Année B : samedi de la 5ière semaine de PÂQUES (litbp05s.24)
Lc 22, 24-30 : Mère Léonie : la maladie du service.
Quand Jésus parle de service, ses disciples se demandent qui est le plus grand. Quand Jésus parle la langue de l’évangile que la lecture appelle la langue de l’amour, les siens parlent la langue des parvenus, la langue de l’apparence. Qui a le plus de pouvoir ? Jésus casse l’idée que nous nous faisons de la grandeur. Si tu veux être le premier, soit le dernier de tous et le serviteur de tous. C’est l’un des paradoxes permanents de l’évangile, le plus grand c’est celui qui s’abaisse, celui qui est au service des autres. Augustin parle de cette grandeur comme une œuvre plus grande que celle de la création.
Jésus n’a pas la folie des grandeurs. Il ne possède rien. Il ne se possède même pas. Il interpelle la mesquinerie des siens qui nourrissent entre eux jalousie et l'esprit de querelle (Jc 4, 16). Les apôtres suivent Jésus. Ils divergent de position sur sa manière de vivre. Ils se querellaient sur qui d’entre eux est le plus grand (Lc 22,24). Pour eux, être compagnon de Jésus leur donnait du prestige. Jésus bouscule leur désir de grandeur en s’abaissant pour laver les pieds de ses disciples (Jn 13, 2-12), prélude de l’immense « service » qu’il rendra à l’humanité en prenant la dernière place : celle du serviteur dont parle Isaïe (Is. 52,13-53,12 ; Mt. 8,17 ; Ac. 8,32-35).
Nous l’observons, les vrais héros ne sont pas ceux qui ont de la renommée, du pouvoir, de la visibilité, qui écrase les autres. Ce sont ceux qui se donnent eux-mêmes pour servir les autres. Je pense ici à l’assassinat récent des travailleurs humanitaires à Gaza.
S’il y a une page d’Évangile qui caractérise bien la vie de mère Marie-Léonie, c’est bien celle que nous venons d’entendre. Pas d’échappatoire possible, elle l’a aimé de tout son cœur, de toutes ses forces (Mc 12,29). Elle n’a pas cherché à s’éloigner des sentiments de Jésus (Ph 2, 5) ni à court-circuiter son appel à ne pas se faire valoir. Revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience (Col 3,12). Elle a mené une vie unie à celle de Jésus. Comme lui, elle ne souffrait que d’une seule maladie, le service par en bas. Ce passage fut la pierre angulaire de sa vie. Dieu a toujours été, dit-elle, à la première place dans ma vie.[…] c’est un trésor que personne ne peut me ravir.
Humble parmi les humbles (Jean-Paul 11), elle cherche non le pouvoir de la force, mais la force de l’impuissance[1]. Elle fut la servante du Seigneur (Lc 1, 38) en se mettant en retrait, s’abaissant, ne cherchant en rien son bien-être. Elle mena une vie d’effacement, de refus de tout contrôler pour opter pour quelque chose de plus beau : l’hospitalité de la bonté. Pour elle un peu de bonté change beaucoup les autres. Paul écrit qu’un peu de levain suffit pour fermenter la pâte (1 Co5,5). Ce fut le cœur de toute sa spiritualité. De son institut.
Elle a le cœur sur la main. Elle est toute de cœur. Malgré sa pauvreté matérielle, elle répond à toutes les situations, tous les besoins. Elle ne mène pas une vie de course effrénée pour jouir et posséder plus pouvoir, pour se donner plus de visibilité. Pour elle, trop avoir, trop de luxe, trop de travail, trop de nourriture ne rend pas heureux. Ce trop crée un vide. Comme l’indique le nom de sa communauté, elle ne fut que petite.
L’hospitalité de la bonté lui fait porter le poids des autres. La douleur des autres, des prêtres. Les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Elle fut une bonne samaritaine (Lc 10, 25-35) vivant d’un seul cœur et d’une seule âme (Ac 4,32) au milieu d’un clergé pavé de grandeur et de blessures. Elle écrit à sa communauté : Redoublez de courage et de générosité au service de Dieu dans la personne de ses ministres et dans leurs œuvres ! Par-dessus tout, ayez l’amour. […]. Vivez dans l’Action de grâce […] Quel que soit votre travail, faites-le de bon cœur (Lecture). Elle fut pour le clergé la mère de toutes les nécessités.
En conclusion : un peu de toi, mon Dieu, en moi (Etty Hillesum) était sa devise préférée. L’oraison disait tantôt qu’elle fut un modèle admirable d’humilité, de charité, de dévouement au service des ministres de l’Église.
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