. Ce qui est inouïe, c’est que nous, humains, parce que nous sommes « à son image et ressemblance », sommes compatible à unifier Dieu et nous. Nos petites lumières sont compatibles à s’unir au Christ lumière.
Dès nos origines, Dieu nous a préparé au don de sa vie. Dès nos origines, nous sommes une terre compatible à ne pas rejeter ce qui est divin. « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu (St Irénée)». Notre être profond ne rejette pas une transfusion divine. St Pierre écrit que le baptême, à plus forte raison l’eucharistie, «nous rend participants de la nature divine (2 Pi 1,4)». Il s’agit de nous « greffer » au Christ.
Pour nous exprimer cela – nous greffer sur le Christ - saint Augustin utilise une formule lapidaire : « Dans ce sacrement, nous sommes devenus le corps même du Seigneur, et ce que nous recevons, nous le sommes (Sermon 229).» « Rendus dignes des divins mystères, vous êtes devenus, pour ainsi dire, concorporels et consanguins du Christ (Cyrille de Jérusalem). Nous ne formons « qu’un seul corps». «Vous êtes le corps du Christ ». Participer à l’eucharistie, c’est nous transformer en Lui.
Imaginer une fourmi- tellement petite par rapport à nous- qui se transformerait en humain. Impossible parce qu’il y a incompatibilité de nature. Mais voilà qu’entre nous et Dieu, il n’y a pas cette incompatibilité. Nous sommes de la nature de Dieu malgré l’immense distance, plus grande encore que celle de la fourmi et de nous, humain- .
Dieu a pris corps pour que nos corps prennent Le sien. C’est un mouvement de transformation, un passage de lui en nous et de nous en lui. Croire, c’est devenir Lui. Croire, c’est enfouir dans la terre, à la manière du grain de blé, notre « moi » pour qu’il devienne le Sien. En s’incarnant, Jésus nous a transformé en Lui. Et Lui, Jésus, est devenu « en tout semblable à nous à l’exception du péché ».
Nous n’en finirons jamais d’entrer dans ce mystère de la disproportion, de la transformation. Nous « faisons mémoire » que nous sommes compatible à recevoir la divinité et que la divinité est compatible à nous recevoir.
Lors des JMJ en Allemagne, le pape Benoît XVI a dit aux jeunes : « Le Corps et le Sang du Christ nous sont donnés afin que, nous-mêmes, nous soyons transformés à notre tour. Nous-mêmes, nous devons devenir Corps du Christ, consanguins avec Lui. Tous mangent l'unique pain, mais cela signifie qu'entre nous nous devenions une seule chose. [...] Dieu n'est plus seulement en face de nous, comme le Totalement autre. Il est au-dedans de nous, et nous sommes en Lui. [...] L'heure de Jésus veut devenir notre heure et elle le deviendra, si nous-mêmes, par la célébration de l'Eucharistie, nous nous laissons entraîner dans ce processus de transformations que le Seigneur a en vue. (Homélie du dimanche 21 août 2005)
Le pape Benoît XVI considère l'Eucharistie comme l'union la plus intime qui soit entre Dieu et l'homme. La «mystique» du Sacrement de l'Eucharistie, "qui se fonde sur l’abaissement de Dieu vers nous, est d’une tout autre portée et entraîne bien plus haut que ce à quoi n’importe quelle élévation mystique de l’homme pourrait conduire".
Il y a l’image des deux cierges, Il y l’image de la fourmi. Nous la regardons de haut tant elle est petite, fragile. Elle peut en tout temps se faire écraser. Entre la fourmi et nous, il y a toute une disproportion
Allons plus loin dans notre compréhension de l’eucharistie. S’il y a compatibilité à recevoir Dieu en nous, il y a donc possibilité à demeurer en Dieu. Changeons les deux cierges de tantôt par deux personnes amoureuses l’une de l’autre. Ce n’est plus alors une flamme qui s’unit à une autre, c’est plutôt l’empressement de ces deux personnes à « demeurer ensemble ». Dans notre culture, ce qui confirme que quelqu’un aime une autre personne, c’est qu’il décide de «demeurer ensemble ». De « vivre ensemble ». C’est le signe extérieur que deux personnes s’unissent. Dans le mot « demeurer », il y a beaucoup plus qu’une simple visite de courtoisie, d’amitié. Il y a l’idée d’une stabilité, d’une permanence, d’un amour mutuel. Nous le voyons autour de nous, on ne « demeure » pas longtemps ensemble s’il n’y a plus d’attirance. Si les « ondes » ne passent plus.
Demeurer chez l’autre, c’est quitter parents, familles mutuelles, amis pour un ailleurs. C’est devenir « autre ». Il n’est plus pareil depuis qu’il est « en couple ». « On ne le reconnaît plus ». Dans le mot « demeurer », il y a l’idée de transformation. Dit en terme évangélique, dans l’idée de « demeurer », il y a la dimension « d’incarnation ». Jésus est venu « habiter » parmi nous. Il s’est transformé à notre image.
C’est reproduire dans notre quotidien ce qu’hier a retentit dans le cœur d’Abraham : « Va, quitte ton pays, ta maison, la maison de ton père pour le pays que je montrerai (Gn12, 1)». Le texte ajoute : « Abraham partit sans savoir où il allai! ». Même réalité pour les conjoints. Quand les partenaires décident de « demeurer » ensemble, ils vont vers l’inconnu et souvent avec un inconnu. Chemin de fécondité. C’est le chemin pour avoir une « descendance ». Tout tient à une parole… d’amour.
Cette « demeure » va tenir en permanence si l’amour est au rendez-vous. Si les deux savent n’exister que pour l’autre. Aimer, c’est plus qu’un sentiment de bien-être. C’est une mort à soi-même. Une entrée dans le « moi » de l’autre. Donc une sortie de son « moi ». « Demeurer », s‘est enfouir dans la terre son « moi ». Le but n’est pas l’extinction du moi mais au contraire « la découverte de ce qu’il est dans sa vérité » (Drewermann eugen Dieu en toute liberté,Ed Michel 1997 p324)
L’Eucharistie nous conduit chacun personnellement à l’expérience centrale du christianisme dans une perspective de désappropriation radicale dans laquelle le Christ est entré. Jésus en effet a revêtu sa condition d’homme. Il s’agit là du vrai et grand mystère pour l’esprit humain : sa façon d’être Dieu provoque notre façon d’être homme, dit Benoît XVI.
Dans nos sociétés, « demeurer » est tellement quelque chose de première importance qu’elle assure une identité à quelqu’un. Pour avoir un passeport, un papier officiel, il faut une « demeure ». Une adresse. Le problème des sans logis, est justement qu’ils n’ont pas d’adresse, de « demeure ». Ils n’existent pas.
Ce qui se passe sur le plan humain se reproduit au plan de la vie de foi. Choisir Dieu nous fait souhaiter « demeurer » chez Lui, de faire « vie commune » par avec n’importe qui. Avec Dieu. Ouh! « Ma demeure est la maison de Yahvé, en longueur des jours (Ps22, 6) ». «Sans moi », sans cette demeurance en moi « vous ne pouvez rien faire ». « Demeurez en moi comme moi en vous ». Recevoir l’Eucharistie, c’est entré en communion profonde avec Jésus. C’est le secret de toute fécondité apostolique parce que c’est d’abord le principe de toute fécondité contemplative. « Demeurer », c’est le chemin pour poursuivre le travail de l’incarnation. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ».
Quand Jésus nous demande de « faire eucharistie », il ne nous demande pas de seulement nous transformer en Lui mais de faire de nous des « évangélisateurs » selon son cœur, capable de poursuivre le travail de l’incarnation.
Nous demeurons en Dieu. Nous demeurons aussi dans notre monde. « Père je ne te demande pas de les retirer du monde, mais de les garder du mal » « Vous êtes dans le monde mais pas du monde ».
Pour nous faire comprendre toute la beauté de l’eucharistie comme mystère d’une demeure en Lui, Jésus utilise l’exemple du sarment et du cep « Demeurez en Moi comme Moi en vous. De même que le sarment ne peut porter de lui-même du fruit sans demeurer sur le cep. Ainsi vous non plus, si vous ne demeurez en Moi…(Jn15). » Entre le cep et la vigne, il y a une même sève qui parcoure le tronc, les branches et les fruits. Si nous sommes « branchés » sur lui, nous portons du fruit. Nous faisons fructifier la vie. Benoît XV1 parle de l’eucharistie comme l’heure des « noces de Dieu », de l’union intime entre Dieu et nous. (Homélie de Benoît XVI à Altötting: « Viens, Seigneur Jésus )
Dans une très belle homélie au sanctuaire d'Altötting, le pape Benoît XVI médite le signe de la transformation de l'eau en vin à Cana et le met en lien direct avec l'Eucharistie, il nous confie que Jésus accomplit là un signe, avec lequel il annonce son heure, l'heure des noces, l'heure de l'union entre Dieu et l'homme. Il ne "produit" pas simplement du vin, mais il transforme les noces humaines en une image des noces divines, auxquelles le Père invite à travers le Fils et dans lesquelles Il donne la plénitude du bien, représentée dans l'abondance du vin. Les noces deviennent l'image de ce moment, où Jésus pousse l'amour jusqu'à l'extrême, laisse déchirer son corps et se donne ainsi à nous pour toujours, devient une seule chose avec nous - noces entre Dieu et l'homme. L'heure de la Croix, l'heure à laquelle naît le Sacrement dans lequel il se donne réellement à nous en chair et en sang, où il place son Corps entre nos mains et dans notre coeur, telle est l'heure des noces.
Lors des JMJ en Allemagne, le pape Benoît XVI a dit aux jeunes : Le Corps et le Sang du Christ nous sont donnés afin que, nous-mêmes, nous soyons transformés à notre tour. Nous-mêmes, nous devons devenir Corps du Christ, consanguins avec Lui. Tous mangent l'unique pain, mais cela signifie qu'entre nous nous devenions une seule chose. [...] Dieu n'est plus seulement en face de nous, comme le Totalement autre. Il est au-dedans de nous, et nous sommes en Lui. [...] L'heure de Jésus veut devenir notre heure et elle le deviendra, si nous-mêmes, par la célébration de l'Eucharistie, nous nous laissons entraîner dans ce processus de transformations que le Seigneur a en vue. (Homélie du dimanche 21 août 2005)
3 – mystère d’une présence réelle
Faisons un autre pas vers notre compréhension de l’eucharistie. Soyons logique, pour « demeurer » avec quelqu’un, ce quelqu’un doit nous être semblable. Nous possédons des objets. Nous ne demeurons pas avec des objets.
Ainsi nous pouvons affirmer : nous ne demeurons pas avec du pain. Nous possédons du pain.
« Toutes ces dimensions de l'Eucharistie se rejoignent dans un aspect qui, plus que tous les autres, met notre foi à l'épreuve, à savoir celui du mystère de la présence «réelle» . Avec toute la tradition de l'Église, nous croyons que, sous les espèces eucharistiques, Jésus est réellement présent. Il s'agit d'une présence qui — comme l'a si bien expliqué le Pape Paul VI — est dite «réelle» non par exclusion, comme si les autres formes de présence n'étaient pas réelles, mais par antonomase, car, en vertu de cette présence, le Christ tout entier se rend substantiellement présent dans la réalité de son corps et de son sang. C'est pourquoi la foi nous demande de nous tenir devant l'Eucharistie avec la conscience que nous sommes devant le Christ lui-même. L’Eucharistie est mystère de présence « (Jean-Paul 11 Mane nobiscum Domine 16)
« Combien y en a-t-il qui disent : Je voudrais bien voir Notre Seigneur revêtu de ce même corps dans lequel il a vécu sur la terre. Je serais ravi de voir son visage, ses habits et jusqu’à sa chaussure ». Et moi je vous dis que c’est lui-même que vous voyez, que c’est lui-même que vous touchez, c’est lui-même que vous mangez… Il ne s’est pas contenté de se faire homme… il a voulu s’unir à nous de telle sorte que nous devenons un même corps….effectivement et réellement (Jean Chrysostome, homélie 82) »
L’eucharistie, c’est « faire mémoire » d’un mystère de présence, de demeure. Nous sommes devant une « présence réelle » du Christ. Il ne s’agit pas de matérialiser son corps. Ceci est mon corps = ceci est moi. Ce pain n’est plus du pain. Faire mémoire c’est aller à la rencontre de « celui qui est, qui était et qui vient » (Apoc 1,8)
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