Année - C- samedi de la 2e semaine du CARÊME (litcc02s.25)
Lc 15, 11-32 : Partir pour mieux revenir.
Nous le vivons présentement, rien n’est plus dommageable que l’incertitude qui est plus dommageable que toute décision. Cela est vrai pour l’économie, pour nos manières de vivre aussi. J’y vais. Je n’y vais pas. Vous connaissez la question qui tue : quoi veux-tu manger ce soir et la réponse je ne sais pas, soulève de très vives réactions. Prendre la décision comme devise, c’est éviter une multitude de scénarios, d’analyse interminable. Quand vous évitez, dit une recherche récente, de donner votre opinion, l’autre personne vous trouve moins agréable. L’indécision est un mal social aux conséquences malheureuses.
Le plus difficile ne fut pas d’aller vers son père, mais de se mettre debout, en marche, de prendre la décision d’aller vers l’aller[1]. Prendre cette décision, c’est déjà avoir parcouru la moitié du chemin. Décider est le premier pas pour se mettre en route. Pour trouver des avenues à des situations problématiques. Le Père a pris la décision d’aller vers son fils et non d’attendre qu’il vienne vers lui.
Je retiens de cette décision du Père trois aspects que nous pouvons négliger de voir.
D’abord le geste du Père, sa sortie vers son fils qu’il voit au loin, est un geste de sauvetage. Venez à moi (Mt 11, 28), vous tous qui avez faim d’une vie qui fait sens, qui êtes perdus, égarés. Le Père refuse de condamner son fils. Cela irrite au plus haut point son frère qui revient des champs après une journée de travail. Il ignorait qu’il était toujours avec le Père. Qu’il était toujours assis à une table nuptiale.
Ce refus d’humilier son fils lui évite de recevoir les moqueries des autres, d’avoir honte de sa fugue. Quand la honte prend le dessus, c’est la paralysie. La honte est une attaque frontale avec notre image. Ne voyons pas seulement la miséricorde du Père, contemplons aussi sa délicatesse d’éviter à son fils d’avoir honte de lui.
Deuxième point : geste de sauvetage, geste aussi promotionnel. Le Père confirme à son fils qu’il n’a pas perdu le titre honorable de fils. Sa fugue ne l’a pas déshonoré. Le Père lui refuse même de se considérer comme le dernier de ses serviteurs en lui remettant une bague au doigt. Celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors (Jn 6, 37). Le geste du Père a vacciné son fils contre une mort certaine en lui évitant d’être placé sur une liste noire et d’être regardé comme un dangereux coureur de filles. Il lui donne à boire une eau vive, désaltérante.
Troisième point. Geste bilatéral. La miséricorde n’est jamais à sens unique. Celui qui agit avec miséricorde en ressent beaucoup de joie. Il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui revient (Lc 15, 7). Sa déclaration mon fils est vivant cache mal la délivrance de Père d’une vie étouffée par la séparation d’avec son fils. Peut-être se sentait-il responsable de la fugue de son fils. Le retour du fils a sauvé le Père d’une vie malheureuse.
Cette parabole nous place face au mystère de Dieu. Nous ne trouvons pas les mots pour en exprimer la profondeur. L’attitude du Père montre un autre Dieu, ni punitif ni vengeur. Nous avons du mal à nous défaire de toutes ces fausses images de Dieu qui attirent beaucoup d’adeptes. Maria Ressa une candidate au prix Nobel de la paix l’an dernier observe d‘expérience que si nous répétons un mensonge mille fois il devient vérité[2].
La décision du Père guérit les remords de son fils, répare les liens brisés, restaure l’amitié perdue, réunifie une famille séparée, tire hors de lui-même son fils et le réintroduit dans une terre sainte. Vraiment le salut est arrivé à cette maison (Lc 19, 9).
Je tire de cette parabole du père prodigue que Dieu est toujours perdant[3]. Il ne cherche pas à gagner. Il n’est pas intéressé à gagner. C’est la rencontre qui est gagnante si nous savons enlever mutuellement nos chaussures. Seul un cœur ouvert peut devenir un paradis terrestre pour l’autre.
[1] Cassingena-Tréverdy Frère François propos d’altitude, Albin Michel,2022, p.80
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