Année B : samedi de la 24e semaine ORDINAIRE (litbo24s.24)
Mt 9, 9-13 On demande des imparfaits
C’est parce qu’un homme était par terre que le Samaritain le ramassa. C’est parce que la face de Jésus était sale que Véronique l’essuya d’un mouchoir. Or, celui qui n’est pas tombé ne sera pas ramassé ; et celui qui n’est pas sale ne sera pas essuyé. Ces mots poétiques de Charles Péguy traduisent bien notre évangile, ce matin.
Une autre poétesse, Marie-Noël, écrit : Seigneur ! Voilà que comme un chiffonnier, vous allez ramasser des déchets, des immondices. Qu’en voulez-vous faire, Seigneur ? – Le royaume des cieux. Le royaume des cieux ! Pas moins !
À bien lire cet appel de Matthieu, nous comprenons que l’imperfection, c’est plus positif que l’on croit. Ce qui n’est pas parfait aujourd’hui n’est pas achetable. L’humain Jésus ne regarde pas les apparences (1 S 16, 7). Il n’hésite pas à choisir ceux qui, aux yeux des grands de ce monde, semblent insignifiants. Il n’écarte aucune pierre. Les pierres de fondation sont les pierres les moins recherchées.
Pouvons-nous contempler que ce comportement est génial, voire révolutionnaire ? Jésus inaugure un chemin de perfection qui inclut la reconnaissance de nos imperfections. Nous allons à Dieu par le chemin de nos imperfections, cette camisole de force difficile à enlever. Si c’était le contraire, personne ne pourrait aller vers Jésus. Personne ne pourrait être des choyés par Jésus. Dieu attend que nous lui offrions nos imperfections. C’est cela qu’indique la petite voie de Thérèse de Lisieux. La charité parfaite consiste à supporter les défauts des autres, à ne point s’étonner de leurs faiblesses, à s’édifier des plus petits actes de vertus qu’on leur voit pratique.
Chacune de nos célébrations s’ouvre par cette reconnaissance : Seigneur, prends pitié. Cette reconnaissance effective est l’étape la plus difficile. Pourtant, c’est la première étape de toute croissance humaine, de toute démarche thérapeutique. Spirituelle aussi. Nous pouvons facilement nous dire imparfaits. Accepter de l’être, c’est autre chose. Le chemin prophétique dit qu’il y a une façon d’avancer vers la victoire qui inclut la défaite. Pouvons-nous voir le génie de Jésus que toute défaite conduit à une renaissance.
Ce choix de Jésus est central. Il est au cœur de son message. Il est venu pour les pécheurs. Jésus ne recherche pas des parfaits. Il n’en aurait pas trouvé. Il s’oppose vigoureusement à la préséance de la perfection dans les prêches qu’il entend dans les temples. Si Jésus avait repoussé Marie Madeleine, elle ne serait pas devenue apôtre des apôtres. S’il avait rejeté l'ivraie Pierre, il ne se serait jamais repenti. S’il n'avait pas écouté le larron, il l'aurait maintenu dans un état de colère permanente. S’il n'avait pas porté attention à Zachée, il l'aurait encouragé à accroître son amour de l'argent.
La perfection évangélique implique l’inclusion de nos imperfections. Nous allons à Dieu non en faisant parfaitement le bien, seulement en le faisant un petit mieux chaque fois. Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas (Rm 7, 19). Supportez-vous les uns les autres (Ep 4, 2) est la devise du chrétien. François de Sales : C'est une grande partie de notre perfection que de nous supporter les uns les autres en nos imperfections.
Plus nous sommes des Matthieu, plus nous sommes des recherchés par Jésus. Entendons Jésus nous dire : relève-toi et marche.
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