Année B : samedi de la 2ière semaine de PÂQUES (litbp02s.24)
Jn 6, 16-21 : l’effet colibri.
De toute évidence, la journée de travail de Jésus est terminée. Ils s’embarquèrent pour aller se reposer un peu. Ce qui devait être un simple retour à la tranquillité se transforme en cauchemar. Il m’arrivait souvent d’entendre des gens me rapporter que dans leur rêve, ils courraient sans avancer, qu’ils n’allaient nulle part, faisaient du surplace, s’épuisaient sans résultat. Belle image de ce que nous vivons comme croyants présentement.
Jean nous présente une traversée houleuse qui se perçoit à chaque sortie de Jésus vers les gens. Ce n’est pas une simple parenthèse dans sa vie. Jésus n’en finissait pas de pressentir que les gens ne le connaissaient pas. La controverse était si forte qu’ils se demandaient s’il allait monter à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Ce mouvement de harcèlement n’a en rien ralenti Jésus. Il a gardé le cap sur la nécessité de réformer les cœurs.
Aujourd’hui un vent de tempête se lève dans le monde, des vagues menaçantes viennent déstabiliser les nations, les communautés, les familles. L’impression est forte et tenace de ramer à contre-courant. L’épuisement est partout. Des sentiments de sécheresse, de désolation, d’abattement, de découragement, de fatigue surgissent en nous. Le « à quoi bon» s’infiltre dans nos veines. Il est facile de conclure que les efforts pour redonner du tonus à l’évangile ne valent rien. Nous savons par la tête que Jésus nous assure de sa présence. Nous n’en ressentons pas sa présence.
Ce n’ayez pas peur de Jésus marchant vers les siens est comme de la vitamine pour passer de ce qui ne peut que vieillir en nous à ce qui est nouveau (oraison, lundi 5e semaine Carême). Une traversée sans tempête n’est pas dans le projet de Jésus. Ce qui est central dans sa bonne nouvelle, c’est qu’elle soulèvera toujours des vents contraires.
Un poète, José Angel Valente, réécrit dans ses propres mots ce récit de Jean. J’écris sur le temps présent. J’écris d’un temps à venir, sur ce que nous sommes sur le point d’être, sur la foi obscure qui nous emporte. Mais j’écris aussi depuis la vie … que personne ne pourra nous enlever.
Reprenons ces mots d’un chant liturgique : nous le croyons, tu es vivant, tu es le soleil dans nos ténèbres. Nous le croyons, tu es vivant, Seigneur, tu es le sel de la terre. Jésus n’est pas le seul à fouler la mer agitée. Il est accompagné de son Esprit qui métamorphose ses disciples et qui donne un sens à leurs efforts et leur montre le port qui les attend.
Cette traversée vers une terre pacifique passe par la nécessité de la métamorphose (Edgar Morin), celle de passer de la puissance à la fragilité de la barque. C’est le seul chemin qui assure un succès certain. Quand je suis faible, je suis fort (2 Co 12-10). L’espoir de reconnaître Jésus au milieu des intempéries est comme cette petite sœur qui se dresse entre la foi et la charité[1]. Que serait une victoire sans vagues contraires ?
Je vous offre cette légende amérindienne des petits colibris. L’histoire dit qu’un jour il y a eu un grand incendie de forêt. Tous les animaux ont été découragés. Par contre le colibri ne renonce pas, il va prendre une goutte d’eau dans son bec et va la jeter sur le feu. On lui dit: “colibri, tu ne vas quand même pas croire que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ?” Il répond: “je le sais mais je fais ma part”.» C’est le seul chemin pour la transmission de la foi.
On a écrit que nos pensées négatives, que broyer du noir, collent en nous comme du velcro alors que nos pensées positives sont comme du téflon, elles glissent. Savourons au moins pour quinze secondes cette image de Jésus venant vers nous pour la « stocker » dans nos mémoires afin qu’elle ne glisse pas dans l’oubli. Nous sommes cette petite goutte d’eau que le colibri va jeter sur le feu. AMEN.
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