Année B- vendredi de l’octave de Pâques (litbpoov.24)
Jn 21,1-14 : sur nos rivages.
J’attire votre attention sur un petit détail. Pierre avait pris l’initiative de retourner à son ancien métier. De nuit, comme il en avait l’habitude, il jette les filets. Et voilà qu’ils demeurent vides. Il ne prend rien.
Quel signifiant message que ce petit détail ! Pierre prend l’initiative d’appeler ses compagnons de retourner à leur ancien métier. Ce retour laisse percevoir un grand vide en eux. Ils avaient connu Jésus, avaient tout quitté pour le suivre. Ils étaient pleins d’enthousiasme, pleins d’espérance et maintenant tout s’écroule.
Ils vivent leur expérience avec Jésus comme un échec. Ils n’ont plus le cœur à la fête. L’heure est à la morosité. Le bilan n’est pas à la hauteur de leur attente. Ils pressentent qu’ils se sont fait avoir par cet influenceur puissant à vendre un beau rêve. Véritable et puissant tremblement de terre.
Le texte précise un autre petit détail, loin d’être anodin. Il faisait nuit quand Pierre prit l’initiative de retourner à la pêche pour y jeter les filets. C’est aussi de nuit que Nicodème, ce maître en Israël, vient voir Jésus (Jn 3,2). Il faisait nuit quand Judas sortir pour livrer Jésus (Jn13, 30). Chez Jean, la nuit symbolise l’éloignement de Dieu.
Tous les récits des apparitions de Jésus se produisent sur les lieux de travail des disciples. Ici sur le bord de la mer, à la pointe du jour, après une nuit de vains efforts, là sur la route d’Emmaüs ou encore enfermée dans le cénacle, c’est Jésus qui prend l’initiative d’inviter à jeter à nouveau les filets, de réchauffer les cœurs, de les sortir de leur prison.
Jésus et c’est son style d’avant comme après Pâques, ne reproche jamais aux siens leur crédulité. Il ne s’offusque pas. Il sait qu’il a choisi des « imparfaits » pour le suivre. Il a choisi des gens « convertibles ». Sur le bord du lac, de leur lieu de travail, Jésus les réveille à nouveau à sa présence. Je suis tous les jours avec vous.
Mais un regard contemplatif sur cette scène sur le bord du Lac nous fait percer le mystère de la nuit, de l’effondrement. C’est quand tout est sombre que la lumière éclate. C’est quand nous atteignons le fond du baril que surgit un rayon de lumière, qu’un appel se fait entendre : retourne jeter les filets. Le message est aveuglant. La pêche de sa propre initiative est un échec, celle entreprise sur invitation d’un inconnu sur le bord du rivage est couronnée de succès. Il y a de ce petit détail tout le sens de la mission.
En conclusion de son évangile, Jean nous indique que l’effondrement est un chemin de résurrection. Plus que l’effondrement des disciples, plus que leur découragement, Jean montre que c’est dans la rencontre de Jésus sur le bord du lac, sur le chemin d’Emmaüs, dans la Galilée profonde qu’on ressuscite à quelque chose de beau. Qu’on reprend vie. Eux qui ne savaient pas que c’était Jésus (v.24), eux qui étaient des « ignorants », le reconnaissent comme le Seigneur (Jn 21,12). Avec Jésus, le succès est assuré.
Cette finale de Jean interpelle beaucoup notre regard actuel. Nous voyons partout l’effondrement de la religion, le recul de la foi. Nous voyons peu que la descente aux enfers que nous vivons comme croyants anticipe une résurgence d’une vie de foi vécue autrement que sous une politique de culpabilisation (Bruno Mori).
Reconnaître Jésus dans notre quotidien transforme. L’obscurité est vaincue par la lumière, l’échec devient fructueux, le sentiment de fatigue et d’abandon laisse place à un nouvel élan et à la certitude qu’il est avec nous. Sur nos rivages se tient le Seigneur. AMEN.
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